Pas d'essai en vol pour le lanceur géant Starship/SuperHeavy, mais toujours plus de travaux sur les infrastructures au sol. Le prototype SN20 devrait tout de même bientôt tester ses moteurs, tandis que les auditions publiques ont commencé pour la FAA, dont la décision sera cruciale pour le futur des lancements sur le site.
La bataille administrative risque cependant d'être plus longue que la campagne d'essais.
C'est le chantier qui monte, qui monte…
À chaque jour son lot de grues, de gigantesques tuyaux et de nouveaux raccordements. Hier, les équipes du site de SpaceX à Boca Chica au Texas ont levé pour la première fois le gigantesque système de « pinces » (ou de baguettes, chopsticks en anglais) qui permettra un jour de soulever Starship et son énorme booster SuperHeavy en place sur la plateforme de lancement… Mais aussi de rattraper en vol (!) un étage venant se poser directement à côté de l'énorme tour de support.
En plus des ombilicaux installés il y a quelques semaines, du système de rails installé le long de la tour, des 8 énormes réservoirs d'ergols et de gaz sous pression au sein de la zone de lancement, il y a de quoi occuper des centaines d'ouvriers, techniciens et ingénieurs qui se relaient jour et nuit sur le chantier. Les progrès sont quotidiens : les systèmes de réservoirs sont actifs (plusieurs sont déjà pleins), la tuyauterie vers la table de tir est en cours de vérification, les différents systèmes mobiles sont en test. Voilà qui laisse augurer de nouveaux essais « prochainement ».
Des boutons, mais plus d'explosions
Reste que les grands tests qui ont eu lieu l'an dernier et au printemps 2021 n'ont plus cours actuellement. La technique consistant à faire voler et à casser les prototypes pour progresser a ses limites, et SpaceX ne semble pas prêt à sacrifier plusieurs fois les 29 moteurs équipant un booster SuperHeavy pour un essai dans l'atmosphère.
Le prochain test devrait toujours viser l'orbite (ou du moins, une quasi-orbite), avec le prototype SuperHeavy BN4 et le Starship SN20. Ce dernier, recouvert de ses tuiles thermiques qui lui permettront (peut-être) de résister à une rentrée atmosphérique, n'en a pas encore fini avec les tests au sol.
En particulier, cela fait plusieurs semaines que les équipes s'affairent pour préparer la mise à feu statique de ses trois moteurs Raptor atmosphériques (les trois autres moteurs, adaptés au vide, ne seront probablement mis à feu que pour l'essai orbital). Un test a eu lieu lundi 18 octobre et n'a pas excédé le pré-allumage des moteurs. Globalement toutefois, le site restera bien calme tant que les infrastructures supportant les futurs essais orbitaux ne seront pas opérationnelles.
La décision des autorités sera cruciale
Le dossier le plus important pour SpaceX concernant Starship n'est pourtant peut-être pas sur le site orbital ni dans les grands hangars où se préparent les futurs prototypes, mais bien dans les locaux de la FAA, l'agence gouvernementale régissant les transports aériens. Cette dernière doit rendre son très attendu rapport sur l'impact environnemental du site de SpaceX à Boca Chica.
En cas d'avis positif, SpaceX aura le feu vert pour des essais ambitieux (jusqu'à 20 tirs suborbitaux et 5 tirs orbitaux par an). Mais, en cas de refus, les travaux sur place pourraient retarder le projet de plusieurs années, voire nécessiter un transfert des activités vers la Space Coast. Autant dire que les enjeux sont colossaux pour SpaceX, qui a embauché des centaines d'employés et déboursé probablement plus d'un milliard de dollars dans le projet Starship depuis fin 2018.
Un débat polarisé
La période est aux auditions publiques, qui permettent à tout citoyen américain de donner un avis argumenté sur la question… de l'impact du site. Cela étant, les auditions, qui ont duré 48 heures, ont rapidement tourné à l'éternel débat « pro vs anti SpaceX », certains louant les mérites d'Elon Musk, d'autres souhaitant qu'il parte rapidement s'écraser sur Mars.
Quelques interventions sont cependant restées pertinentes et joueront dans le dossier, comme celles des locaux expliquant l'impact sur l'accès à la mer ou sur la réserve ornithologique locale, ou bien celle des communautés louant les résultats d'un employeur de premier plan dans une région économiquement faible. Quoi qu'il en soit, il y aura des déçus…
Des documents récents indiquent que la tentative orbitale, en raison du déploiement du site comme de l'approbation des autorités, pourrait être repoussée au mois de mars 2022. D'ici là, il reste encore beaucoup à faire…