Quant à l'électrolyte liquide, n'en parlons pas, puisqu'il n'y en a plus, il est allé couler dieu sait où, une vidange brutale qui a fait perdre 5 kilogrammes à ladite batterie. Pendant qu'elle surchauffait, les passagers, eux, avaient des sueurs froides et le pilote le sang froid qu'il fallut pour poser l'avion sans dommages à Takamatsu où tous ont été évacués par les toboggans (voir manga). Le pilote venait de voir sur son tableau de bord s'allumer successivement trois alarmes: la première a signalé une détection de fumée dans le compartiment électrique avant (là où se trouvait la batterie incriminée), la deuxième indiquait une chute de tension de la batterie et la troisième une anomalie de recharge.
Les autorités japonaises et américaines ont commencé ce samedi 19 d'analyser le contenu de la boîte noire du Boeing 787 en question, enregistreur de bord qui doit permettre de reconstituer le fil des événements techniques survenus lors de ce vol. Les enquêteurs avaient déjà compris vendredi, en l'ouvrant, que la batterie avait subi une surchauffe extrême, due à une anomalie électrique.
Toutefois, la raison de cet incident qui aurait pu tourner au drame demeure encore inconnue, notamment le fait de savoir si le problème provient de la batterie elle-même (fabriquée par la société nippone GS Yuasa), du système électrique dans laquelle elle est intégrée (conçu par le groupe français Thales) ou d'un autre endroit. La boîte noire a été rapportée à Tokyo par les autorités nippones. L'incident de mercredi était le deuxième grave sur une batterie lithium-ion de 787 en moins de deux semaines. Le même type de batterie avait également été victime d'un incendie (qu'il a fallu 50 minutes pour maîtriser) sur un Boeing 787 de Japan Airlines (JAL) qui venait d'atterrir à Boston. Ces deux pépins ont conduit les autorités américaines et des autres régions concernées à demander que les 50 Boeing 787 jusqu'à présent livrés à huit compagnies dans le monde restent au sol en attendant que la sécurité de leurs batteries soit garantie.
Boeing a ensuite décidé de suspendre les livraisons desdits Boeing 787, aussi appelés Dreamliner, en attendant l'issue des enquêtes en cours lancées par les autorités américaines et japonaises.
C'est la première fois que des batteries lithium-ion sont utilisées dans des avions de ligne. Il y en a deux dans chaque Boeing 787. C'est qu'ils présentent beaucoup d'avantages techniques ces accumulateurs électrochimiques rechargeables à base de lithium sous une forme ionique. Ils ont une densité électrique élevée et une longue durée de vie. Ils n'ont pas « d'effet mémoire », c'est-à-dire qu'ils ne perdent pas rapidement et irréversiblement leur pleine capacité de recharge si on ne les utilise qu'à moitié ou les recharge avant qu'elle ne soit "vides".
Ces batteries rechargeables sont en outre moins encombrantes et plus légères que des modèles de même capacité d'un autre type (nickel-cadmium ou nickel-metal par exemple) Elles se rechargent aussi plus vite.
Mais elles ont aussi pas mal d'inconvénients. Elles sont plus coûteuses que les modèles antérieurs nickel-cadmium et nickel-métal. Elles sont en outre très sensibles à l'environnement dans lequel elles sont intégrées et peuvent surchauffer en cas de câblage défectueux, surcharge électrique, mauvaise ventilation, etc. Le cas échéant, peuvent se produire des fuites d'électrolytes inflammables, des émanations de chaleur et de la fumée, exactement ce qui est arrivé sur les Boeing 787.
Selon Tatsuo Nishina, un spécialiste des batteries de l'université de Yamagata au Japon, et d'autres experts, le changement de couleur du boîtier également constaté et la fuite de liquide ont pu être causés par un défaut intrinsèque à la batterie, ou bien en raison d'un problème lié au système électrique auquel elle est raccordée. « Si les gens qui ont conçu l'ensemble dans lequel est intégrée la batterie ne connaissent pas le mécanisme de ces modèles lithium-ion, cela peut entraîner des anomalies », souligne-t-il, précisant toutefois qu'il faut étudier de près le dispositif et la batterie pour pouvoir se prononcer.
De fait, les enquête en cours, conduites par les autorités américaines et japonaises portent non seulement sur la batterie, mais aussi sur le dispositif dans lequel elle est intégrée.
Du coup, cela n'est pas simple: « il nous est impossible de prédire à ce stade combien de temps prendra l'enquête, que ce soit en jours ou semaines, car il faut étudier tout le système », nous a expliqué une porte-parole de GS Yuasa société japonaise qui fabrique la batterie incriminée. Et la même de préciser: « GS Yuasa ne fournit pas directement les batteries à Boeing, mais les livre au groupe français Thales qui les assemble dans un ensemble de conversion électrique ».
GS Yuasa n'est pas connue du grand public et cette entreprise a moins de dix ans. Mais ses racines et sa spécialisation dans les différents types de batteries remontent bien plus loin, il y a un siècle, dans deux entreprises dont l'une, GS, fabriquait des batteries pour voitures et bateaux, et l'autre, Yuasa, des batteries et piles diverses. Accumulant les décennies et l'expérience, GS a conçu sa première batterie lithium-ion en 1993. Les deux sociétés GS et Yuasa ont fusionné en 2004 pour former GS Yuasa. Cette firme fournit aussi des batteries lithium-ion pour les automobiles hybrides Honda (vendues par centaines de milliers) et les voitures électriques de Mitsubishi Motors (qui produit aussi celles vendues par Peugeot Citroën en Europe).
Premiers au monde dans ce domaine, les Japonais savent cependant mieux que tout le monde que les batteries lithium-ion sont un équipement qui exige des précautions extrêmes, tant lors de la production que durant l'assemblage et l'usage. Souvenez-vous, en 2006, Sony (un des grands fabricants nippons de batteries lithium-ion avec Panasonic-Sanyo) a dû rappeler des millions de batteries d'ordinateurs notamment fournies aux groupes américains Apple et Dell, a cause d'un vice de fabrication. Des particules étrangères s'étaient infiltrées à l'intérieur causant un risque d'incendie.
En 2007, c'est le groupe finlandais Nokia qui lançait un avertissement concernant 46 millions de batteries lithium-ion potentiellement défectueuses dans ses téléphones cellulaires. Ces accumulateurs, fabriqués par la firme japonaise Matsushita (aujourd'hui Panasonic) entre décembre 2005 et novembre 2006 risquaient de surchauffer.
Il n'est en outre pas rare que des batteries aient un dangereux coup de chaleur lorsque des téléphones portables sont mis en charge alors qu'ils sont emmitouflés dans une housse. Même en hiver, un keitai (mobile) n'est pas censé servir de kairo (populaire chaufferettes de main)!