Bruno Le Maire, le 9 juin 2020 à Bercy
Bruno Le Maire, le 9 juin 2020 à Bercy

Bruno Le Maire a décrété, mardi, « l'état d'urgence de l'aéronautique » et présenté le plan de relance pour sauver un secteur aéronautique qui compte 1 300 entreprises et génère 300 000 emplois directs et indirects en France.

C'est en présence des quatre plus grandes entreprises aéronautiques françaises, Dassault, Safran, Thales et Airbus ainsi que du GIFAS (le groupement des industries françaises aéronautiques et spatiales) que le ministre de l'Économie et des Finances, Bruno Le Maire, a présenté, mardi 9 juin, le plan de relance du gouvernement pour l'industrie aéronautique, destiné à sauver un secteur-fleuron de l'économie française. Celui-ci est estimé à 15 milliards d'euros (nous évoquions une enveloppe de 10 milliards d'euros dans un premier temps) et est construit autour de trois grandes ambitions : sauver les emplois, transformer les PME et accélérer la décarbonation de l'industrie.

100 000 emplois menacés sans plan de relance

Sans le plan de relance du gouvernement, le ministre de l'Économie et des Finances estime à 100 000 le nombre d'emplois du secteur aéronautique qui pourraient disparaître dans les six mois à venir. En ce sens, Bruno Le Maire et le ministre de l'Action et des Comptes publics Gérald Darmanin vont inclure le plan au projet de loi de finances rectificative qui sera présenté en conseil des ministres, ce mercredi.

Honnête mais un tantinet langue de bois, Bruno Le Maire a indiqué depuis Bercy qu'il y aura bien « des ajustements nécessaires » (comprenez, des licenciements), mais qui se feront « dans toute la mesure du possible, sans départs contraints », a-t-il précisé.


« L'industrie aéronautique française ne connaissait pas la crise. Elle était habituée, depuis près de 30 ans, à une croissance soutenue par une augmentation constante du trafic aérien : 6% par an, en moyenne, depuis 1994). [….] La crise a mis un coup d'arrêt brutal à cette croissance ».

Bruno Le Maire, le 9 juin 2020 à Paris.

Parmi les mesures annoncées, on retient que les compagnies aériennes pourront bénéficier d'un moratoire sur le remboursement de leurs crédits à l'exportation de 12 mois, ce qui représente un coût de 1,5 milliard d'euros pour l'État. Concernant les achats d'avions Airbus, les transporteurs pourront attendre jusqu'à 18 mois pour rembourser leurs crédits à l'exportation, contre six mois habituellement. Pour le gouvernement, il s'agit d'un effort de trésorerie d'au moins 2 milliards d'euros. En outre, 800 millions d'euros de commandes militaires par anticipation ont été promis par la ministre des Armées, Florence Parly, sur volonté du président Emmanuel Macron.

L'activité partielle de longue durée sera privilégiée et soutenue par l'État, toujours avec l'objectif d'éviter des licenciements. « La chute des commandes ne doit pas détruire des compétences que nous avons mis des décennies à construire », a précisé le ministre. Ce week-end, le secrétaire d'État aux Transports, Jean-Baptiste Djebbari, avait précisé que la relance devra être accompagnée d'une relocalisation des emplois.

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Moderniser les PME et ETI du secteur, grâce à l'apport des grands industriels français

Le plan de relance de l'aéronautique pondu par le gouvernement français consacre tout un pan aux PME et ETI du secteur, qui constituent « la première force de notre industrie aéronautique », selon Bruno Le Maire, qui a rappelé qu'elles font de la France et des États-Unis les deux seuls pays à pouvoir construire des avions civils, des aéronefs militaires et des hélicoptères. L'État souhaite, par la relance, encourager la transformation de ces petites et moyennes entreprises du secteur.

« Nous ne laisserons pas le marché se partager entre la Chine et les États-Unis. [….] Nous décrétons donc, ce matin, l'état d'urgence pour sauver notre industrie aéronautique, pour lui permettre d'être plus compétitive et plus décarbonée au 21e siècle ».

Bruno Le Maire, le 9 juin 2020 à Paris.

Deux fonds vont être mis en place par l'État. L'un pour l'investissement en fonds propres dans les PME et ETI, doté d'1 milliard d'euros (500 millions d'euros dès le mois de juillet, dont 200 millions apportés par l'État, 200 millions par les industriels du secteur et 100 millions par le gestionnaire du fonds, qui sera choisi par appel d'offres). C'est au passage la première fois que Dassault, Airbus, Thales et Safran mettent de l'argent en commun pour soutenir l'industrie française. Une collaboration qui n'aurait sans doute pas été possible sans la crise et l'insistance du gouvernement. « Nous avons su, pour la première fois en termes d'investissement, nous rassembler », a salué Bruno Le Maire.

L'autre fonds, lui, aidera à renforcer la numérisation et la robotisation des PME et ETI, de 300 millions d'euros, en dépenses publiques directes.

Parvenir à un avion neutre en carbone en 2035, au lieu de 2050

La décarbonation de l'économie, elle, sera le fil rouge de la relance française. Telle est l'ambition de Bruno Le Maire, qui compte sur les industriels hexagonaux pour « pour parvenir à un avion neutre en carbone en 2035, au lieu de 2050 ». L'avion neutre en carbone devra être produit grâce au moteur à très haut taux de dilution et grâce au recours à l'hydrogène.

Bruno Le Maire a ainsi annoncé que le conseil pour la Recherche aéronautique civile (CORAC) recevra de l'État un soutien d'1,5 milliard d'euros sur trois ans. La réduction de la consommation de carburant, l'électrification des appareils et l'expérimentation de carburants neutres en carbone comme l'hydrogène devront être très sérieusement étudiées.

Ces 15 milliards d'euros d'aides de l'État font suite à ceux accordés à Air France, avec un prêt direct de 3 milliards d'euros et une garantie de l'État sur les prêts bancaires à hauteur de 4 milliards d'euros.