André PAGNAC, Actimagine - "nous voulons être le leader des codecs vidéo sur mobile"

Alexandre Habian
Publié le 11 janvier 2007 à 17h43
André Pagnac bonjour, pouvez-vous brièvement vous présenter ?
Je suis l'un des cofondateurs et l'actuel PDG de la société Actimagine. En fait, nous sommes cinq actionnaires principaux dont quatre ingénieurs. Pour ma part, j'ai une licence en informatique et j'ai fait l'essentiel de ma carrière dans la vente et les technologies des industries graphiques. A la fin des années quatre-vingt-dix, j'ai dirigé Focoltone en Europe, un système de couleurs concurrent de Pantone et présent dans la plupart des logiciels de PAO. En 2001, nous nous sommes rencontrés avec les quatre autres actionnaires dans une société de jeu vidéo qui s'appelait « 4X Technologie ». Quand elle a disparu, nous avons décidé de monter notre propre société. Nous avons créé Actimagine en mars 2003.

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André Pagnac
Pouvez-vous nous présenter la société Actimagine ?
Actimagine est une société américano-française. Avec l'arrivée des investisseurs américains (GRP Partners, basé à Los Angeles), nous avons en effet créé une entreprise aux USA qui a repris l'ensemble des actifs de la société. Celle-ci se nomme Actimagine Corp. outre atlantique. Concernant notre cœur de métier, nous sommes spécialisés dans le développement de codecs vidéo logiciels, notre business model étant de vendre des licences. Nous développons donc notre propre codec vidéo, légèrement supérieur en compression aux actuels codecs H264, mais possédant un atout majeur, à savoir une très faible consommation. Mobiclip, notre codec vidéo, consomme à ce sujet entre 4 et 8 fois moins de puissance processeur que le H264 et réduit donc d'autant l'échauffement et la consommation électrique.

La société compte aujourd'hui 30 salariés dont 20 à Paris et notre chiffre d'affaires en 2006 est supérieur à 5 millions de dollars. Notre CA provient d'ailleurs en très grande majorité du Japon et des USA, l'Europe comptant seulement pour 3%. Nos clients, Nokia, Sony Ericsson ou encore Sony Pictures utilisent notre technologie pour fournir notamment des films complets sur cartes mémoires. Les solutions de streaming et de download seront présentées lors du prochaine 3GSM à Barcelone au mois de février. Notre solution est compatible avec tous types de terminaux à système d'exploitation ouvert comme Symbian S60 ou UIQ, Windows Mobile, Palm OS, Brew ou encore Linux. Nous pouvons bien sûr l'embarquer sur les téléphones fermés mais cela requiert un peu plus de temps. Nous avons des bureaux au Japon, à Singapour, à San Francisco et à Paris et sommes rentables depuis le premier jour. Outre celles déjà citées, nous comptons également parmi nos clients des sociétés telles Nintendo, Fisher Price ou encore .

L'ambition de la société est d'être rachetée ou d'entrer en bourse ?
(rires). Nous n'envisageons pas d'être rachetés pour le moment mais nous restons évidemment à l'écoute du marché. En 2006, nous avons été approchés à deux reprises par des sociétés américaines pour céder l'entreprise mais les conditions n'étaient pas réunies pour une sortie aussi rapide. Notre croissance, nos objectifs et notre rentabilité nous permettrait d'entrer en bourse dès maintenant mais nous ne prendrons pas une telle décision avant 2008 ou 2009.

Le problème principal de votre solution semble être la « non compatibilité » d'avec les lecteurs multimédia pré intégrés dans les mobiles ?
Nous développons et re développons notre codec pour qu'il puisse fonctionner à terme avec Microsoft Windows Media Player ou RealPlayer. Nous voulons intégrer notre technologie dans tous les logiciels multimédia déjà installés de base dans les différents téléphones mobiles du marché. En attendant, quand nous livrons notre technologie, nous la fournissons avec un lecteur. Cependant, il est techniquement possible de l'intégrer dans des lecteurs multimédia et notre but est donc d'aller démarcher les éditeurs actuels de logiciels déjà connus pour leur parler de notre technologie.

De plus, le problème n'est pas lecteur multimédia mais le codec. Il existe plus d'une centaine de logiciels gratuits dédiés au visionnage de vidéos. En revanche, il n'existe pas beaucoup de codecs. La plupart des codecs du marché exploitent plus ou moins bien les procédés mis en œuvre dans MPEG. Nous n'avons identifié à ce jour que de rares codecs novateurs. Le problème est donc le codec plutôt que le lecteur. Il reste néanmoins un sujet majeur résolu par le lecteur: la gestion des droits numériques ou DRM. En termes de classement des ressources les plus importantes pour délivrer de la vidéo, on a donc le codec vidéo, le lecteur multimédia et la DRM. Sur le moyen terme, nous voulons un codec capable de tourner sur tous les lecteurs multimédia plutôt que de créer notre propre client multimédia.

