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Les sous-traitants qui assurent le déploiement de la fibre optique pour le compte des opérateurs s'attirent les foudres de leurs prestataires, qui effectuent des blocus.

Pour des milliers de salariés qui œuvrent au déploiement de la fibre optique en France, la pilule du passage à la nouvelle année risque d'être difficile à avaler. Les prestataires de la société Sogetrel, entreprise sous-traitante historique de Free et de Bouygues Telecom, ont appris, entre Noël et le jour de l'An, que les contrats de sous-traitance avaient été négociés à la baisse, alors même que les prestataires ont du mal à finir les mois dans le vert. Ces derniers, qui travaillent dans l'ombre du grand public, ont décidé de se mettre en grève.

Des prestataires qui en viennent à avoir des charges supérieures à leurs revenus, perdant en rentabilité

C'est la chaîne YouTube « Les Fibreux », tenue par des spécialistes de la fibre optique, qui alerte sur cette face sombre de l'immense machine des télécoms et du déploiement des réseaux. Car si la France peut se targuer d'être l'une des championnes européennes du déploiement de la fibre optique, avec quelque 6 millions de nouveaux locaux rendus disponibles et éligibles au FttH entre octobre 2020 et septembre 2021, le tableau est loin d'être rose. En coulisses, les relations entre les opérateurs télécoms, les sous-traitants et leurs prestataires (qui « co-traitent », donc, avec les sous-traitants) sont loin d'être idylliques, comme nous l'apprenons dans la vidéo du collectif des Fibreux.

Sogetrel a mis au courant ses prestataires de changements tarifaires ces derniers jours, avec une entrée en vigueur dès le 1er janvier 2022. Et la renégociation à la baisse des tarifs va inévitablement mettre un peu plus dans la difficulté les prestataires.

L'un d'eux, qui emploie une quinzaine de salariés, explique même travailler en perdant de l'argent et considère, même s'il s'y refuse par respect pour ses collaborateurs, qu'il serait plus simple de les licencier. Il détaille par exemple que l'une de ses équipes a réalisé, il y a quelques jours, un chiffre d'affaires de 203,5 euros, alors même que son coût de revient est de 350 euros par jour travaillé. Cela représente, pour l'employeur, une perte de 150 euros par jour, pour une seule équipe. Et à cela, le dirigeant, qui a décidé de se joindre au blocus organisé en France, doit ajouter « le prix de l'entretien du camion, la VGP (une vérification légale de l'état de conservation des équipements de travail), l'amortissement du matériel, les consommables, les abonnements téléphoniques, les habilitations, les visites médicales, les EPI et tous les imprévus ».

Des sous-traitants qui se voient reprocher un timing dans la renégociation à la baisse du contrat qui les lie aux sous-traitants

Pour justifier la situation, l'entreprise sous-traitante Sogetrel explique que les opérateurs vont baisser les prix payés, et qu'elle n'a pas d'autre choix que de répercuter cette baisse sur le raccordement final, et donc sur ses co-traitants, qui en plus de la baisse des prix, se plaignent de pénalités imposées injustifiées s'intensifiant d'année en année. Mais les prestataires ne trouvent pas cela logique. Selon eux, tout s'est décidé trop rapidement, et il apparaît peu probable que les opérateurs aient prévenu à la dernière minute les sous-traitants d'une baisse du contrat qui les lie.

Des blocus ont donc été créés, et ce, à l'échelle nationale, de façon à dénoncer et contester cette renégociation soudaine, et à la baisse, des tarifs. Les prestataires avancent un certain nombre de revendications, comme la renégociation des prix des BPU (bordereaux des prix unitaires) et le remboursement des pénalités appliquées et non justifiées, ainsi que les retenues sur attachement, qu'ils jugent également « systématiques et non justifiées ». Ils demandent ainsi une amélioration des échanges entre la société Sogetrel et ses sous-traitants, de façon à éviter toute relation conflictuelle et mauvaise surprise, comme celle vécue ces derniers jours, qui plus est pendant les fêtes de fin d'année. « On ira jusqu'au bout », préviennent d'ores et déjà les prestataires.

Au début du mois de décembre, le secteur avait déjà éternué après les révélations de Scopelec, un sous-traitant comparable à Sogetrel, mais qui travaille de son côté avec Orange. L'opérateur historique aurait en effet menacé de ne pas renouveler le contrat avec l'entreprise (qui lui coûte 150 millions d'euros chaque année), qui emploie 1 900 personnes, puisqu'il lance un appel d'offres qui ne garantit pas que la société Scopelec récupérera deux des trois lots qu'elle détient actuellement. Les salariés de Scopelec pourraient néanmoins être réembauchés par une entreprise qui récupérerait alors le marché.