La récente panne subie par la Banque centrale européenne (BCE) a fragilisé la crédibilité de son projet d'euro numérique, nourrissant quelques inquiétudes quant à sa capacité à gérer une monnaie virtuelle pour 2025.

L'euro numérique ne rassure pas encore © GAlexS / Shutterstock
L'euro numérique ne rassure pas encore © GAlexS / Shutterstock

La Banque centrale européenne espère lancer son euro numérique d'ici le mois d'octobre, et sa patronne Christine Lagarde dit à son sujet qu'il est « plus crucial que jamais ». Seulement voilà, cet enthousiasme se heurte désormais à la réalité technique : une panne majeure du système de paiement Target 2 survenue fin février a bloqué les transactions bancaires pendant presque une journée, ce qui inquiète certains experts mais aussi et surtout des législateurs européens, dont le soutien est indispensable au projet.

L'euro numérique inquiète les députés de l'UE

On le sait, la BCE développe deux versions de l'euro numérique. Une première version grand public, pour les transactions quotidiennes, et une autre « de gros », destinée, elle, aux institutions financières. Ce portefeuille électronique garanti par la banque centrale offrirait alors des transferts gratuits et des paiements hors ligne, ce qui serait une innovation majeure pour les citoyens européens.

Ce projet constitue également une réponse stratégique à l'influence croissante du dollar américain dans l'écosystème digital. La BCE l'a notamment présenté en partie comme une alternative aux stablecoins promus par Donald Trump, ces cryptomonnaies généralement adossées au dollar et de plus en plus utilisées comme moyen de paiement numérique à l'échelle mondiale.

Le secteur bancaire traditionnel manifeste cependant une forte résistance. Ce dernier craint que les clients ne transfèrent massivement leurs liquidités vers ces portefeuilles garantis par la BCE. Cette migration potentielle des dépôts pourrait créer des problèmes de liquidité majeurs pour les banques commerciales, ce qui déstabiliserait l'ensemble du système financier européen.

Target 2 contre TIPS : la Banque centrale européenne défend la fiabilité de ses systèmes de paiement

La panne récente du système Target 2 a considérablement renforcé le scepticisme parmi les législateurs européens. L'incident a regardé le versement des salaires et allocations sociales de milliers de personnes. On rappelle que Target 2 est le système européen qui permet aux banques de transférer de l'argent en euros instantanément. Il est utilisé pour les paiements interbancaires.

Du coup, quatre des huit groupes du Parlement européen ont exprimé des réserves sérieuses, comme nous l'apprend Reuters. Markus Ferber du PPE a évoqué « un coup porté à la crédibilité de la BCE », tandis que Johan Van Overtveldt, des Conservateurs et Réformistes, a exigé que l'institution « prouve qu'elle peut maintenir une infrastructure financière ininterrompue » avant de poursuivre le projet de l'euro numérique.

La BCE répond que l'euro numérique s'apparenterait davantage à son système TIPS, qui traite des millions de petits paiements quotidiens avec une fiabilité prouvée, qu'au système T2 défaillant, destiné aux transactions de grande valeur. Lors de la panne, TIPS n'a d'ailleurs subi que des retards mineurs, un argument que la BCE met en avant pour rassurer ses détracteurs.

Les préoccupations des citoyens concernent surtout la confidentialité et la surveillance financière. Malgré les assurances de la BCE qu'elle « ne suivra pas les transactions individuelles », beaucoup redoutent un contrôle accru sur leurs finances personnelles. Le succès de l'euro numérique dépendra donc non seulement de l'approbation législative, mais aussi de la capacité de l'institution à convaincre un public de plus en plus méfiant des bénéfices réels de cette innovation monétaire.