La problématique des standards vis-à-vis des solutions dites propriétaires est particulièrement présente en Europe pour ne pas dire en France: les asiatiques et les américains restent pragmatiques plutôt que dogmatiques, et cherchent des solutions qui débouchent sur des modèles économiques plutôt que de s'acharner avec des technologiques dites « standard » mais qui ne répondent pas toujours aux attentes des utilisateurs. Les utilisateurs ont évolué et disposent désormais d'une offre riche en matière d'accès à la vidéo. Qu'il s'agisse du satellite, du câble ou de l'internet, les utilisateurs attendent et ont droit à une qualité élevée et c'est ce à quoi il faut répondre.

Vous avez donc une solution plus complémentaire que concurrente face à des logiciels/codecs comme Reaplayer ou Packetvideo ?
Notre vocation est d'être le codec leader sur les plateformes mobiles. Nous ne sommes pas concurrents de Realplayer ou Windows Media Player. Notre métier n'est pas de fournir un client vidéo mais de fournir un codec. Nous avons donc plus vocation à être un concurrent des codecs H264 ou MPEG-4 plus que des logiciels qui permettent de les exploiter.

Avec deux partenariats forts (Nokia et Sony Ericsson), combien avez-vous à ce jour déjà commercialisé de films qui exploitent votre technologie en France ?
En volume, le nombre de films vendus dans notre format sur cartes mémoires ou sur cartouches est de plusieurs centaines de milliers d'unités pour ne pas dire millions. En France, nous approchons le cap de la cinquantaine de milliers de films déjà commercialisés. Vous savez, nous développons notre activité en deux phases. La première phase consiste à effectuer une démonstration technologique de notre codec. Pour cela, il n'y a rien de mieux que les blockbusters. Les deux partenariats forts que vous citez nous ont d'ailleurs permis de présenter notamment les films OSS 117 et Final Fantasy VII Advent Children sur téléphone mobile. La deuxième phase de notre développement consiste à rendre disponible des milliers de contenus sinon des millions pour les utilisateurs. Nous travaillons donc désormais avec les éditeurs, les agrégateurs et les distributeurs de contenus pour adapter leurs offres du PC vers le mobile.

Envisagez-vous également de travailler avec des opérateurs pour distribuer par les airs des contenus vidéo ?
Nous n'avons pas de plateforme de streaming à proprement parler. Nous tenons à rester l'un des maillons de la chaine de la vidéo sur mobile avec d'un côté les diffuseurs comme le pourrait être un opérateur tel qu'Orange et de l'autre les créateurs de contenus comme le sont les chaines de télévision et les majors. Nous n'avons d'ailleurs à ce jour pas réellement approché les opérateurs. Dans le monde du contenu sur mobiles - avec l'opérateur, les constructeurs et le fournisseur de contenu -, nous avons résolu le problème du constructeur et de l'éditeur de contenu. Côté opérateur, nous ne fournissons pas de solution spécifique. Nous travaillons plutôt avec les studios hollywoodiens qui ont déjà approuvé nos technologies tant pour l'encodage vidéo que pour la protection contre la copie.

Comment allez-vous développer votre technologie dans les mobiles à moyen terme ?
Parmi les projets à cours terme qui verront le jour en 2007, nous lancerons des cartes mémoires avec du contenu pré chargé et un mécanisme de déblocage. L'utilisateur aura donc à disposition du contenu spécifique qu'il pourra débloquer en quelques minutes via un système de paiement à l'acte associé. Il sera au passage possible d'obtenir des contenus premium additionnels par téléchargement.

Dans le courant du second trimestre 2007, nous allons lancer notre première solution de vidéo « streamée » hybride. Il sera donc possible de visionner par les airs du contenu, avec une bonne qualité à partir de 150kbps de débit constant. Avec les offres actuelles de haut-débit mobile à base de 3G ou 3G+, notre solution sera exploitable pleinement.

Enfin, nous étudions une solution pour permettre aux utilisateurs de générer leur propre contenu mais nous restons prudents dans ce domaine compte tenu de l'utilisation inévitable de la technologie à des fins de piratage.

