La fusée Starship d'Elon Musk  en plein vol d'essai.  © SpaceX
La fusée Starship d'Elon Musk en plein vol d'essai. © SpaceX

Sur son réseau social, Elon Musk n'en finit plus de critiquer la FAA, l'agence américaine de l'aviation, seule autorisée à donner l'autorisation à SpaceX de procéder au 5e vol d'essai du gigantesque Starship. Une bataille légale pour le géant du spatial, mais aussi une bataille politique dans laquelle le milliardaire ne recule devant rien.

Cela fait déjà plusieurs semaines que la situation s'envenime entre SpaceX et l'agence américaine de l'aviation, la Federal Aviation Administration. Et chaque publication sur Starship, chaque post sur les réseaux sociaux creuse davantage le fossé entre le travail réglementaire et la volonté de la firme et de ses équipes au Texas.

Car sur la Starbase, au milieu du site de lancement de SpaceX à Boca Chica, le Starship est prêt. Le booster Superheavy B12 et le Starship S30 sont dans les starting-blocks, prêts à faire rugir leurs moteurs raptor pour un nouvel essai en vol. Ce sera un tir particulier, avec pour la première fois une tentative de récupération du booster principal en l'air, grâce aux énormes bras amovibles disposés sur la tour de lancement.

Starship est-il vraiment prêt, ou SpaceX fait-elle pression sur la FAA ? L'agence est la seule à pouvoir délivrer l'autorisation de lancement, mais elle a déjà prévenu, la décision n'est plus attendue avant le mois de novembre, le temps d'évaluer les changements proposés par SpaceX sur son plan de vol, et d'éclaircir des doutes concernant le site de lancement.

Phobie administrative

Le 10 septembre, SpaceX s'était fendue d'un long communiqué officiel accusant la FAA de « menacer la position de leader de l'Amérique spatiale ». Arguant que les modifications de son plan de vol sont mineures, que les efforts mis en place avec les agences locales et nationales pour préserver la vie marine et biologique autour de Boca Chica sont déjà conséquents et reflètent leur bonne volonté, les équipes de SpaceX dénoncent les délais administratifs.

L'argument est percutant : « Il est plus difficile pour nous d'obtenir l'autorisation de vol que de construire une fusée. » Il repose également sur des éléments tangibles : la FAA, et ce n'est pas que SpaceX qui l'évoque, est en sous-effectifs et en manque de crédits pour s'occuper de toutes les demandes actuelles liées au NewSpace… et à Starship en particulier ? SpaceX dénonce des délais « déraisonnables et exaspérants ». Pour autant, l'agence est là pour appliquer les mêmes règles à tous, et qu'importe que la NASA compte sur SpaceX pour progresser rapidement avec son vaisseau réutilisable.

"Le Starship pour le vol n° 5 est prêt à voler, si nous obtenons les autorisations légales", déclare SpaceX sur X.com © SpaceX
"Le Starship pour le vol n° 5 est prêt à voler, si nous obtenons les autorisations légales", déclare SpaceX sur X.com © SpaceX

Qui est David, qui est Goliath ?

Ce qui avait démarré comme un échange à peine courtois entre SpaceX et l'agence en charge de lui donner l'autorisation de vol tourne depuis le début du mois autour d'arguments parfois mal fondés. Par exemple, SpaceX a dû payer une amende pour avoir laissé retomber des débris dans la nature sans avoir rempli le permis adéquat, arguant qu'il n'y avait aucune pollution du site naturel.

Le même document concernant le futur site de lancement en Floride évoque pourtant des rejets polluants. SpaceX évoque un problème légal, mais Elon Musk, en interview, a déclaré il y a quelques jours : « On ne savait même pas qu'il fallait un permis. »

Autre affaire, mêmes acteurs, la FAA a imposé une amende à SpaceX pour d'autres problèmes de dossiers concernant Falcon 9 en 2023. Et rebelote sur les débats. Tout cela est amplifié par la caisse de résonance des réseaux sociaux, en particulier X.com, car Elon Musk en est désormais persuadé (ou veut en persuader son audience), tous ces freins sont une conséquence politique de son soutien plus qu'appuyé à la campagne de Donald Trump. Et quittant doucement les arguments rationnels, légaux et techniques, le débat entre rapidement dans l'invective et la désinformation.

Starship avait reçu une autorisation pour plusieurs vols avant l'essai numéro 4... Mais la firme a modifié le plan de vol pour l'essai numéro 5 © SpaceX

Dans la cour de récré

Elon Musk ce dimanche n'a pas hésité à doubler, et même à quintupler la mise sur la mission vers Mars qu'il annonçait au début du mois (on vous l'expliquait : ce sera compliqué). Ce sont donc désormais 5 Starship qui partiront vers Mars pour préparer de futures missions habitées dans quatre ans, si tout se passe bien.

Au-delà des innombrables défis techniques, légaux, environnementaux, médicaux, etc. que représenterait tout cela, c'est l'argumentaire que déroule le milliardaire dans son post qui transforme le propos en une simple rhétorique partisane. Car, comme explique Elon Musk, si les démocrates gagnent l'élection, « cela détruirait le programme martien et condamnerait l'humanité ». Rien que ça.

« Cela ne doit pas arriver […], c'est un carrefour, peut-être la croisée des chemins pour la destinée humaine. » Pourtant SpaceX, et cela, Elon Musk oublie de le dire, a pu accroître ses opérations et se développer considérablement sous les administrations démocrates de Barack Obama que de Joe Biden, aussi bien qu'avec celle de Donald Trump.

Une chose est sûre, pour le fondateur de SpaceX, tous les arguments sont bons pour promouvoir Donald Trump ou tenter de torpiller Kamala Harris, quitte à mettre ses entreprises et le futur de l'exploration spatiale américaine (qui lui est inextricablement liée pour le moment) en première ligne. Avec quelles conséquences ?