Pour lutter contre l'explosion du narcotrafic sur les réseaux sociaux et les messageries chiffrées, le ministère de l'Intérieur a confirmé le déploiement de nouvelles « brigades du Tigre ».

Lors de la grande conférence du Forum InCyber à Lille, François-Noël Buffet, ministre délégué à l'Intérieur, a expliqué lundi la stratégie française de lutte contre les réseaux criminels. Le tout dans un contexte où le narcotrafic se numérise, tandis que la messagerie chiffrée devient l'arme favorite des criminels.
« Contre le narcotrafic, nous avons souhaité nous inspirer de la lutte contre le terrorisme. La comparaison n'est pas exagérée », a affirmé le ministre. Le ministère de l'Intérieur déploie donc, sur fond de polémique autour du chiffrement, ses nouvelles « brigades du Tigre » spécialisées.
Du narcotrafic au hacktivisme, l'écosystème criminel se numérise toujours plus
Les trafiquants ont massivement investi le numérique, il est difficile de le nier. « Via SnapChat ou Telegram, le réseau Caliweed publie des "offres d'emploi" pour recruter les courtiers », explique François-Noël Buffet. À Marseille, « c'est plutôt TikTok que les crimefluencers choisissent pour opérer la mise en relation entre candidats au meurtre et donneurs d'ordres. »
Les chiffres présentés inquiètent forcément. En 2023, la Suède a enregistré 53 morts et 363 fusillades liées aux règlements de comptes entre gangs. « En France, ce sont 110 personnes qui ont été tuées, là encore sur fond de trafic de drogues. Des villes comme Besançon, Poitiers et Grenoble sont désormais le théâtre de guerres de territoires », rappelle le ministre.
« C'est tout l'écosystème du crime qui a investi le monde cyber », poursuit-il. Les truands y croisent les « hacktivistes, qui sont les relais d'influence de certains États étrangers ». Et sur les forums privés s'échangent infostealers (voleurs d'informations) et rançongiciels, qui transforment le cyberespace en nouveau front pour les forces de l'ordre.

Le ministre veut rassurer sur la fin potentielle du chiffrement dans les messageries
La réponse de la France à toute cette cyberviolence s'articule autour du COMCYBERMI, créé en novembre 2023. « L'Office anti-cybercriminalité est dorénavant le service coordonnateur des cyber-opérations », précise le ministre. Le premier succès notable de l'organisation fut le démantèlement en décembre 2024 de Matrix, cette messagerie chiffrée utilisée par des groupes criminels impliqués dans le trafic de stupéfiants à travers l'Europe.
Comme autre réponse, « nous avons choisi de mettre au cœur de cette stratégie la sensibilisation, la prévention et la formation », détaille François-Noël Buffet. Pour les plus jeunes, le ministère participe à la fameuse opération « Cactus » contre le phishing. La directive NIS2, entrée en vigueur il y a six mois, étend les exigences de sécurisation à « près de 15 000 entreprises et collectivités territoriales. »
Le ministre a aussi parlé de souveraineté numérique durant son allocution. Il a par exemple souligné que 75% du cloud français est contrôlé par des acteurs étrangers, et que 80% des logiciels métiers sont Américains. Une dépendance et une dissonance dangereuses selon lui : « Si demain, nous devenions des colonies numériques des États-Unis ou de la Chine, il n'y aurait plus d'inquiétude à avoir, parce qu'il n'y aurait plus de liberté à faire valoir. »
Quant à la très polémique question du chiffrement, elle reste très sensible. « Je veux redire que la rédaction qui avait été proposée ne portait pas atteinte au chiffrement, ni ne créait de backdoor », a précisé celui qui est sous l'autorité de Bruno Retailleau. L'accès aux messageries chiffrées par les services de renseignement vise à « avancer main dans la main avec les opérateurs » contre le narcotrafic, sans surveillance généralisée. Pas sûr que cela suffise à convaincre…
01 avril 2025 à 18h34