Cela signifie que vous allez établir des partenariats avec des constructeurs de cartes mémoires pour pré charger votre contenu ?
Oui effectivement. Aujourd'hui, 80% des acteurs des cartes mémoires ont déjà signé avec nous un accord de duplication. Ils ont accepté par exemple de ne pas pirater notre contenu lorsque nous leur envoyons pour le pré intégrer. Nous avons une solution d'audit pour vérifier et cela rassure les différentes majors qui nous font confiance sur ce point. Nous essayons d'offrir des conditions de production et de duplication similaire aux DVD. Naturellement, cela n'exclue pas le piratage mais le repousse en dehors des processus de fabrication.

Quoiqu'il en soit, la fourniture de contenus préchargés est une étape et non pas une fin. C'est très utile pour faire connaître la technologie et ses performances mais sur le long terme, les solutions de téléchargement et de streaming devraient s'imposer comme le vecteur principal d'acheminement de la vidéo.

Vous parlez principalement de téléphones mobiles. Quid des lecteurs multimédia portables et consoles portables ?
On a signé un contrat avec Nintendo pour aller dans ce sens depuis deux ans. Ils ont déjà sorti des films sur cartouche au Japon et USA pour les Gameboy et Nintendo DS. On a une licence pour la vidéo sur une cartouche et avons signé un autre accord l'année dernière qui nous a permis de prendre en charge de la vidéo dans les jeux (par exemple dans le jeu Final Fantasy XIII). Les développeurs de jeux peuvent donc intégrer des séquences de vidéo dans les jeux Nintendo. Nous avons une centaine de jeux qui exploitent notre solution. Si vous lancez l'un ou l'autre des jeux sur Nintendo DS, vous verrez probablement notre logo apparaître à l'ouverture.

Au sujet du marché des consoles portables et des baladeurs multimédia, notre calcul est simple : Archos a vendu un peu plus de 2 millions de lecteurs portables depuis sa création, il y a environ 6 millions d'iPod vidéo sur le marché et Nintendo qui détient 90% du marché de la console de jeu portable a fourni un peu plus de 100 millions de Gameboy Advance et DS. D'ores et déjà, il y a déjà sur le marché plus de 70 millions de téléphones sur lesquels notre codec fonctionne et ce marché va doubler en 2007, représentant à lui seul un potentiel supérieur à l'ensemble des produits que je viens de citer. Nous privilégions donc les mobiles et les consoles de jeu Nintendo mais nous restons attentifs au développement des lecteurs multimédia portables. Pour le moment, le marché européen est plutôt attentiste, très orienté TV sur mobile et nous sommes donc plutôt actifs au Japon et aux Etats-Unis..

Mis à part des films, quel autre contenu allez-vous prochainement développer ?
Nous avons présenté des clips vidéo en partenariat avec Universal. Nous attendons de plus des offres de VoD avec des clips vidéo, des séries TV et du cinéma pour 2007. Nous mettons au point des technologies d'infrastructure destinées à des sites telles que YouTube ou DailyMotion. Les utilisateurs sont un vecteur formidable pour générer du contenu et nous y prêtons attention. Mis à part les problèmes liés au piratage des contenus, rien ne nous empêche en principe de fournir une solution d'encodage permettant à tous de fabriquer son propre contenu de qualité sur mobile. Enfin, nous fournissons notre codec à Musiwave qui l'exploitent pour offrir des sonneries vidéo sur téléphones.

Si nous n'envisageons pas de commercialiser notre solution pour de l'audio proprement dit, nous avons également une avance technologique dans ce domaine. Pour terminer, la plupart des Smartphones disposent désormais d'un écran QVGA et d'un port pour les cartes mémoires. Ils constituent donc un marché prioritaire pour notre solution. Néanmoins, 60% du marché des téléphones mobiles est constitué de téléphones dotés d'écran couleurs mais pas nécessairement d'une capacité de stockage adapté aux besoins découlant de l'usage de la vidéo.

De ce point de vue, nous avons noué des relations avec qui propose des cartes SIM haute capacité baptisée MegaSIM. Ces cartes permettront aux téléphones qui ne supportent pas les mémoires externes, de disposer d'une capacité de stockage suffisante pour les usages multimédia. Nous sommes enfin également "VGA Ready" ce qui signifie que nous pouvons jouer des vidéos à cette résolution, à 24 images par seconde, sur un mobile sans pour autant vider la batterie en quelques minutes. C'est essentiel pour les produits à venir à partir de 2008.

André Pagnac, je vous remercie.
Alexandre Habian
Par Alexandre Habian

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