C’est un rituel qui a lieu tous les six mois environ avec la rotation des équipages. Les quatre astronautes de la mission Crew-8 sont arrivés la semaine dernière et sont prêts à prendre le relai. Et après les capsules américaines, ce sera au tour des russes d’ici la fin du mois. On en oublierait presque que c’est un métier de l’extrême !
Il y a 199 jours, les quatre membres d’équipage de la mission Crew-7 ont décollé depuis le Centre Spatial Kennedy en Floride. Grâce à leur fusée Falcon 9, ils ont atteint l’orbite avant de passer leurs premières heures en transit vers la Station Spatiale Internationale. L’équipage, qui comprenait l’américaine Jasmin Moghbeli, le russe Constantin Borisov, le japonais Satoshi Furukawa et l’astronaute danois de l’ESA Andreas Mogensen, s’est ensuite mis au travail pour plusieurs phases, rythmées par leurs expériences, l’arrivée et le départ de cargos qu’il a fallu décharger puis remplir, mais aussi deux sorties extravéhiculaires, la première côté russe, la seconde côté américain (avec une rare sortie 100% féminine). Ce 11 mars, l’aventure touche à sa fin, les quatre astronautes sont en route pour revenir se poser au large de la Floride avec leur capsule « Endurance », qui vole pour la troisième fois.
Six mois qui se terminent
Ce vol pourrait représenter une certaine routine. Le 12è pour une capsule Crew Dragon en cinq ans, et le deuxième, à durer aussi longtemps. Pour autant, c’est un ballet synchronisé que l’on doit à la fois à SpaceX qui fournit la capsule (puis n’a plus grand chose à faire durant six mois à part des vérifications), à la NASA ainsi qu’aux planificateurs internationaux de l’ISS, et bien sûr aux astronautes eux-mêmes. Et c’est aussi une période de six mois, qui passe en un clin d’oeil et pour laquelle ils se sont entrainés parfois une décennie. Andreas Mogensen, qui est astronaute de l’ESA depuis 2009 et n’était allé sur l’ISS que pour une courte durée de 2 semaines en 2015, l’expliquait très bien quelques jours avant de laisser la clé de la station qu’il avait commandé durant six mois. « C’est un rêve devenu réalité. Où j’ai pu vivre et travailler durant ces six mois, avec des expériences scientifiques du Danemark, de l’Europe et du reste du monde, sur notre système immunitaire, la filtration de l’eau ou la qualité de notre sommeil ».
De la chance ou... ?
Néanmoins, Andreas Mogensen, malgré la chance (et le talent) qu’il a eu pour commander la station, n’a finalement pas eu l’honneur de réaliser une sortie extravéhiculaire. Ce dernier s’était entrainé pour, et il devait d’ailleurs réaliser son EVA avec Loral O’Hara, mais le calendrier fut bouleversé cet automne par la fuite de refroidissant sur le module russe Nauka et les questions de sécurité qu’elle a engendrées. Par la suite, un calendrier modifié n’a plus permis au danois d’enfiler sa combinaison pour sortir... D’autres travaux, c’est toujours le cas, seront menés par les prochains occupants de la station, qui ont commencé leur propre rotation de six mois la semaine dernière le 4 mars. C’est notamment le cas pour l’imprimante 3D métallique européenne, pour laquelle une équipe française au CADMOS (CNES - Toulouse) est mobilisée : A. Mogensen l’a bien installée, elle et ses 180 kg dans le module européen Columbus, mais elle sera activée pour la première fois juste après son départ.
Un départ, une arrivée
L’équipage de Crew-7 a donc quitté la station ce lundi 11 mars. Ils ont pour cela attendu l’arrivée de leurs remplaçants, également au nombre de 4 et arrivés avec la capsule Endeavour en début de semaine dernière. Le nouvel équipage est moins cosmopolite, avec 3 américains (Matthew Dominick, Michael Barratt et Jeanette Epps) et le russe Alexander Grebenkin, mais c’est la logique des investissements des différentes agences au sein du projet ISS sur son ensemble, ainsi que des accords américano-russes pour assurer une présence constante des deux nations au sein de la station (même au cas où l’un des deux véhicules, Crew Dragon ou Soyouz, aurait un problème). Après leur arrivée, leur acclimatation à l’impesanteur s’est doublée d’une semaine pour tout comprendre... Car l’ISS, ce n’est pas exactement comme les simulations sur Terre, il y a presque 25 ans de vie accumulée là-haut : quelques sacs mal répertoriés, des choses qui ont changé de place ces dernières semaines, des équipements en plus, et d’autres qui ne sont pas à leur place. Ainsi pour les trois astronautes « rookies » qui volent pour la première fois, c’était la semaine idéale pour poser toutes les questions. Dès ce lundi soir, ils sont seuls (il y a évidemment leurs 3 collègues de la capsule Soyouz).
Amerrissage au petit matin
Alors que l’équipage de Crew-7 va amerrir dans la nuit de lundi à mardi (fin de matinée en France), le navire de récupération est déjà sur zone au moment du désamarrage. Un retour mobilise beaucoup de personnel. A Houston (NASA) et Hawthorne (SpaceX) évidemment, mais aussi sur le bateau avec une grosse équipe de manoeuvre, plusieurs petites embarcations type Zodiac, deux hélicoptères, des moyens de suivi radar et optique thermique, et des équipes médicales qui vont intervenir dès l’ouverture de la capsule. Car non seulement il faut démarrer la réadaptation à la pesanteur, mais il faut aussi protéger les astronautes qui ont passé 6 mois dans l’environnement le plus stérile possible contre les germes et maladies. Pour Andreas Mogensen, après quelques minutes sur le navire de récupération, il y aura le trajet en hélicoptère jusqu’en Floride, puis immédiatement un long retour en jet avec assistance médicale jusqu’à Cologne. Pas question de retourner au Danemark tout de suite : il lui faudra environ 2 mois (évidemment, il n’est pas en prison...) pour se remettre physiquement des effets principaux de sa mission nommée Huginn.
Du côté russe, des échanges particuliers
Pour l’échange d’équipage de la capsule Soyouz, c’est un peu plus compliqué. La prochaine à décoller partira de Baïkonour (les astronautes y sont déjà pour leur entrainement final) le 21 mars. Mais à bord de Soyouz 25, avec Oleg Novitsky et Tracy Caldwell Dyson, il y aura la biélorusse Marina Vasilevskaya. Cette dernière est la première astronaute de son pays, et elle doit son vol court à un accord entre l’état russe et la Biélorussie. Il ne s’agit pas d’une mission longue mais d’une visite : M. Vasilevskaya retournera sur Terre quelques jours plus tard avec Soyouz MS-24, Oleg Novitsky et un seul de ses trois occupants originaux (l’américaine Loral O’Hara). Les russes Oleg Kononenko et Nicolai Chub restent pour leur part sur l’ISS, ils n’ont pour l’instant complété que la première moitié de leur mission d’un an.
Quant à leurs activités, elles ne vont pas manquer. Recherche sur les maladies neurodégénératives, étude comparée du stress de plantes productrices en impesanteur pour comprendre leurs limites, nouveaux tests de textiles pour éviter l’afflux sanguin aux extrémités en impesanteur, production et étude de micro-algues (spiruline)... Le tout dans la même journée ou presque ! Des sorties extravéhiculaires sont attendues fin avril et début mai, en fonction du moment de l’arrivée de la très attendue nouvelle capsule habitée, Starliner.
Source : AmericaSpace