L'ARCOM a ordonné à Eutelsat de cesser la diffusion des chaînes russes STS et Channel 5, sanctionnées dans le cadre du règlement européen concernant l'Ukraine. Cette décision est la première application des pouvoirs élargis du régulateur français.

L'ARCOM, le régulateur français du numérique et de la télévision, montre les muscules face aux chaînes russes © PitukTV / Shutterstock
L'ARCOM, le régulateur français du numérique et de la télévision, montre les muscules face aux chaînes russes © PitukTV / Shutterstock

La décision de l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (ARCOM) fera, au vu du contexte géopolitique, forcément parler. La société Eutelsat, opérateur satellite majeur en Europe, se voit sommée de couper la diffusion de deux chaînes russes populaires. La mesure, prise mercredi mais rendue publique ce vendredi 21 mars, entre dans le cadre de sanctions européennes liées au conflit ukrainien et montre bien l'évolution du paysage réglementaire technologique en France.

Une première application des nouveaux pouvoirs de l'ARCOM

L'ARCOM a donc a mis en demeure Eutelsat de cesser, sous 72 heures, la diffusion des chaînes russes Channel 5 et STS, opérée via son satellite Eutelsat 36C. La décision, prise en assemblée plénière le 19 mars 2025, représente en quelque sorte la première utilisation des compétences élargies conférées au régulateur français par la loi du 21 mai 2024, qui vise à sécuriser et réguler l'espace numérique.

Les chaînes STS et Channel 5 sont contrôlées par JSC National Media Group, un conglomérat qui gère 28 entreprises médiatiques en Russie et qui figure explicitement dans l'annexe I du règlement européen n°269/2014. Ce texte prévoit le gel des ressources économiques des entités listées, rendant de facto illégale la diffusion de médias sous leur contrôle sur les réseaux européens.

L'action de l'ARCOM repose par ailleurs sur l'article 42 de la loi du 30 septembre 1986, qui autorise désormais le régulateur à exiger des opérateurs satellitaires le respect des obligations imposées par l'article 215 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne. L'article porte sur l'interdiction de diffuser certains contenus audiovisuels.

Un nouvel épisode dans la régulation des médias russes en Europe

Cette décision n'est évidemment pas anodine. Elle fait partie d'un processus de « contrôle » des médias russes, mis en œuvre depuis le début du conflit en Ukraine. L'ARCOM avait déjà fait cesser la diffusion de plusieurs chaînes comme Perviy Kanal, Rossiya 1, NTV Mir et NTV. Les décisions étaient tombées pour incitation à la haine et manquements à l'honnêteté de l'information.

En mars 2022, vous vous souvenez peut-être que l'autorité avait également mis fin à la diffusion de RT France en application des sanctions européennes. La nouvelle action du régulateur montre la volonté de renforcer ce dispositif en ciblant désormais les entités sous sanctions économiques, même lorsque le contenu diffusé n'est pas directement problématique.

Pour Eutelsat, cette mise en demeure pose la question des implications commerciales et techniques d'une telle décision. L'opérateur satellite, qui est un acteur majeur de la diffusion internationale, se retrouve comme au centre des tensions géopolitiques et des impératifs réglementaires. Voilà une décision qui ne manquera pas de faire débat, chez Eutelsat comme ailleurs.