Silent Hill Homecoming : à la maison, les oiseaux ne chantent plus

Maxence Jacquier
Publié le 25 février 2009 à 16h50
Plus de quatre ans après Silent Hill 4, sur lequel les avis divergent, Konami revient enfin sur le devant de la scène Survival Horror sur consoles de salon et PC avec Silent Hill Homecoming. Nouveau studio de développement - les américains de Double Helix - nouvelles ambitions : franchir l'ère next-gen pour donner un second souffle à un genre plus que moribond ces derniers temps, et surtout tirer Konami de sa disette ludique de ces derniers mois. Silent Hill Homecoming semble être le plus à-même pour prendre la relève de Metal Gear Solid 4, et ce malgré un accueil mitigé réservé par la presse et les joueurs pour sa sortie américaine, en novembre dernier. Autopsie d'un animal blessé, mais loin d'être mort.

« Dans Silent Hill 5, Alex n'est plus si certain de son passé, et complètement largué concernant son avenir. »

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Silent Hill Homecoming nous propose d'incarner Alex Shepherd, militaire blessé au combat de retour dans sa ville natale de Shepherd's Glen. Shepherd's Glen ? Oui, Silent Hill ne sera, dans un premier temps du moins, pas le théâtre de vos obscures pérégrinations. Mais reprenons. La ville, assez peu accueillante (l'exacte image que l'on se fait de Silent Hill en fait), semble particulièrement vide et l'atmosphère étrange qui y règne perturbe le héros comme le joueur, peu aidés par le brouillard semblant venir de nulle part. Heureusement, la rencontre avec la juge de la ville, peu inquiète d'une situation pourtant proche du mystique, nous pousse à continuer plus avant notre découverte d'une terre autrefois plus familière et accueillante. Alex revient dans la maison familiale qui l'a vu grandir, espérant trouver la chaleur si intense d'un foyer trop longtemps quitté. Sa mère est là, aussi froide que le pistolet qu'elle tient sur ses genoux. Son père est introuvable, son frère a disparu. Les souvenirs l'assaillent. Il n'est plus si certain de son passé et complètement largué concernant son avenir.



Ce pauvre Alex Shepherd, à la manière d'Harry Mason ou de James Sunderland, devra donc partir à la recherche d'un être cher, ce chaotique périple mettant en balance la survie de toute une communauté comme sa propre santé mentale. Sans arrêt sur le fil du rasoir, Alex frise avec la schizophrénie, sans jamais vraiment réussir à tomber dedans, ni à s'en affranchir. Le rythme narratif croît progressivement dans ce Homecoming, sous-titre au combien judicieux suggérant l'absence totale d'abris pour le joueur. La seconde partie du jeu est riche en révélations et en moments forts, voire insoutenables, que nous ne révèleront évidemment pas ici, mais qui à eux seuls suffiront à attirer tous les fans de Silent Hill, et plus généralement tout amateur de glauque. Sachez simplement que la famille est au cœur du traitement du jeu, et qu'à travers les quatre fondateurs de la ville (dont les Shepherd) c'est bien évidemment une certaine conception de l'Amérique, puritaine et religieuse, qui en prend pour son grade.

« Les énigmes feront honneur, sans non plus les dépasser, aux puzzles torturés des deux premiers volets. »

Mais revenons-en à nos moutons. Shepherd's Glen puis Silent Hill accueillent évidemment toute une panoplie de lieux à découvrir, comme le désormais obligatoire hôpital, le cimetière (où l'on aperçoit le maire de la ville, occupé à déterrer quelques tombes...), l'hôtel ou encore le commissariat et la prison. La variété est de mise, et nous permet d'entrevoir un level-design cohérent quoique toujours tenu par les obligations du système de jeu. La plupart des portes sont inexplicablement cassées, les bâtiments toujours fermés, ce qui pourra frustrer le non-initié à cette mythique série. On constate avec plaisir la présence d'énigmes dignes de ce nom, presque complètement disparues de l'épisode Origins. Faisant appel à votre logique, votre jugeote ou encore à votre sens de l'observation, les différents obstacles que vous franchirez pendant la dizaine d'heures de jeu feront honneur, sans non plus les dépasser, aux puzzles torturés des deux premiers volets. Comme d'habitude, la dérangeante ville qui sert de théâtre au jeu devient carrément glauque une fois transformée (au son de la sirène, comme dans le film de Gans). Sa version horrifique faite de métal, de béton organique (!) et de barbelés possède une architecture beaucoup plus éclatée, incohérente, presque irréelle.

