Des députés aux intelligences artificielles, les poissons d'avril piègent encore. Un député français a interpellé le ministre des Affaires étrangères sur une fausse visite du vice-président américain, tandis que l'IA de Google présente toujours comme vérité un canular vieux de cinq ans.

En pleine commission des Affaires étrangères à l'Assemblée nationale, le 2 avril 2025, le député LFI Arnaud Le Gall a interrogé Jean-Noël Barrot sur la prétendue venue du vice-président américain J.D. Vance au pèlerinage catholique traditionaliste de Chartres. Une information qui semblait préoccuper l'élu, craignant un « discours idéologique, frontal, contre notre République ». Le ministre, surpris, a simplement répondu qu'il n'avait pas été informé de cette visite. Et pour cause : il s'agissait d'un poisson d'avril publié la veille par Le Salon Beige, un blog catholique traditionaliste.
À 5000 kilomètres de là, un journaliste britannique, Ben Black, a découvert avec stupeur que son canular publié en 2020 sur son site d'information communautaire était encore présenté comme une information authentique par l'IA de Google.
Que l'on soit une personnalité publique ou une IA, on peut encore se faire avoir par les poissons d'avril, même s'ils sont gros comme des baleines à bosse et bien identifiés comme tels. Et à l'ère des fake news, de plus en plus efficaces avec l'aide de l'IA, ça fait désordre.

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Les personnalités se font piéger par des canulars qu'elles n'ont pas vérifiés
Le député Le Gall n'a pas fait que croire à un simple message sur les réseaux sociaux. Il a pris cette information suffisamment au sérieux pour l'évoquer devant une commission parlementaire et interroger un ministre de la République. Le blog à l'origine de ce canular avait pourtant laissé un indice clair : en cliquant sur le lien vers l'annonce officielle du vice-président américain, un poisson d'avril apparaissait à l'écran. Mais l'information avait été relayée par plusieurs internautes avant d'arriver aux oreilles du député, perdant au passage son contexte humoristique et ainsi devenir crédible pour le député.
Il n'est pas question ici de faire le procès d'une personnalité publique ou exerçant des fonctions d'État, car tout le monde peut un jour ou l'autre se faire avoir par un poisson d'avril, finalement ancêtre de nos fake news actuelles. Le flux incessant d'informations et la rapidité de leur diffusion compliquent la vérification des sources.
« Cela pose d'autant plus de questions lorsque l'on sait que certains poissons d'avril se retrouvent cités par des intelligences artificielles génératives, comme s'il s'agissait de véritables informations », note le journaliste Armêl Balogog dans sa chronique « Le Vrai ou Faux » pour Radio France.
Les intelligences artificielles perpétuent les canulars longtemps après leur clarification
Le cas du journaliste britannique Ben Black, rapporté par la BBC, illustre parfaitement que l'IA est encore plus crédule que les humains. En 2020, il avait publié sur son site communautaire Cwmbran Life un article humoristique affirmant que sa ville détenait le record du monde du plus grand nombre de ronds-points par kilomètre carré. Le jour même, conscient des risques de mauvaise interprétation, il avait modifié son texte pour préciser qu'il s'agissait d'un poisson d'avril.
Cinq ans plus tard, en 2025, l'outil d'IA de Google continue de présenter cette information comme véridique dans ses résultats de recherche. « C'est vraiment effrayant que quelqu'un en Écosse puisse rechercher sur Google 'routes au Pays de Galles' et tomber sur une histoire qui n'est tout simplement pas vraie », s'inquiète Ben Black. « Ce n'est pas une histoire dangereuse, mais elle montre comment les fausses nouvelles peuvent facilement se propager, même si elles proviennent d'une source d'information fiable », constate-t-il.
Cette persistance des fausses informations dans les systèmes d'IA n'est pas étonnant mais inquiétant. Les intelligences artificielles ne comprennent pas le second degré, l'ironie ou l'absurde, même si elles sont parfois plus drôles que nous dans certains domaines. Elles peuvent indexer et répéter indéfiniment une information sans tenir compte des corrections ultérieures. Le tout en donnant une apparence d'autorité à ces fake news.
Le triste essor de la désinformation, alimentée par l'IA décourage certains créateurs de contenu. Ben Black a ainsi décidé de ne plus publier de fausses histoires pour le 1er avril, non seulement parce qu'il était « trop occupé » cette année, mais aussi parce que l'expérience l'a « découragé ».
Du côté de chez nous, des médias comme France 3, Numérama ou Sud-Ouest ont également choisi d'abandonner cette tradition, ne voulant pas « alimenter une certaine désinformation ». Le journal La Montagne s'est même demandé « quel poisson d'avril peut-on encore inventer quand, dans la vie réelle, Donald Trump veut acheter le Groenland ? ». Même au Gorafi, on n'aurait pas osé.
04 février 2025 à 14h11
Source : Franceinfo, BBC, Le Salon Beige