Depuis quelques temps, notre correspondant et collègue Erwan nous apporte des nouvelles fraîches en direct des Etats-Unis et plus précisément de la Silicon Valley. Il nous permet ainsi de découvrir les coulisses de ce lieu incontournable du monde de la haute technologie.
Un autre lieu et non des moindres du high tech et de l'électronique grand public se trouve de l'autre côté du Pacifique. Le Japon est effectivement une référence en la matière avec un paysage économique composé de grandes firmes comme Sony, Sanyo, Sharp, Toshiba, Nintendo, Pioneer ... Nous avons donc pensé qu'il était plus que justifié que Clubic dispose également d'un correspondant sur place, au pays du soleil levant. C'est désormais chose faite avec Karyn basée à Tokyo qui se chargera, chaque semaine, de nous faire vivre l'actualité high tech de ce côté-ci du globe... Dépaysement garanti ! Voici sans plus tarder, le premier reportage de Karyn qui porte sur « l'année record pour les firmes high-tech et les perspectives à l'avenant ».
L'année budgétaire, qui s'est achevée le 31 mars pour la plupart des entreprises japonaises, a été des plus bénéfiques, notamment pour le secteur de la high-tech. Nombreuses sont en effet les firmes nippones, spécialistes de l'électronique, de l'informatique, de l'industrie des contenus numériques ou des télécoms, qui n'ont jamais vendu tant de produits et gagné autant d'argent que durant les douze mois d'avril 2006 à mars 2007. Quant à celles qui n'ont pas pulvérisé leurs records, leur situation s'est le plus souvent fortement améliorée, y compris pour les sociétés les plus mal parties comme Sanyo.
Les trois premiers trimestres avaient donné le ton, le quatrième l'a confirmé : les champions nippons des nouvelles technologies, qui font la course en tête dans plusieurs domaines, loin devant leurs concurrents étrangers, récoltent désormais les fruits d'investissements massifs et ininterrompus en recherche et développement.
Les firmes d'écrans plats ont la cote sur l'archipel...
L'exemple le plus flagrant est celui des téléviseurs à écran plat, tous basés sur des technologies nées au Japon. Le mastodonte de l'électronique et de l'électroménager, Matsushita, plus connu pour ses marques Panasonic et National, a clos l'année avec un bénéfice net supérieur à ses ambitions initiales, et ce, en grande partie grâce au succès de sa gamme de téléviseurs plasma et des équipements périphériques allant de pair. Avec une écrasante part de marché mondiale sur les TV plasma, Matsushita a non seulement les reins assez solides pour doper sa production de dalles-mères à coup de centaines milliards de yens (milliards d'euros) d'investissements, mais aussi la capacité de faire baisser les prix de vente. Résultat: les autres sont incapables de suivre.Entre avril 2006 et mars 2007, Matsushita, qui dispose de technologies uniques, a totalisé un chiffre d'affaires de 9.110 milliards de yens (57 milliards d'euros). Pour l'exercice en cours qui sera clos le 31 mars 2008, le groupe anticipe un gain net en nouvelle progression de 15% à 250 milliards de yens sur des revenus qui devraient encore grimper de 2% à 9,250 milliards (près de 58 milliards d'euros).
La même chose vaut pour Sharp, qui n'en finit pas depuis des années de battre des scores inédits grâce à sa vaste gamme de téléviseurs à cristaux liquides (LCD). Le pionnier de ce mode d'affichage engrange les profits de sa stratégie visant à concentrer son offre sur des produits haut de gamme conçus à partir de procédés secrets.
La rentabilité de ses dalles-mères LCD dites de 8ème génération, les plus grandes du monde, est sans équivalent. Façonnées exclusivement au Japon dans une usine flambant neuve et ultra-moderne (voir photo) grâce à des dispositifs de production high-tech uniques savamment protégés, ces dalles de 2,50 mètres sur 2,20 mètres, découpées en six ou huit écrans, sont la clef de la compétitivité aujourd'hui indépassable de Sharp. Pour l'exercice actuel qui s'achèvera en mars 2008, le groupe, qui est aussi le numéro un mondial des cellules photovoltaïques et le plus prisé des fabricants de mobiles au Japon, espère encore faire mieux. Il escompte un chiffre d'affaires de 3,400 milliards de yens (+8,7%).
