Avec son 840 Evo, Samsung améliore son 840 et sa mémoire TLC pour approcher les performances du 840 Pro. Un tour de magie que l'on doit à un firmware optimisé et une utilisation astucieuse de la mémoire flash, mais dont tous les SSD ne profiteront pas de la même manière.
En décembre dernier, nous testions le Samsung 840, premier SSD à embarquer de la mémoire TLC, pour Triple Layer Cell. Une mémoire en théorie moins endurante et moins performante en écriture qui aurait dû faire chuter le prix de ce SSD, puisque la TLC est moins chère à produire. Or, le 840 Series ne bénéficiait pas vraiment de cet atout à sa sortie, son prix restant élevé.
Car diminuer ses coûts, c'est bien, mais maintenir un prix de vente élevé, c'est mieux pour conserver des marges importantes. Ce que le constructeur a cherché à faire avec son 840, il tente de le faire en mieux avec le 840 Evo, dont les performances sont cette fois en accord avec le prix demandé. Suffisamment pour devenir un SSD plus intéressant que le très bon 840 Pro ou le SanDisk Ultra Plus ? La réponse dans ce test.
Mémoire TLC, rappels
Le Samsung 840 Evo est donc le second SSD de la marque à embarquer des puces mémoire de type TLC. Cette NAND flash se distingue par sa capacité à supporter jusqu'à 3 bits par cellule, là où la mémoire MLC (Multiple Layer Cell) n'en stocke que 2, et où la mémoire SLC (Single Layer Cell) n'en compte qu'un seul.Le choix d'une telle mémoire implique deux choses : d'une part, l'endurance des cellules est censée être réduite, puisque ces dernières sont utilisées de manière plus intensive. Par rapport aux puces de type SLC, le nombre de cycles d'écriture (durée de vie) est en théorie réduit d'un facteur de 133. En pratique, cette endurance moindre ne concernera que ceux qui utilisent leur SSD à la manière d'un serveur, c'est à dire avec un nombre très important d'écritures, avec un volume bien supérieur à 20 Go par jour.
Crédit : storage review
L'utilisation de mémoire TLC a une autre conséquence, plus gênante celle-ci : l'écriture de 3 bits sur une cellule prend davantage de temps que d'en écrire 2. Du coup, les performances en écriture sont moindres qu'avec des puces de type MLC, ou SLC. Un problème que Samsung a tenté de résoudre astucieusement.
Turbo Write, le nCache de Samsung
Lors de notre test du Sandisk Ultra Plus, nous avons découvert le principe de nCache. L'idée : sur ce SSD, une partie des cellules MLC du SSD sont utilisées comme des puces SLC, c'est-à-dire qu'un seul bit était écrit à la fois. Ces puces servent de cache, dont les performances étaient supérieures au « reste » du SSD. Une fois ce dernier revenu au repos, les données sont transférées sur les puces MLC.Samsung a repris à son compte cette technologie en la baptisant Turbo Write. Une technologie devant laquelle tous les SSD de la gamme 840 Evo ne sont pas égaux. En effet, si la taille du transfert dépasse la capacité allouée à ce mécanisme, les débits chutent de manière significative. Du coup, plus la quantité de mémoire TLC « convertie » en SLC est importante, plus les performances élevées sont maintenues au cours du transfert. Le tableau qui suit présente ces informations.
Modèle | 120 Go | 250 Go | 500 Go | 750 Go | 1 000 Go |
Quantité de cache | 3 Go | 3 Go | 6 Go | 9 Go | 12 Go |
Sur les capacités indiquées ci-dessus, Samsung annonce des débits qui n'ont rien à envier au 840 Pro. En revanche, dès que l'on sort de la zone de cache, les choses se compliquent, notamment au niveau du modèle 120 Go, dont le débit en écriture est particulièrement limité. C'est nettement moins vrai à partir de la version 500 Go du 840 Evo, dont le débit hors Turbo Write s'approche de 400 Mo/s.
