Jared Isaacman sort de la capsule Crew Dragon et fait face à la Terre. © SpaceX
Jared Isaacman sort de la capsule Crew Dragon et fait face à la Terre. © SpaceX

Ce 12 septembre, dans une ambiance studieuse entre l’équipe du centre de contrôle en Californie et la capsule Crew Dragon, les quatre astronautes de la mission Polaris ont dépressurisé leur véhicule. Le milliardaire Jared Isaacman et l’employée de SpaceX Sarah Gillis ont ensuite testé les scaphandres à l’extérieur.

Ce devait être l’élément central de la mission Polaris Dawn qui a décollé sans encombre le 10 septembre. Après une journée à manœuvrer à haute altitude, devenant le seul équipage depuis les missions Apollo à dépasser les 1 000 km d’altitude (la capsule a atteint une orbite de 200 x 1 400 km hier), les quatre astronautes se sont préparés pour leur sortie extravéhiculaire, ou EVA. Celle-ci possédait plusieurs spécificités.

D’abord, il s’agit bien de la première organisée de manière entièrement privée par SpaceX : communications, gestion des procédures et scaphandres ont été créés par la firme californienne. D’autre part, l’espace restreint dans la capsule Crew Dragon impliquait que les quatre participants à la mission (le milliardaire Jared Isaacman, le pilote Scott Potteet, et les deux employées de SpaceX Sarah Gillis et Anna Menon) soient tous exposés au vide avant d’ouvrir l’écoutille. C’était en soi déjà un record pour une sortie spatiale, même s’il faut être précis, seuls Jared Isaacman et Sarah Gillis sont sortis « dehors », et tous les quatre sont restés connectés à la capsule via des sangles et leurs ombilicaux, leur amenant électricité et oxygène.

Les astronautes ont pu se tenir à l'extérieur grâce à un système de rampes déployé après le décollage. © SpaceX
Les astronautes ont pu se tenir à l'extérieur grâce à un système de rampes déployé après le décollage. © SpaceX

Une sortie pas comme les autres

La sortie spatiale, qui a eu lieu sur une orbite de 200 x 750 km environ, a démarré pour SpaceX lorsque les quatre occupants de la capsule baptisée « Resilience » ont fermé hermétiquement leurs casques, et que l’air de leur combinaison a été remplacé par de l’oxygène pur. Cela permet, avec une pression interne plus faible, une meilleure mobilité des scaphandres tout en gardant les niveaux d’oxygène parfaitement adéquats pour cette expérience. Une fois les vérifications sur les scaphandres terminées, les astronautes et les équipes au sol ont ordonné la purge de l’air interne de la capsule, qui n’a pris que quelques minutes (bien plus rapide que le sas Quest de l’ISS par exemple). Positionné devant ses camarades, Jared Isaacman a ensuite ouvert l’écoutille en deux temps : une première fois pour éjecter ce qui restait d’air dans l’espace intérieur, une deuxième pour libérer le passage vers l’extérieur. Il a ensuite émergé de l’écoutille, 738 km au-dessus de la Terre et il a déclaré : « Nous avons beaucoup de travail à faire sur notre planète, mais d’ici la Terre ressemble vraiment à un monde parfait ».

Un programme de tests suivi à la lettre

Même si SpaceX et les astronautes s’étaient déjà exprimés en ce sens, il s’agissait avant tout de la première sortie spatiale du genre, et la toute première fois que ces combinaisons, amplement modifiées à partir de celles utilisées par la NASA sur Crew Dragon depuis 2020, étaient exposées au vide spatial en orbite. Pas question donc de frivolité ou d’acrobaties, mais de quelques minutes à peine, dédiées à tester la mobilité et les équipements. Une poignée de tests réalisés debout, accrochés aux rails du dispositif « skywalker » mis en place par SpaceX au-dessus de l’écoutille.

Jared Isaacman, qui a eu la chance de voir la Terre passer du crépuscule au « côté nuit » durant ses 12 minutes à l’extérieur, et ensuite Sarah Gillis ont ainsi fait plusieurs mouvements de bras, des doigts, du torse, de la tête et des jambes. Ils ont évalué leurs communications, testé un dispositif de cale-pieds leur libérant les mains et tenté de se pencher pour caractériser au maximum les combinaisons. À l’image, leurs mouvements ont paru saccadés, crispés, cela étant surtout dû à la rigidification des articulations. Néanmoins, les deux astronautes ont pu exécuter tout le programme prévu, et les notes que l’on a pu entendre oralement ne semblaient pas indiquer de gêne majeure.

L'astronaute de SpaceX Sarah Gillis effectuant ses mouvements. En fond, la Terre était malheureusement "côté nuit" à ce moment de la sortie (et quasiment sans lumière terrestre, au-dessus du Pacifique Sud). © SpaceX

Prudence et procédure.

Ce fut donc deux séquences de moins de 15 minutes, un programme prudent, exécuté de façon presque scolaire et dans un sérieux religieux par le milliardaire et l’employée de SpaceX. Pas de caprice ou de changement par rapport au programme : Jared Isaacman a beau financer ce programme spatial privé avec SpaceX et commander la mission, il est aussi un pilote d’avion de chasse très attaché à respecter les tests et le développement de cette technologie qu’il a aidé à mettre en place depuis deux ans.

Ainsi, tout juste ont-ils chacun pris une poignée de secondes avant de revenir dans la capsule pour profiter d’une vue unique au monde. Une évaluation en bonne et due forme ! Une fois l’écoutille refermée, le point le plus critique, celui de la repressurisation, a pu prendre place en quelques minutes sans aucun incident. Dans les 20 minutes, les astronautes de Polaris pouvaient relever leurs visières et respirer l’air de leur capsule. Cette EVA s’est terminée sur un succès, et ce ne sera sans doute pas la dernière chez SpaceX ! Par contre il s’agissait de la seule sortie de cette mission, qui ne contient pas de réserve d’air suffisante pour purger une nouvelle fois tout le volume de Crew Dragon et terminer comme prévu le parcours jusqu’à la Terre ! Le retour de l’équipage est prévu le 15 septembre au large de la Floride.

Source : YouTube