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L'ambiance est garantie par un bestiaire éclectique


Evidemment, des monstres horribles dignes de ce nom peuplent tout cet espace vacant. Si on ressent clairement l'inspiration des précédents jeux voire du film sur le design de certains monstres (les références à la mythologie Silent Hill sont nombreuses, et ce à tous les niveaux), de petits nouveaux viennent compléter un bestiaire globalement bien équilibré (à part les Smogs, vraiment laids). On y retrouve même, pour la première fois, quelques ennemis humains ! Chaque monstre devra de préférence être éradiqué avec une arme précise, sous peine de mettre plus de temps qu'il n'en faut pour en venir à bout. Mention spéciale aux différents boss, particulièrement massifs (la poupée de porcelaine est déjà une référence) et exigeants en termes de gameplay.

Très rigide (une constante dans la série), Alex se prête plutôt mal à ces joutes endiablées, souvent en espace réduit. C'est d'autant plus dommage que pour pallier cet éternel problème Double Helix a songé à introduire un système d'esquive, assez peu intuitif mais relativement efficace une fois maitrisé (et dans la mesure où la caméra, capricieuse, ne vient pas mettre son grain de sel). On sent qu'un certain soin est apporté aux affrontements, sans que l'on puisse être complètement convaincu par le résultat. Pour la première fois, les armes à feu (pistolet, fusil à pompe, fusil) s'offrent une vue épaule en guise de visée, sans que l'on soit non plus conquis par sa précision ou sa souplesse d'utilisation. Finalement, la fuite sera une solution à envisager sérieusement, celle-ci déséquilibrant néanmoins le jeu, facilitant les passages plus corsés de la deuxième partie (économie de soin et de munitions).

« Au fil de l'histoire, vos choix se révéleront de plus en plus lourds de sens et de résultat »

Outre ce système d'esquive perfectible, notons la possibilité nouvelle d'utiliser nos armes de courte portée (hache, couteau...) pour interagir avec le décor. Percer une toile ou détruire des planches bloquant un passage est désormais possible, permettant à chaque fois de découvrir de nouvelles parties des bâtiments préalablement visités, sans que les allers-retours ne soient trop nombreux ou gênants. On pourra également tenter de trouver tous les dessins et photographies disséminés dans le décor, apportant une touche de bizarre supplémentaire à un titre qui n'en manque pourtant pas. Quelques actions contextuelles (les fameuses QTE) viendront rythmer l'aventure, offrant quelques grands moments à l'intensité quasi-palpable. Jamais intrusifs, souvent bien pensés, ces QTE contribuent à rendre l'expérience encore plus intensive et immersive. Grande première pour un Silent Hill, Alex sera accompagné lors de certains passages par un autre personnage. Si Elle Holloway ne se révélera pas spécialement utile, le Shérif Wheeler pourra à l'occasion vous aider à vous débarrasser de façon efficace des envahisseurs en usant de son calibre. Pour finir avec les réelles nouveautés de cet épisode, évoquons les quelques dialogues interactifs, assez rares et plus ou moins intéressants. Au fil de l'histoire, vos choix se révéleront de plus en plus lourds de sens et de résultat, conditionnant même l'obtention d'une des cinq fins possibles prévues par le jeu.

Malgré ce lot d'innovations pour la plupart bien senties, on a parfois la désagréable (quoique passagère) sensation d'être en face d'un Silent Hill que l'on qualifierait de trop classique. Les développeurs de Double Helix, sans doute soucieux de ne pas dénaturer une série mythique dont ils ne sont pas à l'origine, semblent s'être parfois contentés d'appliquer une recette, au lieu de réellement faire fonctionner l'univers. Pour preuve, la présence du très charismatique Pyramid Head, complètement inutile d'un point de vue scénaristique mais sentant le fan-service exacerbé à plein nez. Ainsi, le jeu nous propose des mécaniques très classiques pour la série, de la fouille bête et méchante d'un bâtiment en passant par l'extermination (ou l'évitement) de quelques monstres pour finir par une grosse révélation, nous engageant vers le lieu suivant. Si la recherche et la découverte ne sont pas en cause - elles constituent d'ailleurs le nerf de la guerre de la série - le manque de folie et d'envolée de certains passages contraste avec la rapidité avec laquelle on enchaîne les évènements. Chacun appréciera ou non ce déroulement très rapide, voire très dirigiste. Si l'ambiance est bien posée dans les premières minutes de jeu, la routine s'installe vite, sans que l'on s'ennuie pour autant. Shepherd's Glen étant minuscule, il n'est plus question de se perdre ou de flâner dans les ruelles brumeuses. Le rythme est donc soutenu, laissant moins libre cours à l'errance physique comme psychique qui jadis contribuait à l'immersion totale et inconditionnelle dans cet univers complètement décalé, proche de la réalité, et pourtant si loin de toute logique.

