L’actualité est embarrassante pour la NASA, qui a dû annuler deux fois des sorties spatiales en quelques semaines... Et qui fait désormais face à une crise pour l’avenir de ses scaphandres. Collins Aerospace, l’industriel historique sélectionné pour produire la prochaine génération, jette l’éponge et abandonne !
S’il fallait encore prouver que l’on ne choisit pas l’agenda de ses problèmes, la situation des scaphandres à la NASA en cette fin juin en serait un bel exemple. Car le contexte de l’actualité n’est pas très bon : depuis le début du mois de juin, l’agence américaine a dû annuler coup sur coup deux sorties extravéhiculaires sur les flancs de la Station spatiale internationale. Avec à chaque fois un problème indirect lié aux EMU, les imposants scaphandres utilisés par les astronautes, véritables petits véhicules spatiaux indépendants qui leur permettent de travailler jusqu’à 8 h d’affilée dans le vide spatial.
Des sorties annulées au dernier moment
Le 13 juin, au moment d’entrer dans le sas et après plus d’une heure dans les scaphandres, la sortie est annulée : Matthew Dominick éprouve un « inconfort » dans sa combinaison. Ce qui restera privé, pour des raisons évidentes (cela peut aller d’un problème intestinal à une pièce mal réglée qui entraine des frottements) : il faut être à 100 % de ses capacités pour sortir dans le vide, c’est une activité épuisante mentalement et physiquement. Le 24 juin, autre souci.
Cette fois, c’est Tracy Caldwell Dyson qui en a fait les frais alors que les astronautes étaient déjà dans le sas, écoutille ouverte sur l’extérieur : au moment de se débrancher du système de support vie de l’ISS, le tuyau ombilical qui permet d’amener l’eau (qui sert de liquide de refroidissement au scaphandre) vers l’EMU se met à fuir dans l’ensemble du sas. Le casque, les gants de Tracy Caldwell et une partie du sas recouverts d’eau givrée, la sortie extravéhiculaire a dû être annulée. Les astronautes n'ont pas été en danger, mais tout ceci leur fait perdre du temps, d'autant qu'il reste toujours les tâches à l'extérieur à mener.
Les scaphandres vieillissent
Si dans les deux problèmes rencontrés en ce mois de juin, les scaphandres EMU ne sont pas 100 % à l’origine de l’annulation des sorties, cela vient souligner une crise qui dure depuis quelques années déjà. En effet, les EMU sont directement issus d’un design datant du tout début des années 80, et dédié au travail sur les navettes STS américaines. Les unités employées sur l’ISS sont vieillissantes et une partie des pièces ne sont plus produites. Dans les années 2000, puis 2010, la NASA avait bien un projet pour les remplacer, mais ce dernier, malgré des centaines de millions de dollars dédiés à la recherche, n’a pas pu aboutir... alors que le temps presse !
Non seulement les EMU ne rajeunissent pas, mais en plus ils coûtent très cher en maintenance et ils sont inadaptés au prochain défi de la NASA, celui de la (re)conquête lunaire. Mise sous pression, l’agence américaine a lancé en 2021 un appel d’offres pour confier la fin du développement et la production de futurs scaphandres dans un de ses célèbres contrats public-privés. Collins Aerospace et Axiom Space remportent les contrats en 2022, pour un maximum de 3,5 milliards de dollars sur 12 ans.
Collins tombe à l’eau, qui reste-t-il ?
La NASA pensait avoir couvert ses besoins. Les deux industriels travaillent chacun sur une version « espace » dédiée à l’ISS et à une version « lunaire », tandis que l’agence américaine a donné une priorité pour que la concurrence ne soit pas trop forte : Axiom vers la Lune, Collins vers l’ISS. Mais patatras ! Ce 25 juin, après des premières fuites dans la presse, Collins Aerospace a confirmé une « mise en pause » de ses travaux pour un futur scaphandre avec la NASA, affichant en revanche la poursuite de ses activités de maintenance des EMU actuels. L’agence américaine va donc devoir se tourner uniquement vers Axiom Space, ou bien sélectionner un autre industriel pour prendre la place de Collins. Ce qui n’est pas aussi facile que de claquer des doigts, car il n’y avait pas légion de propositions sur cet appel d’offres très exigeant. La version extravéhiculaire des combinaisons de SpaceX, qui devrait voler d’ici quelques semaines en orbite avec la première mission privée Polaris, ne coche elle-même pas toutes les cases.
Pour Axiom Space, la route n’est pas non plus sans obstacle. Alors qu’elle est encore très jeune, la structure basée à Houston gère déjà des vols commerciaux d’astronautes vers l’ISS, la fabrication de plusieurs modules d’une future station privée, et la future génération de scaphandres. Des activités qui nécessitent toutes d’énormes investissements en amont ! Ils ont cependant, avec le retrait de Collins, une large avance dans le développement des futures combinaisons extravéhiculaires et les images des tests réalisés le mois dernier avec les astronautes Douglas Wheelock et Peggy Whitson sont encourageantes. Elles permettent d’espérer que, côté américain, il n’y ait pas un manque criant de ces indispensables éléments d’ici quelques années.
Source : Ars Technica