Des auteurs protestent à Londres contre Meta qui aurait utilisé la base de données pirate LibGen, contenant 7,5 millions de livres, pour former ses modèles d'intelligence artificielle. Ils dénoncent un vol de propriété intellectuelle et exigent des comptes, tandis que Meta affirme respecter les droits d'auteur.

Mark Zuckerberg accusé d'avoir entraîné ses IA avec des livres piratés - ©El editorial / Shutterstock
Mark Zuckerberg accusé d'avoir entraîné ses IA avec des livres piratés - ©El editorial / Shutterstock

La colère gronde chez les écrivains britanniques. Le 3 avril dernier, plusieurs auteurs se sont rassemblés devant les bureaux londoniens de Meta à King's Cross pour protester contre l'utilisation non autorisée de leurs œuvres. Parmi eux, des figures importantes comme les romancières Kate Mosse et Tracy Chevalier, ainsi que le poète Daljit Nagra, ancien président de la Royal Society of Literature. Une lettre de la Society of Authors (SoA) a été remise en main propre aux représentants de l'entreprise, puis envoyée également au siège américain.

Comme on vous en parlait sur Clubic, cette mobilisation répond à la révélation selon laquelle Mark Zuckerberg aurait personnellement approuvé l'utilisation de LibGen, une « bibliothèque fantôme » contenant plus de 7,5 millions d'ouvrages piratés pour entraîner les modèles d'IA de Meta. De nombreux auteurs ont découvert que leurs livres figuraient dans cette base de données après qu'une version consultable a été publiée par The Atlantic.

Llama 3
  • 3 modèles dont un de 400 milliard de paramètres
  • Libre
  • Peut tourner en local sur les machines bien équipées

L'utilisation des œuvres protégées pour l'IA constitue un vol selon les auteurs

Les écrivains n'y vont pas avec le dos de la cuillère pour décrire ce qu'ils ressentent comme un pillage intellectuel. Pour Vanessa Fox O'Loughlin, présidente de la Society of Authors, les actions de Meta sont « illégales, choquantes et totalement dévastatrices pour les écrivains ». « L'écriture d'un livre peut prendre un an, voire plus. Meta a volé des livres pour que son IA puisse reproduire du contenu créatif, ce qui pourrait mettre ces mêmes auteurs en faillite », déplore-t-elle. Un sentiment d'injustice et de frustration partagé par de nombreux auteurs qui se sentent doublement victimes : d'abord du piratage initial de leurs œuvres, puis de leur exploitation par une multinationale.

Un document judiciaire américain déposé en janvier par un groupe d'auteurs, dont Ta-Nehisi Coates et Sarah Silverman, allègue que les dirigeants de Meta savaient pertinemment que LibGen contenait du matériel piraté lorsqu'ils ont autorisé son utilisation. Meta se défend : « Nous respectons les droits de propriété intellectuelle des tiers et pensons que notre utilisation des informations pour former des modèles d'IA est conforme à la législation en vigueur ». Cette position ne convainc pas les manifestants qui demandent des comptes et une juste rémunération pour l'utilisation de leurs œuvres.

Les auteurs ont vu leurs oeuvres pillées pour l'IA, sans toucher de droits d'auteur - ©Vasilyev Alexandr / Shutterstock

La violation du droit d'auteur par l'IA provoque un traumatisme profond chez les créateurs

Pour de nombreux écrivains, le plus important n'est pas de régler un simple litige commercial, mais touche à l'essence même de leur identité créative. Le romancier AJ West, qui menait la manifestation, parle avec ses tripes, visiblement très meurtri : « J'ai été horrifié de voir mes romans figurer dans la base de données LibGen et je suis écœuré par le silence du gouvernement sur le sujet. Voir mes magnifiques livres ainsi volés sans ma permission et sans un centime de compensation, puis livrés au monstre de l'IA, c'est comme si je m'étais fait agresser ».

Les auteurs ont également adressé une lettre adressée à la secrétaire à la Culture Lisa Nandy, pour lui demander que les dirigeants de Meta soient convoqués au Parlement. Elle a été signée par des auteurs de renom comme Richard Osman et Kazuo Ishiguro et a été transformée en pétition sur Change.org, qui a recueilli 7 000 signatures.

Anna Ganley, directrice générale de la SoA, résume le sentiment général : « Les auteurs sont légitimement révoltés. L'existence de ces bibliothèques en ligne de livres piratés est déjà assez grave, mais lorsque des entreprises mondiales les utilisent pour accéder illégalement aux œuvres protégées par le droit d'auteur des auteurs et les exploiter, c'est un double coup dur pour les auteurs ».

On dit que bien mal acquis ne profite jamais. Il se pourrait que Mark Zuckerberg l'apprenne à ses dépens.

Source : The Guardian, The Atlantic