C'est bel et bien SpaceX qui devra se charger de désorbiter la Station spatiale internationale !

Eric Bottlaender
Par Eric Bottlaender, Spécialiste espace.
Publié le 28 juin 2024 à 08h34
La Station spatiale internationale n'est pas éternelle © NASA
La Station spatiale internationale n'est pas éternelle © NASA

Pas question de laisser l'ISS, à la fin de sa carrière opérationnelle en 2030, devenir le plus impressionnant débris orbital que l'humanité ait fabriqué. La NASA a étudié ses options et, après un nouvel appel d'offres, donnera 843 millions de dollars à SpaceX pour la conception et la réalisation d'un véhicule de désorbitation.

L'échéance approche. Tous les participants à l'ISS, les agences, les astronautes et les industriels le savent, la Station spatiale internationale n'est pas éternelle. À l'origine, elle devait même être progressivement délaissée à partir de 2016, mais comme elle avait pris du temps à être assemblée et que les modules ont finalement offert une durée de vie exceptionnelle, la station joue les prolongations depuis.

Tous les 4 ans environ, elle est prolongée d'autant. Mais cela ne pourra pas durer. D'abord parce que les nations ici, sur Terre, ne s'entendent pas bien. La Russie particulièrement est mise au ban depuis son invasion de l'Ukraine, même si les échanges se poursuivent pour que l'ISS perdure. Ensuite, la station ne rajeunit pas. Fuite d'air (contrôlée) et de réfrigérant côté russe, problèmes de scaphandre côté américain, les tâches liées à la maintenance vont se multiplier.

Aussi, il y a un accord entre les principales parties pour travailler normalement jusqu'en 2028, puis pour progressivement se désengager jusqu'en 2030-2032 (il reste un certain flou sur les dates), bref jusqu'à ce qu'il soit temps de fermer l'écoutille une dernière fois.

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Décryptage

Il faudra freiner fort, mais pas trop

Américains et Russes, qui partagent entre eux les principales responsabilités de la station, échangent depuis longtemps sur l'épineux sujet de la fin de l'ISS. Ce mercredi 26 juin, la NASA a d'ailleurs rendu un nouveau rapport étudiant les différentes options : rehausser son orbite pour la conserver, détacher des modules avant de la détruire, détacher des modules pour s'en resservir, ou l'envoyer plonger « entière » à travers l'atmosphère terrestre. La grande majorité des modules ayant dépassé (de loin) leur durée de vie initiale, il y a peu d'intérêt à les garder en orbite, d'autant qu'il faudrait alors les détacher, puis les apporter sur une autre station, ce qui serait coûteux et complexe.

Mais désorbiter l'ISS n'est pas simple. Il faut d'abord la freiner doucement jusqu'à environ 250 kilomètres d'altitude, et donc s'assurer qu'elle ne tombe pas en morceaux en tirant/poussant à ce moment-là. Puis, dans un deuxième temps, il faut être capable de freiner suffisamment fort pour qu'en une poignée de minutes, la station quitte son orbite et se désintègre au-dessus du Pacifique sud. Évidemment, compte tenu de sa taille et de sa masse, une traversée non contrôlée de l'atmosphère conduirait beaucoup de débris au sol. Il faut donc un véhicule puissant et capable de se charger de la désorbitation, car la station, malgré ses propulseurs, n'a pas assez de réserves pour s'en charger, même avec l'aide des cargos « classiques » et de leur moteur.

SpaceX avait déjà remporté un contrat pour produire le "Dragon XL" pour la future station lunaire © SpaceX

SpaceX remporte un contrat de plus

C'est donc un véhicule de SpaceX qui va s'en charger. La formulation de la NASA laisse d'ailleurs place à la spéculation : s'agira-t-il d'un Starship ou d'un véhicule plus conventionnel ? Une version spéciale du cargo Dragon utilisé aujourd'hui (lequel serait très insuffisant pour désorbiter la station) avec plusieurs tonnes de carburant supplémentaire ? Un Dragon XL, tel que développé pour ravitailler la future station lunaire Gateway ? Ou un étage de Falcon 9, voire Falcon Heavy modifié pour s'amarrer avec l'ISS ?

