Le mobile privilégié pour le téléchargement de musique
D'aucuns penseront sans doute que l'on parle bien souvent dans cette chronique des téléphones mobiles japonais. Et pour cause, l'objet a pris une place si considérable dans la vie des Japonais, qu'il est impossible de faire autrement si l'on prétend dessiner par petites touches successives le paysage de l'usage des nouvelles technologies au pays du Soleil-Levant. Et des sujets à aborder autour du « keitai denwa » (téléphone portable en japonais), croyez-nous, il en reste encore à la pelle.Cette semaine nous allons nous attarder sur le phénomène du téléchargement de musique, une double actualité nous y incitant vivement : d'une part la publication des statistiques de ventes de musique en ligne pour le premier semestre, et d'autre part l'arrivée en fanfare d'une nouvelle gamme de baladeurs iPod (cf. iPod Touch, Classic et Nano 3G : premiers contacts et Conférence Apple : iTunes et tous les nouveaux iPod !).
Etat des lieux
Figurez-vous en effet, qu'au Japon, les téléphones mobiles semblent de plus en plus souvent préférés aux simples baladeurs audio-vidéo numériques pour le téléchargement de musiques ou de clips, du moins si l'on s'en réfère aux chiffres de l'Association des maisons de disques japonaises.Entre janvier et fin juin dernier, près de 94% du volume des téléchargements de musiques ont été réalisés directement depuis les téléphones portables et seulement un peu plus de 6% depuis un ordinateur. Quelque 212 millions de titres ont été téléchargés directement depuis un mobile pour un montant total de 31,86 milliards de yens (203 millions d'euros). Cela représente un prix unitaire moyen de 150 yens (95 centimes d'euro). Par rapport à la même période de 2006, les ventes de chansons sur mobiles ont progressé de 26% en volume et de 43% en valeur.
Les achats de musiques en ligne effectués depuis un ordinateur ont également augmenté au premier semestre dernier par rapport aux six premiers mois de 2006, mais dans des quantités bien moindres que les ventes sur mobiles. De janvier à juin, environ 676.000 albums (+24%) et 13,8 millions de titres à l'unité (+19%) ont été téléchargés depuis une boutique internet (type iTunes d'Apple) sur un ordinateur fixe, pour être écoutés directement sur ce dernier ou transférés ensuite vers un baladeur. Le montant total de ces ventes via un service pour ordinateurs s'est élevé de 7% sur un an à 2,69 milliards de yens (17,2 millions d'euros), soit près de douze fois moins que la somme des ventes sur sites pour téléphones portables. Etonnant !
Toutefois, il convient de relativiser ces chiffres, même s'il est incontestable que la domination du mobile va en s'amplifiant. En effet, les quelque 212 millions de morceaux acquis sur des sites mobiles comprennent tous les extraits qui peuvent servir de sonneries ou de fond sonore pour l'interlocuteur en lieu et place des traditionnelles insupportables tonalités. Les téléchargements de titres en intégralité, unitairement plus chers que les extraits, ne concernent que 48 millions d'unités. Reste que c'est quand même deux fois plus que l'an passé à la même période, ce qui signifie que le marché des ventes sur mobiles remplace peu à peu celui des ventes de CD-single. A l'inverse, les achats de simples extraits pouvant servir de mélodie d'appel n'ont progressé dans le même temps que de 15%.
Autrement dit, les Nippons ont effectivement de plus en plus tendance à utiliser leur téléphone comme baladeur essentiellement pour écouter des titres-phares du moment.
Le CD pas complètement déserté
Concernant les albums, les Nippons, fétichistes, continuent de les acheter sous forme de CD, pour bénéficier de titres en prime et d'un objet tangible à conserver, notamment lorsqu'ils sont fans d'un artiste. Nombreux sont aussi ceux qui louent des albums dans les chaînes spécialisées comme Tsutaya pour les copier en bonne qualité sur leur ordinateur et les transférer sur un baladeur. Ces deux phénomènes se conjuguent pour freiner le développement des ventes via iTunes et autres boutiques internet pour ordinateurs. A cela s'ajoutent aussi des échanges en peer-to-peer qui se chiffrent en dizaines de millions, même si les Japonais sont moins adeptes de ce genre de trafic que les citoyens des pays étrangers. La proportion d'échanges illégaux serait environ huit à dix fois inférieure au Japon à celle constatée en France, rapportée au nombre d'individus. Les dangers que représentent les logiciels de partage font office de garde-fou. Les nombreux cas d'aspiration de données personnelles à l'insu des utilisateurs évoqués par les médias incitent les Nippons à la prudence et les font hésiter à installer ce type d'applications sur leurs ordinateurs.La lecture des chiffres de téléchargements est en outre également un peu biaisée par le fait que les opérateurs de services de télécommunications mobiles proposent des systèmes hybrides qui permettent d'acheter des morceaux soit via un ordinateur, soit directement via les terminaux mobiles, et de les transférer d'une plate-forme à l'autre. Si bien qu'au bout du compte, il est délicat sur la base des seules statistiques de l'association des maisons de disques de savoir quel terminal, PC ou mobile, est finalement utilisé pour l'écoute. Les jeunes, qui ne disposent pas tous d'une carte de crédit et d'un ordinateur, jugent toutefois leur téléphone bien plus pratique qu'un baladeur, puisqu'il leur permet d'acheter très simplement des musiques à tout moment, où qu'ils soient, et d'en profiter instantanément.
