Horreur ! La taxe japonaise sur la consommation (équivalent de la TVA française) va augmenter de 3 points de pourcentage pour atteindre 8% à partir du 1er avril. Un produit qui coûtait 105 yens TTC va coûter 108 yens. Les Japonais, dont le rapport à l'argent pourrait à lui seul donner lieu à un livre, se précipitent donc dans les boutiques pour faire le plein d'électronique et électroménager avant la date fatidique.
Dans le magasin Labi (Yamada Denki) du quartier Oimachi à Tokyo, ce samedi 29 mars 2014 n'est pas un samedi comme les autres: c'est le dernier avant que la surnommée "shohizei" (taxe sur la consommation) ne passe à 8%. Même à ce niveau, cela reste moins de la moitié du taux français, mais pour les Japonais, c'est beaucoup trop, et ce même si le gouvernement affirme que c'est un mal nécessaire pour sauver les finances d'un pays endetté jusqu'au cou et dont le système de prestations sociales est à bout de souffle.C'est que les consommateurs craignent que leur pouvoir d'achat n'en soit réduit d'autant si les salaires n'augmentent pas pour compenser.
Alors, tant qu'à faire, ils profitent des derniers jours à 5% pour remplacer tout ce qui aurait de toute façon dû l'être à court ou moyenne terme, d'autant que les commerçants ne sont pas les derniers à les y inciter.
Et on voit ainsi des dizaines de couples qui hésitent devant des réfrigérateurs, des lave-linge, des ordinateurs, etc. Même le mangaka nippon J.P. Nishi, qui n'est pourtant pas un gros dépensier, tant s'en faut, a décidé d'acheter un Mac supplémentaire pour la finition de ses mangas (le 4e ordinateur de l'atelier) avant que la taxe ne rende ces produits plus chers. Il en avait besoin, l'achat est justifié, mais ce n'est pas le cas pour tous ceux que l'on croise dans les boutiques. Une femme témoignait récemment avoir acheté pour plus de 200.000 yens de produits (environ 1.430 euros) et avoir fait ainsi une économie de quelques dizaines d'euros.Economie ? C'est vite dit ou plutôt c'est même le contraire pour qui finit par acheter des objets en doubles ou inutiles ! Et même si traditionnellement le mois de mars est celui des achats massifs d'électroménager avant le début d'une nouvelle année budgétaire et scolaire, cette fois c'est plus que d'habitude comme en attestent les chiffres de ventes en comparaison annuelle (c'est-à-dire par rapport au même mois de l'année précédente) donnés par les enseignes elles-mêmes.
Les fabricants et commerçants savent certes que les calculs des clients qui achètent avant le 1er avril ne sont pas nécessairement les plus astucieux, mais cela ne les empêche pas de les encourager à franchir le Rubicon avant pour mieux pouvoir leur dire après qu'ils auraient peut-être dû attendre.
En effet, comme nous l'expliquait récemment le patron de Sharp, les fabricants savent très bien qu'après le 1er avril, les acheteurs vont se faire rares, du moins pendant quelques semaines. Or, le but pour eux est que ce trou d'air dure le moins de temps possible. Et quelle est donc leur stratégie pour ce faire ? Eh bien ils vont attendre au-delà du 1er avril pour proposer des nouveautés qui relègueront loin derrière les modèles plus anciens. "Nous allons sortir après le 1er avril des produits aux fonctions inédites", assurait-il.
Du coup, les clients qui s'étaient précipités avant risquent de le regretter amèrement, d'autant que du fait de l'arrivée de nouveautés, les anciens produits ont toutes chances d'être bradés et, de ce fait, malgré une TVA à 8%, d'être moins chers qu'avant la hausse. Ce n'est qu'une hyporthèse, mais la probabilité qu'elle se révèle juste est élevée, connaissant la stratégie commerciale des grandes enseignes d'électronique.
Par ailleurs, le chaland doit s'attendre à quelques ruses et trompe-l'oeil. Comme le taux de 8% va être un chiffre bien ancré dans toutes les têtes, certains vont en profiter pour carrément augmenter leurs prix de ... 8%, alors qu'il faudrait les élever pour être juste de seulement 2,86 ou 2,87%. Et que diront ceux qui oseront cela ? Eh bien qu'ils ne roulent personne, parce qu'avant l'augmentation, ils n'appliquaient pas la taxe de 5%. Ben voyons ! Et le fisc ne leur disait donc rien ?
D'autres, dont l'enseigne d'électronique Labi citée plus haut, n'afficheront plus en gros les prix "toutes taxes comprises" (TTC) mais les prix hors-taxes (HT), de sorte qu'à première vue, le client aura plutôt le sentiment agréable que les prix ont baissé après le passage de la taxe à 8%. Le prix TTC figurera plus bas, en petits caractères.
Ceci dit, à leur décharge, il ne faut pas oublier que, dans ces enseignes Labi, Bic Camera ou Yodobashi Camera, les prix sont généralement non seulement souvent moins élevés qu'ailleurs, mais en plus on bénéficie de points qui se transforment en à-valoir sur l'achat suivant, et le pourcentage de points octroyés dépasse largement la hausse de la TVA, puisqu'il peut aller jusqu'à 15 voire 20%. L'ordiateur acheté par JP Nishi lui a certes coûté 200 000 yens, mais il a reçu la bagatelle de 26 000 points (13% du prix) qui équivalent donc à 26 000 yens (186 euros) à utiliser par exemple pour payer tout ou partie d'un scanner ou d'une imprimante.
A noter pour finir que si le Premier ministre est courageux, il décidera en outre de passer cette même taxe à 10% en octobre 2015 comme le prévoit une loi votée mi-2012.
