Les déplacements en jet privé de certaines personnalités, aux distances parfois dérisoires, sont suivis et dénoncés par un groupe d'internautes, qui agacent de plus en plus les personnes concernées.
Dirigeants, politiques et stars : tous sont de plus en plus irrités par la « traque » qu'ils subissent de la part d'une communauté qui scrute et dévoile au grand public leurs déplacements en jet privé, et ce, tout au long de l'année. Si cette pratique, qui a tendance à se répandre, peut s'avérer être une entorse au respect de la vie privée, elle n'a pourtant rien d'illégal et peut aider à la prise de conscience.
Une exploitation parfaitement légale, devenue utile même pour les compagnies aériennes et les constructeurs
De plus en plus de sites ou comptes Twitter et Instagram suivent, en temps réel, le trafic aérien, plus particulièrement celui des jets privés qui appartiennent à certains dirigeants ou personnalités de premier plan, épiés au gré de leurs déplacements. Certains essaient de faire cesser la pratique, mais rien n'y fait.
« Nous n'avons rien supprimé jusqu'à présent. Ce sont des informations publiques », explique le fondateur de ADS-B Exchange, site américain de suivi de vo. Celui-ci se refuse à être l'arbitre qui « décide qui a raison ou tort ». Et à juste titre : s'il existe des règles, les communautés, groupes et individus qui regroupent les données ne se contentent que de reconstituer les trajectoires de vol à partir de données légalement disponibles et accessibles.
La réglementation américaine aide bien, il faut le dire, car la loi exige que tous les avions se trouvant dans certaines zones embarquent le système par satellite ADS-B (Automatic Dependant Surveillance-Broadcast). Le système aide l'avion à déterminer sa position via GPS et diffuse sa position ainsi que d'autres informations aux stations au sol, mais aussi aux autres appareils équipés de l'ADS-B. Les États-Unis exigent depuis le 1er janvier 2020 que tous les appareils volant au-dessus de leur territoire soient équipés de ce système.
Pour résumer simplement, ce dernier envoie périodiquement la position de l'appareil aux contrôleurs aériens, le tout par radio. C'est ce qui a permis la naissance du site suédois Flightradar24 en 2007. Celui-ci suit plus de 180 000 vols journaliers grâce à ses 34 000 récepteurs situés partout dans le monde. Dès 2009, il a ouvert son réseau et permis à toute personne possédant un récepteur ADS-B de télécharger des données sur le réseau. Depuis, il est utilisé par plus de 2 millions de personnes quotidiennement, incluant les plus grandes compagnies aériennes et les avionneurs tels qu'Airbus, Boeing ou Embraer. On peut presque parler d'une institution du suivi et du référencement de vols.
Sur les réseaux sociaux, les internautes ne loupent pas les dirigeants qui abusent des vols très courts
Identifier les vols, les horaires et autres informations est une chose, mais connaître l'identité du propriétaire d'un avion est une mission un poil plus compliquée encore. Jack Sweeney tient le compte Twitter Celebrity Jets, créé en octobre dernier et qui compte plus de 110 000 abonnés. Celui-ci suit l'activité d'Elon Musk, mais pas que. Ce lundi matin, il a par exemple relayé le très court vol californien (37 minutes seulement, 3 tonnes de CO2 et 2 015 dollars de carburant estimés) du célèbre boxeur Floyd Mayweather, vol qui pouvait se couvrir en moins de 5 heures en voiture. Mais il y a pire, accrochez-vous.
Jack Sweeney, 19 ans seulement, est parvenu à trouver le jet privé d'Elon Musk après avoir effectué une simple demande d'information auprès des archives publiques du gouvernement des États-Unis. Il a carrément créé un compte Twitter consacré, ElonJet, qu'il administre également. En retour, le milliardaire-fondateur de Tesla et de SpaceX lui a proposé 5 000 dollars pour supprimer le compte qui fédère près de 500 000 abonnés.
Si nous ne sommes évidemment pas là pour jeter la pierre, nous comprenons tout l'intérêt de ces comptes, qui alertent à leur façon sur l'effroyable bilan carbone d'individus seuls, comme ce vol de 17 minutes en jet privé effectué par Kylie Jenner le mois dernier en Californie, provoquant la colère de nombreux internautes. Le dernier cas récent est à mettre au crédit de Nancy Pelosi, la présidente de la Chambre des représentants américaine, qui s'est rendue à Taïwan et dont le vol a été suivi par plus de 700 000 personnes sur le site Flightradar24, dont nous parlions plus haut.
Notons qu'en France, nous ne sommes pas en reste sur le sujet. Sur Instagram, vous avez peut-être récemment entendu parler de L'avion de Bernard (en hommage au patron de LVMH, Bernard Arnault), qui sévit sur Instagram. Depuis peu, il surveille aussi les deux jets privés de la compagnie TotalEnergies. L'un d'eux a d'ailleurs récemment brillé en effectuant, les 27 et 28 juillet, un aller-retour Paris-Bordeaux (un itinéraire couvert en à peine un peu plus de deux heures en TGV), pour ne gagner qu'une petite heure en avion et consommer plus de 3 tonnes de CO2 au passage, selon les estimations.
La pratique, qui dérange, pousse certains gouvernements à agir, notamment de l'autre côté du globe. En Chine, le gouvernement a saisi, l'an dernier, plusieurs centaines de récepteurs utilisés par des sites de suivi de vols, évoquant un risque d'espionnage.
Sources : Ouest-France, Instagram @laviondebernard, Twitter @ElonJet et @CelebJets, Flightradar24