« Dans Silent Hill Homecoming, le silence est utilisé pour vous cerner. »

Les premières images et vidéos nous avaient plus ou moins prévenus. Nous en avons la confirmation aujourd'hui : Silent Hill Homecoming accuse un retard technique inquiétant sur la concurrence. Malgré la possibilité d'interagir avec un certains nombres d'objets disposés négligemment dans les niveaux (merci Havok), difficile d'être ébloui par la réalisation globale de ce cinquième épisode. Les personnages sont globalement fades (à part Alex, manifestement plus travaillé), les textures simplistes et les bugs de collision nombreux. Même le brouillard, autrefois utilisé pour masquer les carences techniques du jeu, n'a plus la même consistance pesante. Comble de l'incompréhension, le jeu se permet de nombreuses chutes de frame rate lors des passages en extérieur ! D'un autre côté, les jeux de lumière, et plus globalement les contrastes, sont saisissants de réalismes. Double Helix l'a bien compris, usant et abusant des ombres et autres effets lumineux maintenant un niveau élevé de tension. Plus encore que dans les précédents, le silence est ici utilisé pour vous cerner. Les compositions musicales (signées par Akira Yamaoka, notre maitre à tous) se font rares, n'étant d'ailleurs pas toujours bien amenées, l'atmosphère sonore pesante étant garantie par l'absence de son identifiable, voire l'absence de son tout court. Aux bruits organiques succèdent les échos de vos mouvements, le tout offrant un résultat asphyxiant difficile à supporter. Sans être aussi brillant que dans les précédents volets, l'aspect sonore reste excellent. Et c'est bien le principal.

Conclusion

Reprenant la plupart des éléments chers à la série (film compris), Double Helix prend assez peu de risques avec ce Homecoming. Et ce n'est pas pour nous déplaire ! Globalement très réussi, il ne manque à ce cinquième opus qu'un enrobage technique moins désuet et une progression un poil moins redondante pour complètement convaincre. Plus tourné vers l'horreur que les précédents, son côté oppressant et sa vision délitée de la famille américaine (occidentale ?) en font une pierre non négligeable de plus à l'édifice Silent Hill. Double Helix prouve donc avec cet Homecoming sa capacité à faire du Silent Hill. Reste maintenant à confirmer avec un hypothétique nouvel opus, qui pourrait permettre au studio de sortir du carcan imposé par les joueurs, l'éditeur ou lui-même et de proposer une copie un peu plus personnelle.

Silent Hill Homecoming

6

Les plus

  • Éclairages bluffants
  • Scénario et personnages creusés
  • Des moments dantesques
  • Un silence bien bruyant !
  • Les QTE, bien implémentées

Les moins

  • Techniquement inabouti
  • Assez dirigiste
  • Combats peu précis et caméra capricieuse
  • Des nouveautés timides

0

Réalisation7

Prise en main6

Durée de vie7



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Maxence Jacquier
Par Maxence Jacquier

Pur produit de la dangereuse banlieue dijonnaise, Maxence est un sauvageon éduqué à l'AK47 et autres BFG 9000. Après de brillantes études de Counter Strike (seek 5on5 high pm fast nb), c'est dans l'équipe de Jeuxvideo.fr qu'il a trouvé le cadre parfait pour son langage fleuri et son skill d'huitre. Aussi à l'aise manette en mains que souris en paume, c'est encore sur un terrain de basket qu'il s'exprime avec le plus de discernement. Destiné à mourir jeune en raison de ses nombreux excès, Maxence collectionne secrètement les pingouins nains de Laponie. MP pour toute offre sérieuse.

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