Au Texas, la Starbase est en ébullition pour préparer le vol du Starship numéro 5. Sur X.com, le fondateur de l'entreprise Elon Musk ne prend toujours pas de pincettes et annonce que son « plan » est d'envoyer plusieurs Starship à la surface de Mars d'ici deux ans. Puis, évidemment, des humains deux années plus tard. Optimiste ? Juste un peu !
C'est l'un des jeux les plus prisés des observateurs du secteur spatial, à savoir convertir avec une certaine précision ce qu'il convient d'appeler l'« Elon Time » en un véritable calendrier. Et diable, l'exercice s'avère bien compliqué.
En 2017 déjà, le fondateur de SpaceX expliquait que deux véhicules cargos partiraient pour la planète rouge en 2022. Rebelote en 2020, lors de la remise de l'Axel Springer Award, quand il prévoyait d'envoyer des humains en direction de Mars « en 2026, voire en 2024 ».
Ce qui ne fait pas nécessairement d'Elon Musk un menteur patenté (du moins pas dans le domaine spatial), car il a expliqué il y a plusieurs années déjà devant le milliardaire Y. Maezawa sa manière de planifier les grands projets. Il s'agit toujours d'un objectif qui correspond au calendrier idéal, c'est-à-dire si absolument tout se passe comme prévu, sans anicroche. D'où le décalage avec la réalité. Alors, annoncer une mission cargo de Starship vers Mars en 2026, est-ce plausible ?
En l'état actuel : non
Tout d'abord, Starship a bien progressé au cours des 18 derniers mois. D'un véhicule prototype qui provoquait des sueurs froides au décollage et détruisait ses propres installations, il est devenu un lanceur capable d'atteindre l'orbite… et peut-être même d'en revenir. Des essais concluants vont prochainement mener à un nouveau lancement, avec pour objectif de rattraper le titanesque premier étage, SuperHeavy, avec les bras amovibles de la tour située sur le pas de tir.
Mais en soi, il reste plusieurs étapes avant que le Starship soit performant en orbite. Il faudra notamment montrer que les moteurs Raptor se rallument comme prévu dans le vide pour manœuvrer d'une orbite à l'autre, mais aussi, plus critique encore, que deux Starship peuvent s'amarrer ensemble pour transférer des ergols cryogéniques entre eux.
Car pour atteindre Mars et s'y poser, même avec une version potentiellement plus puissante de Starship, il faudrait tout de même plusieurs (certains évoquent plus de 10) ravitaillements en ergols avant de s'échapper vers la planète rouge. Et ce, juste pour pouvoir s'y poser, sans option de retour.
D'autant qu'un cargo, c'est bien, mais à la limite, il serait intéressant de savoir quoi poser sur Mars aussi. Sauf que pour l'instant, rien n'est développé pour ça non plus (ni par la NASA ni par SpaceX ou autre).
La course à l'échalote ?
La date de 2026 n'a pas été choisie au hasard, il s'agit de la prochaine « fenêtre » de tir idéale pour aller vers Mars. Il y en a une en 2024, qui s'ouvre pour quelques semaines au mois d'octobre, tandis qu'ensuite, il faudra attendre 26 mois pour que la position de nos deux planètes soit à nouveau idéale pour un voyage de transfert. Une version cargo de Starship pourrait-elle être prête à cet horizon ?
Cela nécessitera d'avoir des véhicules capables de décoller et d'être réutilisés rapidement pour faire office de station-service en orbite terrestre, puis d'aller vers Mars…
Mais si le calendrier pose aussi des questions, c'est que SpaceX a déjà un autre objectif à cet horizon 2026 : la Lune ! Il s'agit en effet de la date actuelle pour la mission Artemis III, laquelle demandera déjà à l'entreprise d'Elon Musk une véritable série de décollages groupés pour ravitailler un Starship lunaire avant de l'envoyer servir aux astronautes de la NASA. C'est déjà un terrible défi pour dans deux ans.
Quoi qu'il en soit, Elon Musk a tenu à tempérer lui-même ses propos : les humains attendront que l'atterrissage martien soit fiable (ouf !). Ce sera donc probablement pour dans 4 ans, plutôt. Mais, selon lui, sans doute avant 8. Bon, vous l'aurez compris, ce n'est pas demain, même en Elon Time.
Source : Reuters