Rappelons au passage que plus des quatre cinquièmes des Nippons sont déjà passés à la troisième génération (3G voire 3,5G), soit plus de 80 millions de personnes, et que tous les téléphones portables aujourd'hui vendus au Japon par les trois principaux opérateurs sont des modèles 3G ou 3,5G, dotés d'un emplacement pour carte-mémoire amovible. Ils permettent donc de télécharger rapidement et de stocker des clips et des musiques directement via le réseau cellulaire, depuis des centaines de sites spécifiques.
La cohabitation téléphone / baladeur
A observer les Nippons au quotidien dans les lieux publics, on en voit néanmoins beaucoup qui ont à la fois un téléphone portable greffé à la main et un baladeur pendu autour du cou ou arrimé à la ceinture. Si bien qu'il existe malgré la prédominance du mobile un important marché de baladeurs numériques que reflète une offre incroyable dans les hypermarchés de l'électronique.Pourtant, « l'absence de nouveautés révolutionnaires dans l'univers des baladeurs durant l'année écoulée a contribué à renforcer le rôle des mobiles », faisait récemment remarquer un vendeur de l'hypermarché de l'électronique Bic Camera au centre de Tokyo. Cette situation va rapidement prendre fin puisque Apple vient de faire le ramdam que l'on sait avec ses nouveaux iPod Nano, iPod Classic et iPod Touch. Ce dernier modèle, qui débarquera sur l'Archipel d'ici la fin du mois de septembre, va sans nul doute redonner du tonus au secteur et faire des milliers d'adeptes ici comme ailleurs. Pas de bol pour Toshiba qui venait tout juste d'annoncer la commercialisation en octobre au Japon d'un baladeur audio-vidéo à mémoire également doté d'un module de communication sans fil qui permettra aussi d'accéder à la toile via un borne de réseau sans fil WiFi pour télécharger directement des émissions de radio, des cours de langues et autres programmes. Il sera de plus compatible avec la boutique de vente d'albums en ligne Napster, rivale de iTunes d'Apple. Mais Napster propose des forfaits mensuels de téléchargement illimités pour 12 ou 15 euros, ce qui lui confère un avantage non négligeable.
Dans le secteur des baladeurs, Apple domine certes le marché au Japon, mais du fait de l'offre de mobiles-baladeurs et de la stratégie des fabricants locaux qui enrichissent leurs produits de fonctions inexistantes sur les iPod, ses parts de marché y sont moins importantes qu'à l'échelle internationale. Il n'en détient "que 46%" contre environ 75% en moyenne à l'échelle mondiale. Même l'iPod Touch affiche encore des lacunes par rapport à certains appareils concurrents, dont ceux de Toshiba, qui intègrent une radio, un récepteur de TV numérique terrestre mobile et une fonction dictaphone. Panaonic mise lui sur les cartes amoviles en lieu et place des mémoires flash et disques fixes. Il propose aussi des modèles avec Casque sans fil Bluetooth. Sans compter que tous les Nippons qui écoute de la musique en balade ne sont pas passés aux appareils à mémoire flash (fixe ou amovible) ou disque dur.
Sony n'a pas dit son dernier mot...
Ceux qui ont passé des heures à se constituer une gigantesque collection de compilations personnelles sur Mini-Discs (MD) n'ont guère envie de recommencer un travail titanesque du même acabit. D'autant qu'en plus d'un baladeur MD ils ont souvent aussi une mini-chaîne compatible avec ce support qui n'a peut-être pas connu le destin qu'il méritait.Les adolescents et minettes apprécient aussi le fait de disposer de petits baladeurs qui acceptent des transferts directs de plages de CD depuis une mini-chaîne compatible comme en proposent Sony ou Panasonic. Pour conclure, sachez que Sony, le créateur du Mini-Disc, qui s'était piteusement laissé distancer au départ sur le marché des baladeurs à mémoire, regagne progressivement du terrain, au Japon du moins, notamment depuis qu'il a mis en vente sa dernière série de petits baladeurs ultra-plats NW800 (voir Sony NW-A800 : Sony s'attaque à l'iPod Nano).
Le géant nippon est en outre loin d'avoir dit son dernier mot. Pour preuve, il va dévoiler pas plus tard que lundi 10 septembre au Japon un nouveau type de baladeur baptisé "Rolly" (cf. Le baladeur Sony Rolly danse en vidéo), lequel devrait se targuer d'une ergonomie et de fonctions inédites, sans doute basées sur un mode de reconnaissance de mouvements et autres innovations. C'est en tout cas ce que l'on peut déduire des quelques indices distillés par le groupe. Pari de l'auteur : il aura une forme proche de celle d'un ballon de rugby (de quoi coller à l'actualité !), en plus petit, avec des oreilles !