Plusieurs experts des droits de l'Homme de l'Organisation des Nations unies demandent à ce que soit fixé un cadre réglementaire autour de la vente et des transferts de technologies rattachées aux logiciels d'espionnage, après le scandale Pegasus.
Après avoir éclaté auprès du grand public il y a près d'un mois, suite aux révélations de l'organisme à but non-lucratif Forbidden Stories et de divers médias du globe, l'affaire autour du logiciel espion Projet Pegasus a officiellement fait réagir l'ONU. L'organisation internationale appelle en effet les États à imposer un moratoire sur les technologies de surveillance. Les experts de l'ONU militent pour la mise en place d'une réglementation qui soit conforme aux normes internationales en matière de droits de l'Homme.
Les experts de l'ONU « profondément préoccupés » par l'utilisation d'outils comme le logiciel Pegasus
Alors que l'on pensait que le logiciel espion Pegasus conservait une activité relativement confidentielle depuis son apparition publique en 2016, le scandale révélé par Forbidden Stories a fait passer le malware créé par la société de cybersurveillance israélienne NSO Group tout en haut de la rubrique cyber. Le logiciel Pegasus aurait permis d'espionner durant plusieurs semaines, mois et années, des smartphones appartenant à quelque 180 journalistes, 600 personnalités politiques, 65 chefs d'entreprises et 85 militants des droits humains, issus de différents pays, parmi lesquels la France. Le président de la République française Emmanuel Macron fut lui-même la cible de Projet Pegasus, avec des États étrangers à la manœuvre.
Les experts de l'ONU se disent aujourd'hui « profondément préoccupés par le fait que des outils intrusifs hautement sophistiqués soient utilisés pour surveiller, intimider et réduire au silence les défenseurs des droits humains, les journalistes et les opposants politiques ».
Les spécialistes des droits humains et des libertés de l'ONU, Irene Khan, Mary Lawlor et Clément Nyaletsossi Voulé, expliquent que ces pratiques violent autant les droits à la liberté d'expression que la vie privée et la liberté – pratiques allant même jusqu'à mettre en danger la vie de certaines personnes, ciblées ou non.
La nécessité d'un moratoire pour prévenir et atténuer tout impact négatif de la technologie de surveillance
Les experts des droits de l'Homme de l'ONU, qui affirment être en contact direct avec le groupe NSO et le gouvernement d'Israël, rappellent que NSO se défend de toute accusation d'espionnage. Face à ce déni de collusion, ils lui demandent ainsi de « divulguer si elle a déjà fait preuve de la diligence requise en matière de droits de l'Homme […] et publier l'intégralité des conclusions de toutes les enquêtes internes que l'entreprise aurait pu mener sur cette question ».
De même, l'ONU demande à l'État d'Israël de communiquer sur les mesures prises pour examiner toutes les transactions d'exportation (comprenez les ventes et transferts de technologies) de NSO.
« Il est du devoir des États de vérifier que des entreprises comme NSO Group ne vendent ni ne transfèrent de technologie ni ne concluent de contrat avec des États et entités susceptibles de les utiliser pour violer les droits de l'Homme. »
L'ONU appelle la communauté internationale à adopter un moratoire sur la vente et le transfert de la technologie de surveillance. Elle estime cette mesure nécessaire en amont de l'adoption d'une réglementation juridique concrète pour à la fois prévenir, atténuer et réparer tout impact néfaste d'une telle technologie.
Source : ONU