Superbe vue de la capsule Starliner lors de son approche de l'ISS ce 6 juin 2024 © Roscosmos / O. Kononenko
Superbe vue de la capsule Starliner lors de son approche de l'ISS ce 6 juin 2024 © Roscosmos / O. Kononenko

Le 5 juin, la capsule de Boeing a enfin pu décoller de Cape Canaveral pour emmener en orbite ses deux premiers astronautes, Barry Wilmore et Sunita Williams. Un dernier vol de test avant d'entamer des rotations régulières pour la NASA, mais pas sans surprises. Starliner la mal aimée va-t-elle enfin percer ?

« J'étais presque choqué qu'on puisse décoller, finalement », a glissé Barry « Butch » Wilmore lors de l'un de ses premiers échanges en orbite avec les contrôleurs de vol à Houston. Il faut dire que les derniers jours précédant le lancement de Starliner avec sa fusée Atlas V ce 5 juin ont été mouvementés. Dernier élément en date : le 1er juin, une carte électronique sur le site de lancement s'est désynchronisée avec les éléments lanceurs. Quelques minutes seulement avant le tir, l'ordinateur de contrôle a annulé la tentative. Et les astronautes, dépités, ont dû débarquer avant d'attendre quelques jours de plus.

Cette malchance semblait coller à la carlingue de Starliner, et ce, même si les déboires de la fusée et des systèmes sols ne sont pas liés à la capsule ni à Boeing, mais à l'opérateur de la fusée Atlas V, United Launch Alliance. Starliner n'est pas la seule à voler rarement, il s'agissait du premier tir d'une Atlas V depuis début 2024. Reste que ce 5 juin à 16 h 52 (heure de Paris), la fusée a enfin pu décoller et s'élancer dans le ciel de Floride.

Starliner était depuis plusieurs semaines au sommet de sa fusée Atlas V © ULA
Starliner était depuis plusieurs semaines au sommet de sa fusée Atlas V © ULA

Atlas V n'a pas démérité

Pour la première fois depuis les années 60, des astronautes ont décollé de Cape Canaveral ! Eh oui, les lancements des Falcon 9 habitées ont lieu sur le site, adjacent mais géré par la NASA, du Centre spatial Kennedy. La fusée elle-même a propulsé Starliner jusqu'aux frontières de l'orbite avant de l'éjecter à t+15 minutes, fournissant à ses deux occupants un voyage « excitant mais très confortable ».

La fusée poursuit ainsi sa réputation quasi parfaite avec 100 % de réussite. À 230 kilomètres d'altitude, il fallait encore que Starliner fournisse d'elle-même la poussée finale qui l'enverrait en orbite autour de la Terre, manœuvre qui a eu lieu sans problème après 30 minutes de vol.

Avant la première période de repos pour les astronautes, les équipes au sol ont toutefois noté deux petites fuites d'hélium supplémentaires… Un moment gênant : quelques semaines plus tôt, la NASA et Boeing ont accepté que Starliner puisse décoller avec une toute petite fuite d'hélium, ce gaz froid qui sert à ses propulseurs d'attitude (ils orientent le vaisseau). Il a ainsi fallu fermer quelques vannes supplémentaires avant de résoudre le problème dans la nuit.

Sunita Williams et Butch Wilmore sont également les premiers en orbite à porter la combinaison de Boeing © NASA

Un amarrage retardé

Le deuxième jour du vol était consacré à l'approche, puis à l'amarrage sur la Station spatiale internationale. Les différents allumages moteurs et la « poursuite » de la station se sont passés sans anicroche, et Butch et Suni ont peut-être même eu le temps de regarder l'essai du Starship dans l'après-midi (on ne sait jamais).

Starliner est cependant rapidement arrivé à 400 mètres de l'ISS avant d'en faire le tour pour se présenter sur l'avant. Là encore, les équipes ont eu quelques petites surprises avec les propulseurs de la capsule, ce qui montre bien que le système manque encore un peu de maturité pour le matériel qui, bien qu'habité, fait un vol de test.

Très médiatisés, ces déboires sont cependant à relativiser. Wilmore et Williams n'ont jamais été en danger, et la NASA n'a pas abaissé ses standards pour laisser la capsule s'approcher de l'ISS. Au contraire, tout le monde est resté calme, et Butch Wilmore a pu s'entraîner à piloter Starliner en manuel avant que le problème soit résolu et que tous les propulseurs sauf un soient fonctionnels.

9 occupants sur l'ISS

Une fois la capsule amarrée à l'ISS, les astronautes ont dû attendre (mais ça, c'est habituel) que les pressions s'équilibrent, et que toutes les liaisons électriques et de données soient valides pour ouvrir les écoutilles. Sunita Williams en particulier a laissé éclater sa joie de pouvoir rejoindre ses 7 collègues et amis présents sur l'ISS.

Starliner restera amarrée plus d'une semaine, avec un retour pour l'instant prévu le 14 juin, mais à moduler en fonction des conditions météorologiques (en particulier les vents) sur le site de White Sands, au Nouveau-Mexique. D'ici là, la Station spatiale internationale comptera 9 occupants, 3 Russes et 6 Américains, et 3 capsules habitées de modèles différents, ce qui est tout simplement inédit.

Les équipes de Boeing profiteront des jours à venir et du fait que le système de propulsion de Starliner soit désactivé durant son amarrage à l'ISS pour mieux comprendre ces pannes, qui font beaucoup de mal à la réputation de la capsule ici, sur Terre.

Si proches, et pourtant... Il a fallu de la patience pour que Starliner ait l'autorisation finale de s'amarrer à l'ISS © NASA

Enfin le début de carrière pour Starliner ?

Pour autant, un atterrissage réussi à la mi-juin dans le désert américain signerait la fin de la longue saga du développement de la capsule de Boeing. Décriée pour ses coûts et ses retards en comparaison de Crew Dragon, Starliner devrait logiquement prendre le relais dès le début de l'année 2025 pour les rotations d'équipages au sein de l'ISS.

Boeing a tenu à certifier le véhicule pour un usage à 4 ou 5 astronautes, ce qui peut offrir à la NASA (ou à d'autres agences, voire des clients privés comme Axiom) de nouvelles opportunités dans les années à venir. D'autant que si la NASA n'a pour l'instant commandé que 6 vols de Starliner, elle devrait, comme sa cousine de SpaceX, rester compatible avec les systèmes d'amarrages universels développés pour les futures stations habitées privées (Axiom, Vast, SpaceLab…).

La prochaine étape, qui concernera les rotations longues, sera d'avoir un équipage international volant avec Starliner, probablement dès 2025. On saura d'ici quelques mois si un Russe ou un Japonais participent à ce vol. Cela paraît complexe pour les Européens : la prochaine mission longue annoncée concerne la Française Sophie Adenot et aura lieu au printemps 2026. Sur Starliner, qui sait ?

Starliner se pose sur Terre après avoir largué son bouclier thermique et déployé ses airbags pour atténuer le choc au sol © Boeing

Quoi qu'il en soit, de nombreuses équipes de Boeing vont pouvoir souffler si la fin de mission se passe bien. Et les États-Unis vont désormais bénéficier de deux capsules habitables en service. Un choix qui fêtera cette année ses 10 ans.

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Source : SpaceNews