Sharp réfléchit en outre à la construction au Japon d'une nouvelle usine de grandes dalles-mères, alors qu'il vient tout juste d'annoncer qu'il allait porter d'ici quelques mois au quasi-maximum la production de son site ultra high-tech perdu dans les montagnes de Kameyama (centre du Japon), inauguré il y a moins d'un an.
Sony mise sur le LCD et la PS3 et... Nintendo s'envole !
Une fuite en avant du même type est également en oeuvre chez Sony, groupe qui va beaucoup mieux, justement en grande partie grâce à ses téléviseurs LCD "Bravia". Le fleuron du Japon a largement atteint ses objectifs financiers en 2006-2007, les TV ayant ressuscité son coeur de métier, l'électronique grand public. Dirigé par un ingénieur spécialiste des écrans, Ryoji Chubachi, bras droit du PDG américain Howard Stringer, le pilier que constituent les produits électroniques et audiovisuels grand public s'est rétabli grâce aux efforts sur le design, les performances et la qualité.Outre le succès mondial de la gamme de téléviseurs à écran plat à cristaux liquides (LCD) "Bravia", les appareils photos numériques compacts "Cybershot", les PC "Vaio" ou encore les camescopes "Handycam" ont séduit la clientèle. Le tout, appuyé par une restructuration sévère mais efficace, a contre-balancé les moins bons résultats de l'audio, encore malmené par et ses baladeurs iPod, et le déclin inéluctable des ventes de téléviseurs à tube, techniquement dépassés.
Le géant nippon, qui fait la course en tête sur les techniques d'affichage de nouvelle génération, entend bien poursuivre sur sa lancée et retrouver son image avant-gardiste d'antan. Il lancera ainsi cette année sur le marché les premiers téléviseurs basés sur la technologie OEL (affichage organique électroluminescent), supérieure en qualité au plasma ou au LCD. Le retour à meilleur fortune des produits électoniques audiovisuels a aussi permis de compenser l'absence de marges sur sa très vantée console de salon Playstation 3 (PS3).
Sony a pris d'emblée le risque de proposer sa PS3, un produit stratégique, à un tarif attractif afin de minimiser l'écart avec les machines concurrentes moins chères et de faire taire les critiques. Il a donc payé en fin d'année le prix de cette stratégie : un déficit massif de la division jeu, proportionnel au nombre de consoles produites (5,5 millions) et vendues (3,9 millions). Mais avec l'optimisation des techniques de production, cette situation déficitaire ne va pas durer, selon Sony. Les PS3 vont peu à peu devenir rentables et constituer un nouveau moteur de croissance, estiment des analystes. Sony prévoit de mettre 11 millions de machines sur le marché cette année.
Le concurrent de Sony sur le jeu, Nintendo, qui a choisi d'innover sans trop renchérir les coûts (en évitant le luxe de high tech), n'a quant à lui pas rencontré les mêmes problèmes de rentabilité au lancement de ses nouvelles machines de guerre. A tel point que la firme de Kyoto est carrément dépassée par le succès de ses récentes créations, la DS, la DS Lite, la Wii et la foultitude de jeux associés.
En 2006-2007, le numéro un mondial des consoles de poche a ainsi vu son chiffre d'affaires quasiment doubler par rapport à l'année précédente. Il n'avait pas du tout prévu cela. Les machines portables DS Lite, tellement populaires qu'elles sont encore souvent difficiles à dénicher au Japon, ont entraîné dans leur sillage une flopée de nouveaux jeux qui se vendent comme des petits pains, les adultes et les femmes se laissant tenter.
Plusieurs titres pour DS ont ainsi frôlé ou allègrement dépassé la barre des 10 millions d'unités vendues dans le monde, dont le fameux jeu d'élevage de chiens "Nintendog's" qui s'est écoulé à quelque 13,6 millions d'unités. La Wii prend le même chemin. Quelque 5,84 millions d'exemplaires ont été produits et livrés en cinq mois dans le monde. Pour autant, les stocks sont en permanence épuisés dans les boutiques nippones.
