Le « gendarme des télécoms » - l'ARCEP - a proposé le 24 juillet dernier une nouvelle baisse de tarifs des terminaisons d'appels mobiles (TAM). Les TAM représentent le prix que doit payer un opérateur (fixe ou mobile) pour que son abonné puisse joindre un correspondant sur un réseau mobile. Le niveau des TAM est donc essentiel tant pour les opérateurs de téléphonie fixe - lorsque leurs abonnés appellent un mobile - que pour les opérateurs mobiles - lors des communications mobiles inter-opérateurs (off-net).
Les montants en jeu ne sont pas pour rien dans l'intérêt de l'ARCEP pour la régulation des prix. Le régulateur rappelle en effet que « les achats de terminaison d'appel mobile sont le premier flux financier entre les opérateurs français et représentent une recette perçue par les opérateurs mobiles de plus de 3,3 milliards d'euros en 2006 ».
A partir du 1er janvier 2008, les trois principaux opérateurs mobiles sur le marché se verraient ainsi imposer une nouvelle baisse du prix des TAM : de 7,5 centimes d'euro à 6,5 centimes d'euro pour Orange et SFR, et de 9,24 centimes d'euro à 8,5 centimes d'euro pour Bouygues Telecom. Ces tarifs resteraient valables pendant 18 mois. Pour l'outre mer, l'ARCEP prévoit un plan de réduction de 50% sur trois ans, pour atteindre en 2010 un tarif de 6,5 centimes d'euros pour les deux opérateurs Orange caraïbe et SRR.
L'ARCEP poursuit ainsi la baisse progressive des tarifs des TAM engagée dès la fin des années 90. Rappelons qu'entre 2002 et 2007, ces tarifs ont été réduit de près de 63% pour Orange et SFR et de 66% pour Bouygues Telecom.
Autre élément de continuité - pourtant largement critiqué par les opérateurs et pointé du doigt par la Commission Européenne - la possibilité laissée à Bouygues Telecom de tarifer à un niveau plus élevé ses TAM. Pour sa défense, l'ARCEP invoque des coûts supérieurs pour Bouygues Telecom liés à son arrivée tardive sur le marché et à un parc de clients significativement plus faible.
Un impact limité pour les consommateurs
Du point de vue des consommateurs, l'impact de la réduction annoncée sur les prix de détail risque d'être peu visible, au grand dam de l'UFC-Que Choisir, qui indiquait quelques jours avant la décision de l'ARCEP que cette dernière constituait « une occasion en or de réduire une entrave illégitime à la baisse des prix ».
L'association de consommateur juge en effet que le niveau actuel des TAM est un handicap majeur pour le développement des communications mobiles et des communications fixes vers mobiles, dont les prix sur le marché de détail demeurent élevés alors que le coût de la TAM est généralement estimé à 1 ou 2 centimes d'euro.
Avis partagé par...l'ARCEP, qui écrit dans son projet de décision qu' « une baisse substantielle des niveaux de terminaison d'appel serait compatible avec les niveaux actuels de coûts. Surtout elle serait la meilleure solution pour répondre aux problèmes concurrentiels ».
Mais, la régulation n'est pas un monde parfait et l'ARCEP admet vouloir maintenir les marges des opérateurs français dans un contexte européen de faible pression à la baisse des TAM. D'où la limitation à 18 mois de ces nouveaux tarifs, histoire de laisser la possibilité à la Commission Européenne et au Groupe des Régulateurs Européens (GRE) de s'entendre sur une baisse significative et coordonnée des TAM au niveau communautaire.
Un frein à la convergence fixe / mobile ?
Autre sujet brûlant pour les opérateurs télécoms, l'absence de baisse substantielle de la tarification des TAM freine les innovations technologiques et commerciales reposant sur la convergence fixe / mobile.
La demande est pressante du côté des FAI qui pourraient baisser leurs prix pour les appels à destination des mobiles, voire les inclure dans le forfait, comme c'est le cas pour les appels de fixe à fixe. On assisterait alors à une vraie convergence fixe/mobile au bénéfice des consommateurs. A ce jour, seuls Orange avec son offre Unik et avec Twin proposent des offres de convergence, mais les tarifs demeurent élevés pour les appels vers les mobiles.
Soucieux de neutralité technologique et du développement des offres de convergence, l'ARCEP identifie volontiers le niveau actuel des TAM comme un obstacle à la convergence fixe / mobile. Lors de la présentation du Rapport annuel 2006 du régulateur, son président Paul CHAMPSAUR déclarait qu' « il n'y a aujourd'hui plus de raison objective pour que les niveaux de terminaison d'appels mobiles soient déterminés de façon significativement différente de ceux des terminaisons d'appels fixes ». Mais concurrence européenne oblige, le régulateur se refuse d'aligner les tarifs des TAM sur les coûts et renvoie à la Commission le soin d'harmoniser à la baisse ces tarifs.
Pour rappel, la décision de l'ARCEP ne sera définitive qu'après la consultation publique qui va s'étaler jusqu'au 14 septembre prochain. Parallèlement, ces propositions sont notifiées à la Commission Européenne. Si le processus ne rencontre pas de freins majeurs, la décision finale devrait tomber dans le courant de l'automne.
Sources
Communiqué de Presse du 24 Juillet sur la régulation des TAM en 2008, ARCEP
Projet de décision de régulation des tarifs des TAM pour 2008, 24 juillet 2007, ARCEP
Décision de régulation des tarifs des TAM pour 2007, 24 septembre 2006, ARCEP
Les Grands dossiers de l'ARCEP, Les terminaisons d'appels Mobiles
« Une occasion en or de réduire une entrave illégitime à la baisse des prix », UFC-Que Choisir, communiqué de presse du 19 juillet 2007
« Téléphonie Mobile en France, analyse critique de l'étude de l'AFOM », UFC-Que Choisir, 10 juillet 2007
Discours de Paul Champsaur, Président du Collège de l'ARCEP, lors de la présentation du rapport annuel, 2 juillet 2007
« Jajah.com dénonce les tarifs excessifs de terminaison d'appel mobile en Europe », Vnu.net Europe, 5 juillet 2006
« Article 7 procedures - consolidating the EU single market for electronic communications », Commission Européenne, available at http://ec.europa.eu/ information_society/policy/ecomm/doc/article_7/052_art7.pdf