Le conseil d'administration d'Engie a mis du temps à livrer sa réponse à Veolia, mercredi, qui avait le matin même revu son offre initiale à la faveur cette fois des deux groupes.
C'est une partie hautement sensible qui se joue entre trois mastodontes français de l'énergie, Veolia, Suez et Engie. Le 30 août 2020, le premier cité avait déposé une offre de rachat des parts que détient Engie chez Suez dans l'optique, à terme, de créer ce que Veolia appelle le « champion mondial français de la transformation écologique ». Jusqu'au mercredi 30 septembre, Suez ne voulait pas entendre parler de cette opération, la jugeant inamicale. Si son discours ne change pas, Engie a par ailleurs accueilli « favorablement » l'offre révisée de Veolia.
Veolia promet une offre amicale
Mercredi matin, le groupe Veolia (ex-Générale des eaux), conscient que son offre initiale n'était peut-être pas à la hauteur d'une telle opération, avait décidé de la customiser en prenant par exemple l'engagement de maintenir la totalité des emplois salariés de Suez en France, préservant ainsi les avantages sociaux, individuels et collectifs des collaborateurs.
Si Veolia s'empare des 29,9% du capital de Suez détenus par Engie, l'entreprise a indiqué mercredi son intention de ne déposer « une offre publique portant sur 70,1% du capital de Suez qu'à la condition qu'elle soit amicale », répondant ainsi directement au groupe ciblé, qui accusait justement Veolia d'une tentative inamicale et hostile. Le groupe va même plus loin et promet de ne déposer une offre publique qu'à la condition que la démarche soit approuvée par le conseil d'administration de Suez, et d'offrir une période de négociations de six mois à la firme, pour poser les bases d'un accord sain. Dans cette hypothèse, des membres exécutifs de Suez intégreraient la direction du potentiel futur champion de la transformation écologique.
Dans sa nouvelle offre, Veolia a aussi revu sa proposition d'acquisition à la hausse en promettant à Engie un prix de 18 euros par action, portant ainsi son montant de 2,9 à 3,4 milliards d'euros.
Engie est prêt à céder sa participation, mais veut que Veolia reste convenable
La nouvelle offre de Veolia est-elle suffisamment convaincante aux yeux d'Engie ? L'industriel énergétique lui a livré une réponse en forme de porte entrouverte qu'il ne resterait plus qu'à pousser un tantinet pour avoir la place de passer. Mercredi soir, Engie a annoncé avoir « accueilli favorablement les engagements supplémentaires pris par Veolia, concernant son projet industriel et plus particulièrement les garanties apportées sur le plan social, et le prix proposé ».
Le conseil d'administration d'Engie estime donc que cette offre remodelée est conforme à ses attentes, à tous les niveaux. Mais l'offre de Veolia expirant le mercredi 30 septembre à minuit, Engie a demandé un délai supplémentaire de validité de l'offre jusqu'au 5 octobre, comme le réclamait le ministre de l'Économie, Bruno Le Maire. Engie souhaite en effet que le géant de la collecte et du recyclage « formalise son engagement inconditionnel de ne pas lancer d'offre publique d'achat qui ne soit pas amicale ». Sur ce point-là, les deux groupes se retrouvent aussi. Mais on ne voit clairement pas les choses de la même manière du côté de Suez.
Des garanties d'emploi « en trompe-l'œil » pour Suez
Dans la foulée de l'offre déposée par Veolia, à la fin du mois d'août, Suez n'avait pas tardé à réagir en la rejetant, au nom de son indépendance. Le groupe est on ne peut plus catégorique et indique être prêt à mettre « tous les moyens à sa disposition pour éviter une prise de contrôle rampante ou un contrôle de fait, par son principal concurrent ».
Outre la volonté de protéger son indépendance et ses actionnaires, Suez pense à ses salariés, et évoque des garanties d'emploi « en trompe-l'œil » venant de Veolia. Ex-Lyonnaise des eaux, Suez fait valoir le fait qu'un rachat hypothétique par Véolia équivaudrait à une entorse à la concurrence, dans le sens où celle-ci est aujourd'hui assurée par deux leaders mondiaux. Le conseil d'administration Suez appelle celui d'Engie ainsi que ses actionnaires à « ne pas décider de l'avenir de Suez dans les conditions et le calendrier dictés par Veolia ».
Qu'en pense-t-on chez Clubic ?
La sortie d'Engie ne fait malheureusement pas les affaires de Suez. En ouvrant clairement la porte à un rachat des parts, elle vient même accentuer la pression sur le groupe de gestion de l'eau et des déchets, qui a bien tenté de balancer un obstacle dans les pattes de Veolia en créant une fondation de droit néerlandais censée protéger son activité Eau dans l'Hexagone. Cette fondation, le ministère essaie tant bien que mal de pousser Suez à y renoncer, et à ouvrir le dialogue. En échange, Veolia propose six mois de négociations pour une transition réfléchie et courtoise. Un minimum courtoise.
Pour schématiser ce qui se passe entre ces grands industriels français (et qui ne les honore pas vraiment sur le plan communicationnel), Veolia et Suez se trouvent chacun à un extrême, en étant tous deux opposés dans leur démarche. Le troisième larron, Engie, essaie d'arbitrer en douceur, sachant que désormais il aura du mal à refuser la proposition rehaussée de Veolia. Le groupe Suez se retrouverait ainsi définitivement seul contre tous.
Source : communiqués de presse