Ces fabricants aux productions très variées...
Dans d'autres registres, Toshiba, Ricoh, Casio, Kyocera, Nikon ou encore Konica-Minolta ont également enregistré une année record. Toshiba, un touche-à-tout qui sévit aussi bien dans l'énergie nucléaire (rachat de Westinghouse en 2006) que dans les ascenseurs ou l'électronique grand public, a connu une embellie sur l'ensemble de ses activités.A l'instar de son compatriote Canon (qui a clos son exercice en décembre), Ricoh a pour sa part bénéficié de l'envolée mondiale des ventes d'imprimantes copieurs multifonctions pour entreprises, un marché alimenté par la transition vers les systèmes en couleurs.
Le principal concurrent de Toshiba, l'autre groupe tentaculaire nippon, Hitachi, est comme prévu tombé dans le rouge en 2006-2007 à cause de dépenses exceptionnelles liées à des avaries de turbines de centrales thermiques et à l'absence de marges sur les produits électroniques grand public. Mais Hitachi espère revenir dans le vert dès cette année, entrevoyant de bonnes perspectives dans les systèmes de télécommunications et dans la branche énergie.
Kyocera, spécialiste de la céramique fine, a quant à lui profité de l'augmentation des besoins de ce matériau essentiel pour l'industrie bien portante des composants électroniques. Enfin Casio, Konica-Minolta, Nikon et Pentax, ont continué d'asseoir leur suprématie sur les appareils photo compacts de très haute qualité ou sur les modèles à visée reflex et objectif interchangeable qui connaissent un succès grandissant au-delà du cercle des amateurs avertis.
Le groupe d'électronique, d'informatique et de télécommunications NEC est pour sa part sorti du rouge en 2006-07, en dépit de résultats très mitigés selon les activités. Les composants ont par exemple souffert de la chute des prix au détails. Le groupe profite toutefois de la très bonne tenue de son activité principale, les services informatiques et les équipements de réseaux de télécommunications.
Les opérateurs de télécoms, KDDI, NTT ou Softbank, qui investissent des sommes faramineuses dans les infrastructures fixes et mobiles à très haut débit, sont parvenus à maximiser la rentabilité des services de données pour compenser la chute technique inéluctable du tarif des communications vocales.
L'engouement des Nippons pour les sites internet mobile et les terminaux ultra-sophistiqués est tel qu'ils acceptent de payer en moyenne de 50 à 150 euros pour bénéficier de forfaits de données illimités et de nombreuses heures d'appel. S'y ajoutent très souvent les dépenses d'achats de contenus payés à l'acte (musique, livres numériques, jeux et produits commandés sur les sites de commerce mobile).
Dernier à avoir publié ses résultats annuels et considéré comme très mal en point, Sanyo a créé la surprise, confirmant l'embellie générale. Le groupe d'électronique d'Osaka (ouest), en pleine phase de douloureuse restructuration, a enregistré une perte nette moins massive qu'il ne le craignait, et surtout divisée par plus de quatre par rapport au colossal déficit de l'année précédente. Mieux, la firme, qui totalise un chiffre d'affaires de plus de 2.200 milliards de yens (14 milliards d'euros), espère revenir dans le vert dès cette année, plus tôt que d'aucuns l'imaginaient.
Numéro un mondial des Batteries, Sanyo continue de miser sur la croissance de la demande de produits respectueux de l'environnement (piles rechargeables, purificateurs d'air...) ou orientés sur le développement durable (panneaux solaires, batteries à combustible...). Le groupe, qui sort d'une sérieuse crise de management, promet en outre de réaliser une montée en gamme sur les appareils électroniques grand public, afin de s'extraire de la spirale déflationniste due à la férocité de la concurrence. Il espère aussi une amélioration de la compétitivité des semi-conducteurs, également en cours de cession partielle.
S'il fallait une preuve supplémentaire que l'investissement continu et intensif en recherche et développement finit par payer, les résultats des entreprises japonaises le fournissent magistralement.