Modèle | 120 Go | 250 Go | 500 Go | 750 Go | 1 000 Go |
Débit max en lecture (Mo/s) | 540 | 540 | 540 | 540 | 540 |
Débit max en écriture (Mo/s) | 410 | 520 | 520 | 520 | 520 |
Débit en écriture hors Turbo (Mo/s) | 130 | 270 | 380 | 410 | 410 |
IOPS en lecture (4 Ko, QD32) | 94 000 | 97 000 | 98 000 | 98 000 | 98 000 |
IOPS en écriture (4 Ko, QD32) | 35 000 | 66 000 | 90 000 | 90 000 | 90 000 |
RAPID, ou comment associer RAM et SSD
Outre le Turbo Write, qui constitue un palliatif aux faiblesses des puces TLC, Samsung a introduit une autre technologie avec son 840 Evo. Le mode RAPID (pour Real-time Accelerated Processing of I/O Data) est accessible via le toujours excellent Samsung Magician, dans sa version 4.2. Il utilise la mémoire vive disponible pour l'utiliser en tant que cache.L'algorithme qui régit ce cache prend en compte la fréquence d'accès à un fichier ou la dernière date de consultation pour optimiser la vitesse de lecture en fonction de votre utilisation. Cela ressemble finalement au SuperFetch de Windows, à ceci près que ce dernier se limite aux applications, alors que le mode RAPID prend également en compte les données.
Cette solution logicielle (l'activation de ce mode ajoute un pilote à votre système, pilote dont on ne sait pas s'il fonctionnera sous Windows 8.1), qui fonctionne sous Windows 7 et Windows 8, se limite à un quart de la mémoire disponible (pour ne pas diminuer les performances de votre machine), à hauteur de 1 Go maximum. Un paramètre impossible à modifier : dommage pour les possesseurs de configurations utilisant 8 Go de RAM, ou plus. Samsung promet néanmoins de faire évoluer cette limitation.
Ce mode RAPID n'est pour le moment compatible qu'avec le 840 Evo. Rien n'empêche toutefois en théorie Samsung de l'appliquer à ses autres SSD, 840 et 840 Pro : ce dernier devrait en être pourvu avant la fin de l'année. Côté performances, l'activation de ce mode améliore les performances du SSD de Samsung dans certains cas. Les fichiers de taille importante, par exemple, sont exclus de cette mise en cache et aucun gain ne pourra être perçu sur un simple transfert ou même l'ouverture d'un gros fichier sous Photoshop.
L'utilitaire de mesure de performances intégré au SSD Magician est particulièrement sensible au mode RAPID...
Le RAPID mode est également capable d'optimiser l'écriture. Un mécanisme qui n'est toutefois pas sans risque : utiliser la mémoire vive, volatile par essence, implique qu'une panne de courant ou qu'une défaillance de votre système ferait disparaître vos données. Ce risque reste limité (notamment par la restriction à 1 Go), mais il existe. Sachez par ailleurs que ce mode RAPID sollicite votre processeur davantage que lorsque ce mode est désactivé, même si la différence est faible. Enfin, ce dispositif n'est utilisable que sur un seul SSD au sein d'une même machine.
Voilà pour la théorie. En pratique, nous avons lancé deux de nos tests habituels avec et sans RAPID mode. Pour PCMark Vantage, qui combine différents scénarios d'usage du support de stockage, la fonctionnalité de Samsung est efficace : presque 50% de gain de performance. Le fait d'augmenter la fréquence de la mémoire vive (et donc la bande passante) de 1 333 MHz à 1 866 MHz a, du coup, un impact particulièrement important.
Score PCMark Vantage, HDD Suite | |||
RAPID Mode désactivé | RAPID Mode activé | Gain lié au mode RAPID | |
Mémoire vive @ 1 333 MHz | 50 827 | 74 302 | 46 % |
Mémoire vive @ 1 866 MHz | 62 904 | 99 133 | 58 % |
Pour ATTO, le schéma est plus complexe : selon la taille du fichier, c'est l'écriture ou la lecture qui est favorisée, parfois dans des proportions impressionnantes. En revanche, le RAPID mode semble avoir quelques effets collatéraux : les fichiers de plus de 2 Mo sont ainsi pénalisés, le débit en lecture étant bien moindre lorsque le mode RAPID est actif. De même, l'écriture des fichiers de 128 Ko est deux fois moins performante en mode RAPID. L'algorithme concocté par Samsung semble encore se chercher, car il est bien difficile ici de discerner un parti pris évident qui justifierait ces résultats.
