Dans son plan d'objectifs à moyen terme pour les années d'avril 2010 à mars 2013 présenté vendredi, Panasonic, qui vient de prendre le contrôle de son compatriote Sanyo, met l'accent sur six grands domaines d'activité clefs: dispositifs d'énergie, appareils audiovisuels et de réseau, systèmes d'air conditionné, matériels et services de santé, moyens de sécurité et enfin diodes électroluminescentes (LED).
Ces six axes prioritaires doivent porter l'essentiel (80%) de la croissance escomptée du groupe en trois ans. Parmi eux figurent en tête les "systèmes d'énergie", dont le chiffre d'affaires devrait s'élever de 16% en rythme annuel dans les trois prochaines années pour atteindre 850 milliards de yens (7 milliards d'euros) en 2012-2013, avant de s'envoler à quelque 3.000 milliards de yens vers 2018.
Les panneaux solaires et batteries lithium-ion sont censés être le moteur de cet essor. "Nous voulons vendre l'équivalent de 900 mégawatts en cellules photovoltaïques dans le monde au cours de l'année 2012-2013 et ainsi être le numéro un au Japon", a expliqué Panasonic dans la présentation du plan. Panasonic mise sur l'apport de Sanyo, un des grands acteurs japonais de l'énergie solaire aux côtés de Sharp, Kyocera et Mitsubishi Electric. Sanyo, éclaireur du secteur depuis des décennies, maîtrise des technologies photovoltaïques cruciales, dont certaines cellules, baptisées HIT et développées en interne, affichent les rendements les plus élevés aujourd'hui possibles, aux dires du fabricant.
Parallèlement, Panasonic (Sanyo compris) compte valoriser ses savoir-faire de pointe dans le domaine des batteries lithium-ion, pour maintenir sa place de numéro un mondial du secteur, en termes de part de marché. En 2012-2013, son activité d'accumulateurs de ce type devrait totaliser un chiffre d'affaires de 500 milliards de yens (4,2 milliards d'euros).
Les cinq autres domaines prioritaires sont également censés afficher des croissances annuelles importantes, de 10% pour les produits audiovisuels et de réseau, de 7,4% pour les systèmes d'air conditionné. Les premiers devraient ainsi totaliser un chiffre d'affaires de 2.150 milliards de yens en 2012-2013. Panasonic compte alors produire quelque 30 millions de téléviseurs (cristaux liquides -LCD- et plasma), contre 15,8 millions d'unités l'an passé. Environ 11 millions seront destinés aux clients des pays émergents (Chine, Inde, Russie, Brésil, etc.) vers lesquels Panasonic se tourne, du fait du potentiel qu'ils représentent. Le groupe est également optimiste quant au destin des modèles affichant des images en trois dimensions (3D). Il vient de lancer ses premiers exemplaires de ce type, à technologie plasma, écrans qui nécessitent des lunettes pour voir les images en relief.
Quant aux trois activités-clefs restantes (santé, sécurité, LED), elles devraient totaliser un chiffre d'affaires d'environ 540 milliards de yens (plus de 4 milliards d'euros) en 2012-2013 et quasiment le double trois ans plus tard.
Au final, Panasonic, qui compte plusieurs autres domaines de compétences, escompte un chiffre d'affaires consolidé de 10.000 milliards de yens (83 milliards d'euros) en 2012-2013 , soit 33% de plus que l'an passé, avant la prise en compte intégrale des ventes imputables à Sanyo.
Sans transition: affaire Fujitsu (suite)
Il y a quelque temps, nous vous avons conté les bisbilles aux relents mafieux au sein du groupe de matériels et services informatiques Fujitsu, affaire digne d'une série TV. Résumé: la direction de Fujitsu accuse un de ses anciens patrons, poussé à la démission, d'avoir eu parmi ses relations un responsable de fonds d'investissement de très mauvaise réputation (lié à la pègre). Le feuilleton n'est pas fini. L'ex-patron du groupe s'est dit récemment victime d'une machination et d'un montage visant à monnayer son silence, dont le point d'orgue se situe le jour où il a accepté de partir.
