Avec 3,7 milliards d'utilisateurs et 66% de parts de marché, Google Chrome n'est plus vraiment un simple logiciel, mais une véritable plateforme Web. Et si la justice américaine devait forcer Google à revendre son navigateur, l'acquéreur pourrait débourser une petite fortune.

Google Chrome vaut-il réellement des dizaines de milliards de dollars ?
Google Chrome vaut-il réellement des dizaines de milliards de dollars ?

Impossible d'établir un prix de vente précis à ce stade, mais les estimations ne cesse de gonfler et le montant pourrait atteindre des sommets rarement vus dans l’histoire de la tech.

Au moins 15 milliards de dollars

Alors que Google est accusée d'entretenir un monopole sur les marchés de la recherche et de la publicité en ligne, le département de la justice entend forcer Google à se débarrasser de son navigateur web. Ce dernier est considéré comme une formidable passerelle qui ne fait que mettre la concurrence dans l'ombre. L’hypothèse d’une vente de Chrome a poussé les experts et les acteurs du secteur à se pencher sur sa valeur réelle.

En novembre dernier, nous rapportions que selon Bloomberg Intelligence, le navigateur vaudrait "au moins 15 à 20 milliards de dollars". Cette première estimation plaçait d'emblée Chrome dans la catégorie des plus gros actifs logiciels jamais envisagés à la vente, à l’image de WhatsApp (racheté 19 milliards par Facebook en 2014) ou LinkedIn (26 milliards par Microsoft en 2016).

Et ce chiffre a soudainement triplé

Lors du procès, Gabriel Weinberg, PDG du moteur de recherche concurrent DuckDuckGo, a surpris la cour avec une estimation bien plus ambitieuse. Selon lui, Chrome pourrait valoir "jusqu’à 50 milliards de dollars". L'homme ne s'en cache pas : cette estimation est issue d’un calcul "à la louche" qu'il base sur la taille de la base d’utilisateurs. Weinberg admet que ce montant est largement hors de portée pour DuckDuckGo.

Pour mettre ce chiffre en perspective, rappelons qu'Elon Musk avait déboursé 44 milliards de dollars pour s'offrir Twitter. Dell avait racheté EMC Corp pour 67 milliards de dollars, tandis que Microsoft avait allongé 68,7 milliards de dollars pour Activision Blizzard. Plusieurs géants comme OpenAI, Perplexity ou Yahoo se disent prêts à entrer dans la course à l’acquisition. Mais qui pourra réellement s'offrir Chrome ?

Reste que Chrome n’est pas un produit comme les autres. Sa valeur ne se limite pas à ses revenus directs : il est la porte d’entrée vers tout l’écosystème Google, servant d’interface privilégiée pour la collecte de données, la publicité ciblée et la fidélisation des internautes. Comme le souligne Bob O’Donnell, analyste chez TECHnalysis Research, "ce n’est pas un produit monétisable directement, mais un point d’accès stratégique vers d’autres services". C’est cette dimension qui rend l’évaluation complexe et fait grimper les enchères potentielles.

©Shutterstock
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Ce n'est pas Chrome qui est en vente, mais les utilisateurs

La situation est surtout très ironique. Le code de Chrome étant open source, n'importe quel éditeur peut en profiter gratuitement et, à l'instar d'Opera, Vivaldi, Edge ou Brave, proposer une technologie identique en tout point. Finalement, il ne s'agit donc pas tant de revendre un navigateur avec une technologique bien spécifique, mais plutôt une base d'internautes utilisant non pas Chrome, mais plus véritablement Google.

Alors à quoi bon débourser des dizaines milliards de dollars si l'objectif est de dépouiller Chrome des services de Google et, par la même occasion, faire grincer les dents de 3 milliards d'utilisateurs frustrés du jour au lendemain ?

On anticipe déjà un éditeur tiers rétablissant la situation et sortant son fork de Chromium… en y ré-intégrant les services de Google….