Test sous ATTO sans, puis avec le RAPID Mode
840 Evo, des composants qui évoluent encore
Par rapport au 840 Pro, les composants du 840 Evo... évoluent en douceur. Le contrôleur reste un MDX qui associe 3 cœurs ARM de type Cortex-R4 gravés en 28 nm, mais leur fréquence passe de 300 à 400 MHz. Ce dernier prend en charge les commandes TRIM et le NCQ, et gère le chiffrement AES 256-bit, comme sur le 840 Pro (et contrairement au 840).De même, les puces NAND TLC (naturellement issues des usines du constructeur coréen) bénéficient d'une gravure 19 nm, contre 21 nm sur le 840. Elles restent interfacées via le Toggle-mode 2.0 cher à Samsung, capable de délivrer des débits grimpant jusqu'à 400 Mbps. La transition au 19 nm permet à Samsung de doubler la capacité de ses puces, qui passent de 64 Go chacune à 128 Go (sauf sur les versions 120 et 750 Go). Conséquence : Samsung commercialise pour la première fois un modèle de 1 To. Le Crucial m500 a désormais un concurrent.
Performances
Pour découvrir ce que le 840 Evo a dans le ventre, nous lui avons fait subir une batterie de tests. Samsung nous a fait parvenir deux modèles : la version 250 Go, et la version 1 To. Il sera intéressant de constater l'effet du Turbo Write sur ces deux modèles qui ne disposent pas de la même quantité de mémoire allouée à ce mécanisme.ATTO montre que les performances des deux versions (250 Go et 1 To) sont tout à fait similaires dès que la taille du fichier dépasse 4 Ko. Avant ce seuil, les performances du modèle 1 To sont assez nettement supérieures. Everest nous apprend quant à lui qu'en lecture séquentielle, les 840 Evo se placent parmi les meilleurs, même si le 840 Pro reste devant. En écriture, la différence entre les deux 840 Evo se fait sentir : quand le modèle 1 To soutient un débit proche des 400 Mo/s, la version 250 Go se contente d'un peu plus de 250 Mo/s. Sur les petits fichiers, les derniers SSD de Samsung sont par ailleurs un peu à la traîne.
En pratique, lors de nos tests de transferts (d'une taille de 2 Go, donc « compatible » avec le Turbo Write des deux SSD), les 840 Evo se comportent très bien sur les gros fichiers, notamment en écriture, alors que sur les petits fichiers, ils rentrent dans le rang. Les résultats en copie proche montrent toutefois les excellentes aptitudes du contrôleur de Samsung.
Le temps de lancement de Windows est un peu plus long que sur la plupart des autres SSD, alors que sous Photoshop, nos deux 840 Evo se comportent parfaitement. Pas de surprise sous Far Cry 2. Sous Winrar, les deux SSD réalisent le même score (moyen au demeurant), et prennent les deux dernières places sous PCMark 7, même si les scores sont particulièrement proches entre tous les concurrents.
Notre avis
Avec son 840 Evo, Samsung parvient à concilier utilisation de puces TLC (moins chères à produire) et performances intéressantes. Pour réaliser ce compromis gagnant, le constructeur a introduit une technologie déjà utilisée chez Sandisk et qui nous semble tout à fait pertinente. Elle offre des performances globalement satisfaisantes, même si le dispositif montre ses limites pour des fichiers de plus de 3 Go, du moins sur les versions 120 et 250 Go.
Ce Turbo Write fonctionne parfaitement et remplit une tâche à priori pas simple : faire en sorte que l'utilisation de la mémoire TLC passe inaperçue. Nous sommes en revanche plus dubitatifs sur le RAPID mode : les efforts de Samsung sont louables, mais les gains sont très variables en fonction des fichiers manipulés et l'algorithme conçu par Samsung mérite probablement amélioration.
Tout se joue donc sur le prix : fort de performances nettement améliorées par rapport au 840, Samsung en a-t-il profité pour augmenter ses prix, ou au contraire pour positionner son 840 Evo comme un incontournable du marché ? A 150 euros les 240 Go, le tarif des 840 Evo est comparable à celui des 840, alors que ces derniers sont moins performants et commercialisés depuis plusieurs mois. Mieux, il est très proche de celui du Sandisk Ultra Plus, l'un des meilleurs rapports performances / prix à l'heure actuelle. Samsung a donc fait un réel et appréciable effort et son 840 pourrait remporter un joli succès, aidé en cela par un logiciel particulièrement efficace et une garantie de 3 ans.