Avec 843 millions de dollars, il y a forcément du travail de développement, et il faudra bien ces quelques années, même à une entreprise aussi tentaculaire que SpaceX, pour réussir à concilier les différentes techniques pour y arriver. En fin de compte, le véhicule sera pilote pour le compte de la NASA, comme c'est le cas aujourd'hui pour Crew Dragon.

Reste que pour certains, c'est un peu un signe des temps, SpaceX qui s'apprête à enterrer l'ISS…

Source : CNBC

Par Eric Bottlaender
Spécialiste espace

Je suis un "space writer" ! Ingénieur et spécialisé espace, j'écris et je partage ma passion de l'exploration spatiale depuis 2014 (articles, presse papier, CNES, bouquins). N'hésitez pas à me poser vos questions !

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Commentaires (10)
lebobydu77

Article très intéressant et instructif, mais quid de l’après 2030/2032 ? Existe t-il un nouveau projet de station spatiale internationale malgré les conflits géopolitiques actuels et les coûts impliqués et la montée en puissance de la Chine et de l’Inde dans ce domaine.

hellcat1944

Très bon choix, ce sont les meilleurs quand il s’agit de tout faire péter et polluer les océans :+1:t2:

ebottlaender

Non, il existe un projet de station « internationale » lunaire (mais sans la Chine, la Russie) mais pour le reste en orbite basse, il y aura des stations privées qui seront opérées en public-privé avec l’objectif d’économiser.

sebstein

843 millions de dollars

Ça fait cher le camion poubelle…

Et les poussières de désintégration des matériaux toxiques qui redescendent sur terre, c’est sans danger (vraie question).

ebottlaender

Localement et quand ce n’est pas trop régulier, c’est en effet sans danger (le danger ici c’est surtout de prendre un débris sur une zone habitée, d’ou l’intérêt du camion poubelle).

Il y a des études en cours et des débats sur la désintégration de matériaux dans la haute atmosphère, en particulier à cause des grandes constellations qui ont un turn-over assez important, pour justement ne pas laisser de débris en orbite.

sebstein

Même localement, j’imagine que ça doit bien finir par retomber et se disséminer un peu partout dans l’air, le sol ou les océans ?
Et puis, l’ISS n’est pas faite de bois, j’imagine que ce sont des matériaux avec des caractéristiques bien spécifique et probablement hautement polluants.

ebottlaender

Non, ce sont essentiellement des poussières et des tout petits fragments, donc ça retombe au bout d’un moment, et une partie est emmenée par des vents. Compte tenu des concentrations localement et quand ce n’est pas régulier, cela ne pose pas de danger.

La dissémination et les concentrations sont à surveiller si on fait rentrer des centaines de satellites. A ce moment là, oui les transports de poussières etc peuvent peut-être générer des concentrations qui produisent des effets. Comme dit, c’est débattu actuellement.

Pour les polluants, tout est brulé à 2500 degrés donc… Je déconseille cependant de sniffer les débris spatiaux.

carinae

Vaste question. :thinking: Sachant qu’il y a environ 1 million de débris de toute taille en orbite… c’est difficile de faire le ménage la haut. En terme de pollution effectivement beaucoup de matériaux ne brûleront pas dans l’atmosphère. Et on peut peut considérer que l’air et forcément l’eau seront pollué par ces matériaux si la station ou ce qu’il en reste atterri réellement dans l’eau. Mais bon …y a t’il une autre solution ?

sebstein

Pourquoi ne pas la désorbiter vers l’extérieur ? Elle finira par se crasher sur un autre objet céleste…

MattS32

Parce que arracher 400 tonnes à la gravité terrestre nécessiterait une quantité d’énergie faramineuse.