C'est l'aube pour la mission Polaris Dawn, juste après l'éjection de la capsule. © SpaceX
C'est l'aube pour la mission Polaris Dawn, juste après l'éjection de la capsule. © SpaceX

Après deux années de préparation, le milliardaire Jared Isaacman, associé à SpaceX, s’envole à nouveau en capsule Crew Dragon. Les quatre membres d’équipage ont atteint une altitude inédite depuis les missions Apollo, et vont réaliser la première sortie extravéhiculaire privée. Polaris Dawn sera spectaculaire !

Repoussée plusieurs fois depuis la fin du mois d’août pour que les équipes puissent bénéficier d’une bonne fenêtre météorologique au décollage et à l’atterrissage, la mission Polaris Dawn s’est élancée vers l’Espace ce matin. Les quatre occupants de la capsule Crew Dragon « Resilience » sont restés quelques heures sanglés dans leurs sièges, mais à 11 h 23 (Paris), les moteurs de Falcon 9 ont rugi et fait trembler le Centre Spatial Kennedy avant d’accélérer le lanceur à travers l’atmosphère.

À peine plus de 10 minutes plus tard, le véhicule s’est doucement séparé du deuxième étage sur l’orbite prévue. Jared Isaacman, Scott Poteet, Sarah Gillis et Anna Menon sont sur une trajectoire inédite depuis la fin des missions Apollo, qui les emmène tout d’abord entre 200 et 1 200 km d’altitude. Après huit orbites pour tout vérifier, prendre un temps de repos et entamer quelques expériences scientifiques, la capsule grimpera encore plus haut, jusqu’à 1 400 km d’altitude.

L'équipage va bien, ils vous passent le bonjour. © SpaceX
L'équipage va bien, ils vous passent le bonjour. © SpaceX

Une trajectoire inédite

Cette mission n’est que la deuxième de sa génération à ne pas rejoindre une station spatiale. La première était Inspiration4, et elle était déjà à l’initiative du milliardaire Jared Isaacman. Convaincu par son vol, l’entrepreneur et pilote a décidé en 2022 de financer en partenariat avec SpaceX un programme pour repousser les limites du vol habité et améliorer les technologies disponibles.

Polaris Dawn dispose dès lors d’objectifs mixtes, à la fois de démonstration technologique, de recherche, et aussi de plaisir pour le richissime commandant de la capsule. Il aura ainsi le plaisir de dépasser l’altitude de 1 375 km atteinte autour de la Terre par les astronautes lors de Gemini 11, un record qui ne fut dépassé que lors des missions lunaires Apollo. Mais ce n’est pas tout, puisqu’après six orbites, Crew Dragon freinera jusqu’à 700 km d’altitude, pour organiser la première sortie extravéhiculaire privée de l’histoire prévue le 12 septembre.

Une sortie spatiale, mais aussi une aventure

Cela fait plusieurs années que SpaceX prépare dans la plus grande discrétion sa nouvelle génération de scaphandres dédiés aux sorties dans le vide spatial. Elles sont bien plus complexes que les combinaisons IVA (ou intravéhiculaires) qui assurent la sécurité des équipages en cas de problème ou de dépressurisation de la capsule Crew Dragon lors d’une mission classique… et pourtant, elles leur ressemblent beaucoup ! Plus épaisses, avec de nouveaux matériaux, un gros travail sur l’isolation thermique et un casque entièrement repensé, ces combinaisons font leur premier vol avec Polaris Dawn.

À 700 km d’altitude, l’équipage va dépressuriser entièrement la capsule Crew Dragon, qui n’est pas équipée d’un sas particulier : tout l’intérieur sera exposé au vide. Puis Jared Isaacman et Sarah Gillis ouvriront l’écoutille et pourront sortir et se tenir à l’extérieur, avec un système de rails nommé « Skywalker ». L’expérience promet d’être spectaculaire, pour eux comme pour les spectateurs : il y a des caméras HD dans les casques comme sur le système de la capsule !

C’est aussi un exercice risqué, et l’équipage s’est préparé avec attention. En effet, c’est l’ensemble de Crew Dragon qui sera dépressurisé, il n’y a pas de place pour l’improvisation. Si l’écoutille ne peut être refermée exactement comme prévu, ou s’il y a un problème avec l’un des astronautes, il leur faudra réagir à des scénarios qui n’ont tout simplement jamais été expérimentés en orbite.

La sortie extravéhiculaire est l'un des objectifs majeurs de ce vol. Mais c'est aussi le plus dangereux. © SpaceX/Polaris Dawn

Des expériences personnelles et pour tous

Polaris Dawn devrait durer environ cinq jours en orbite, après quoi la capsule Resilience freinera pour se poser au large de la Floride. Ses quatre occupants seront suivis de près pour de nombreuses expériences en particulier médicales (Anna Menon est médecin), car lors de leurs passages à haute altitude, ils seront exposés à beaucoup plus de radiations que les astronautes des missions sur la Station spatiale internationale. Des doses qui ne sont pas dangereuses pour les périodes d’exposition de la mission, mais qui sont tout de même équivalentes à quelques semaines sur l’ISS. Les deux occupantes féminines de la mission seront également les premières à atteindre une telle altitude, ce qui est intéressant pour comparer les effets sur la physiologie avec leurs collègues. La mission comporte également des lentilles spéciales pour le suivi de l’évolution des globes oculaires. Mais, il y aura également des moments de calme et de repos, pour que les quatre occupants puissent profiter de leur voyage au profil unique.

Un dispositif particulier sur une lentille pour mesurer l'évolution des globes oculaires, tel qu'en porteront les membres de Polaris Dawn. © Polaris Dawn/J. Kraus

SpaceX prépare la suite

Pour SpaceX, outre la trajectoire, la sortie extravéhiculaire et le profil de mission inédit, c’est aussi l’occasion de tester les liaisons de données entre la capsule Crew Dragon et le sol en utilisant le réseau de connectivité Starlink. Crew Dragon embarque en effet une antenne adaptée et testera des liaisons laser avec les unités de la constellation qui comptent désormais pratiquement 7 000 satellites actifs.

La firme basée à Hawthorne envisage de plus en plus de missions pour la NASA comme pour des clients privés tels qu'Axiom ou pour des individus comme Jared Isaacman. Cette mission est donc importante à la fois pour qu’ils puissent repousser les limites de ce qui est proposé à leurs clients, mais aussi pour de potentielles missions au service des agences ou de futurs travailleurs en orbite. Les scaphandres notamment devraient évoluer à l’avenir pour permettre des opérations en autonomie.

Source : direct