Le 25 septembre dernier à l'aube, lors d'une réunion à huis clos, des membres du conseil d'administration de Fujitsu avaient délibérément forcé leur PDG exécutif, Kuniaki Nozoe, à apposer son paraphe sur une lettre pré-rédigée de renonciation à ses fonctions. Comme le prouve l'enregistrement de cette séance, que nous ont fait écouter les avocats de M. Nozoe, ils lui avaient fermement proposé d'abandonner ses attributions pour fausses causes médicales.
L'enregistrement est très étonnant. On y entend les administrateurs de Fujitsu demander à M. Nozoe de signer sa démission en lui disant: "si tu acceptes de partir, nous dirons à l'extérieur que tu renonces à ton poste pour raisons de santé, mais nous ne donnerons aucun détail sur la maladie, ni aucun contact hospitalier. Il serait bien que tu sois effectivement hospitalisé. Peut-être serait-il même mieux que tu t'éloignes un certain temps de Tokyo, et même du Japon. Les médias risquent en effet de camper à ta porte. De plus toi-même et ton entourage peuvent être en danger, compte-tenu des liens du responsable du fonds avec des organisations "antisociales" (crapuleuses)."
Et les mêmes de poursuivre: "si tu ne nous remets pas ta démission, nous allons te révoquer en conseil d'administration tout-à-l'heure, auquel cas nous serons obligés d'en révéler à l'extérieur les vraies raisons, à savoir tes mauvaises fréquentations. Il serait sans doute mieux d'éviter que ton nom ne soit déshonoré. Cela risquerait de faire de la peine à ta famille. Il est possible que tu aies fait confiance à ton insu à une personne liée à des organisations antisociales, mais cela pose un problème compte tenu de ta fonction à la tête de Fujitsu. Ta reponsabilité vis-à-vis de l'entreprise n'est-elle pas de démissionner ici et maintenant?"
M. Nozoe s'est alors vu offrir une fonction fictive de conseiller spécial pour dix ans, avec une rétribution évaluée à 270 millions de yens (2,05 millions d'euros), somme assortie de maintes conditions, dont l'interdiction de parler aux journalistes ou de porter plainte dans le cadre de cette affaire.
Fujitsu reconnaît à présent avoir enjoint M. Nozoe de partir à cause de ses liens supposés avec un personnage douteux, mais les dirigeants du groupe prétendent qu'ils l'avaient mis en garde, dès le mois de février 2009, sur les risques encourus par l'entreprise à cause de ses relations avec le responsable d'un fonds financier sulfureux.
M. Nozoe ne dément pas avoir été proche d'un responsable de fonds, dans le cadre d'un projet de vente d'une filiale de Fujitsu, mais il nie avoir été informé par les administrateurs de Fujitsu des hypothétiques liens de cette personne avec des organisations "anti-sociales", euphémisme qui désigne généralement les groupes mafieux. Il réfute en outre avoir tenté par quelque moyen que ce soit de flouer son entreprise ou avoir livré à son interlocuteur des informations internes confidentielles. "J'ai signé la lettre de démission en pensant que je pourrais continuer de travailler, fût-ce à une autre fonction", a avoué M. Nozoe. Ce dernier et ses avocats se demandent à présent s'il n'a pas finalement été victime d'une machination et si les dédommagements "exorbitants" qui lui ont été proposés pour qu'il jette l'éponge ne servent pas tout bonnement à monnayer son silence. Ils réclament la constitutions d'une commission d'enquête indépendante, tout en déplorant que Fujitsu n'ait pas daigné répondre à une liste de question avant la date-butoir fixée, à savoir le 6 mai.
Les dirigeants de Fujitsu avaient pour leur part publiquement réitéré les accusations de mauvaises relations à l'encontre de leur ancien PDG, sans nommer les personnes qu'ils lui reprochaient de fréquenter. Toutefois, le lendemain, le fonds d'investissement visé par Fujitsu, Sandringham Private Value Japan, a porté plainte, révélant ainsi son identité. Il s'agit d'une émanation de Sandringham Capital Partners Limited, société financière créée par un Japonais et basée à Londres.