La start-up française Dark développe « Interceptor », un système capable de neutraliser des satellites ennemis depuis un Airbus A320 modifié. Soutenue par le Commandement de l'espace, la solution pourrait protéger nos infrastructures spatiales.

L'Interceptor est ici largué par un Airbus A320, qui va aller neutraliser un satellite ennemi © Dark
L'Interceptor est ici largué par un Airbus A320, qui va aller neutraliser un satellite ennemi © Dark

Imaginez un Airbus A320 décollant d'un aéroport français, larguant à 10 000 mètres d'altitude un engin qui file vers l'espace pour capturer un satellite hostile. Ce scénario, presque digne d'un film de science-fiction, est bien réel. La start-up française Dark, créée en 2022, développe actuellement l'Interceptor, un système révolutionnaire qui vise à neutraliser les satellites espions sans générer de débris spatiaux. Le projet avance rapidement, avec une première campagne d'essais déjà en cours, et un calendrier ambitieux pour les années à venir.

La France lance son chasseur de satellites depuis les airs

L'Interceptor présente une conception hybride, à la fois mi-module spatial et mi-étage de fusée. Lancé depuis un avion de ligne modifié, il échappe aux contraintes météorologiques qui peuvent bloquer les fusées traditionnelles. Son deuxième étage, équipé de 30 moteurs auxiliaires et de pinces robotiques, peut capturer un satellite ennemi voyageant à 30 000 km/h, puis le désorbiter et le détruire en le précipitant dans le Pacifique Sud.

Contrairement aux lanceurs conventionnels, qui nécessitent des conditions spécifiques et des fenêtres de tir planifiées, l'Interceptor peut être déployé rapidement, avec une disponibilité comparable à celle d'un avion de ligne. C'est donc l'affaire de quelques minutes seulement. Il peut même intervenir sur tous les plans orbitaux jusqu'à 2 000 km de notre Terre et, selon Clyde Laheyne, PDG de Dark, « attraper un satellite d'une tonne à 1 000 km de la Terre et le neutraliser sans générer de débris », comme ont pu le relayer nos confrères du Figaro.

L'Agence de l'innovation de défense (AID), du ministère des Armées, a déjà officialisé son soutien au projet en novembre 2024 avec l'étude Salazar, qui utilise un ensemble de modèles numériques pour simuler des missions de capture d'objets spatiaux dangereux en orbite basse. L'AID propose même à Dark des scénarios avec des cibles fictives dotées de systèmes d'évasion ou d'alerte, ce qui montre l'intérêt stratégique de la France pour cette technologie de souveraineté.

Une démonstration dans deux ans, et les Zuckerberg en investisseurs

Dark a engagé une première campagne d’essais en partenariat avec l’Onera, le centre de recherche aérospatial français. Cette campagne, qui doit s’achever en juillet 2025, vise à éprouver le système de propulsion de l’engin, dont le moteur cryogénique Sheitan.

La start-up prévoit d'ailleurs une démonstration dans l’espace en 2027 et un test complet en 2030, avec un décollage depuis Bordeaux-Mérignac, pour la réalisation d'une mission complète d'interception. Ces étapes sont aujourd'hui essentielles pour valider la technologie et préparer son déploiement opérationnel.

Pour mener à bien ce projet ambitieux, Dark a déjà levé 11 millions d’euros auprès d’investisseurs privés, dont le fonds des Zuckerberg, aux mains de la sœur de Mark, Arielle, à hauteur de 6 millions d'euros. La start-up estime avoir besoin de 300 à 500 millions d’euros pour financer le démonstrateur qui doit voler en 2030, des fonds cruciaux.

Sur le plan technologique, la start-up doit développer tous les systèmes critiques, des moteurs aux logiciels en passant par les protocoles de communication. La certification civile représente également un obstacle, puisque l'avion porteur devra s'insérer dans le trafic aérien classique, ce qui nécessitera une homologation par l'Agence européenne de sécurité aérienne.

L'intérêt commercial va en tout cas au-delà de la défense : l'Interceptor pourrait aussi devenir un acteur clé du futur marché du nettoyage orbital, indispensable pour préserver nos infrastructures spatiales critiques.