Live Japon: niconico, Kadokawa, internet, médiamix, Cool Japan

Karyn Poupée
Publié le 17 mai 2014 à 19h51
Le site internet qui fait sans doute le plus parler de lui au Japon, niconico (ou Nico Nico Douga), avec ses près de 40 millions de souscripteurs, a annoncé cette semaine son entrée dans le groupe Kadokawa, un champion du "mediamix" qui se veut aussi un fer de lance de l'offensive internationale de promotion des contenus nippons "Cool Japan". Le mariage Kadokawa/niconico (après celui du patron de niconico avec une fonctionnaire chargée de cette politique Cool Japan) , c'est aussi la réunion de deux générations représentées par leurs patrons respectifs: Tsuguhiko Kadokawa (70 ans) et Nobuo Kawakami (45 ans). C'est le patriarche pourtant qui parle de "génie" pour qualifier son cadet.

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"niconico": Live Japon a déjà longuement évoqué cette plate-forme japonaise de partage de vidéos, un lieu incontournable dans la sphère internet japonaise. Il diffuse aussi bien des vidéos d'amateurs, des fictions et émissions musicales et sportives que des programmes sérieux comme les sessions parlementaires, les points de presse des membres du gouvernement ou encore les conférences de grands patrons ou autres personnalités sur des sujets d'actualité très divers. L'auteur de ces lignes, qui est aussi correspondante permanente de l'Agence France-Presse (AFP) à Tokyo depuis 10 ans, est comme tous ses collègues nippophones une utilisatrice assidue de niconico qui permet d'assister sans se déplacer aux conférences de presse biquotidiennes du Secrétaire général du gouvernement ou à celles, plus rares, du Premier ministre. Niconico a aussi des journalistes qui se font fort de représenter les internautes à ces conférences de presse et de poser des questions le plus souvent très pertinentes.

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La particularité de niconico est en outre de laisser les internautes commenter les vidéos en faisant défiler leurs messages directement par dessus les images vidéo vues par tous les autres. Ce mode plaît beaucoup aux jeunes Nippons et à certains fans étrangers de la culture populaire du Japon. niconico revendiquait fin mars pas moins de 39,4 millions d'utilisateurs inscrits, dont environ 80% de moins de 40 ans.
niconico est aussi connu pour son grand événement annuel "niconico chokaigi" qui réunit plusieurs centaines de milliers de fans en deux jours dans la banlieue de Tokyo. Cette énorme fête qui réunit divers intervenants, dont des partis politiques, a eu lieu récemment est a fait la une pour un nouvel incident, comme cela est déjà arrivé dans le passé. Cette fois, c'est un "cosplayer" déguisé en militaire (en Général Tojo, disent les mauvaises langues) qui a paradé sur la camionette promotionnelle du Parti Libéral-Démocrate (PLD) du Premier ministre Abe que ses opposants et les pays voisins (Chine, Corées) considèrent comme un va-t-en-guerre.

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Kadokawa est pour sa part un éditeur japonais de mangas, animations, films et jeux vidéo. Il est notamment connu pour ses magazines de manga (Asuka par exemple), pour les publications Gundam (ces robots fétiches de tous les gamins nippons), pour le magazine de jeux vidéo Famitsu (via sa filiale spécialisée Enterbrain) ou encore pour ses sites de mangas numériques. Cette firme, à l'origine une maison d'édition née dans l'immédiat après-guerre, a utilisé avec succès dès le milieu des années 1970 le concept du mediamix qui consiste à exploiter simultanément les mêmes contenus sur plusieurs types de supports (jeux, animations, manga, films, etc.) pour créer un effet commercial boule de neige.
Avant d'être en première page pour le rapprochement avec Dwango/niconico, Kadokawa avait déjà fait la une de l'actualité la veille de l'annonce de ce mariage avec niconico à cause d'un manga qualifié de "malsain" par la municipalité de Tokyo qui l'a interdit de vente aux moins de 18 ans. Le manga en question, intitulé "le paradis des petites soeurs", décliné d'un jeu vidéo éponyme pour adultes, fait l'apologie de relations incestueuses au sein d'une fratrie. Kadokawa n'a certes pas que ce genre en magasin, mais produit quand même pas mal de contenus "underground" ou "otaku bunka" (culture otaku).

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Selon le schéma présenté cette semaine, Kadokawa va donc grosso modo absorber la maison-mère de niconico, à savoir la jeune société Dwango, dans le but d'élargir et consolider les affaires respectives des deux firmes en jouant sur les complémentarités. Une société holding commune, Kadokawa Dwango, sera créée en octobre pour chapeauter leurs activités. Kadokawa est déjà le 2e actionnaire de Dwango à hauteur de 12,2% depuis 2011 et Dwango a pris simultanément 2,7% du capital de son partenaire.
La fusion des deux sociétés est censée leur permettre de diffuser davantage de contenus très diversifiés vers un large éventail de terminaux (PC, smartphones, tablettes, consoles de jeux, etc.) non seulement au Japon mais également à l'étranger comme l'appelle de ses voeux le gouvernement dans le cadre d'une campagne appelée "Cool Japan" assortie d'aides pour soutenir les efforts de ses créateurs, éditeurs et diffuseurs hors du Japon.

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La formation d'un groupe possédant à la fois des contenus forts et une expérience dans la diffusion de vidéos ou l'organisation d'immenses événements festifs à l'attention des jeunes doit ainsi renforcer leur assise au Japon et pourrait donner un coup de pouce à cette stratégie officielle dite Cool Japan.
L'animation, les jeux et autres contenus japonais ont certes acquis une grande popularité en Asie et en Europe, mais ces dernières années, leur présence a tendance à fléchir au profit de la culture sud-coréenne (K-Pop entre autres), du moins c'est ce que déplorent les autorités et créateurs japonais.Les dessins animés, jeux vidéo, mangas et films de Kadokawa sont déjà en partie présents hors du Japon et niconico a une version aux Etats-Unis et en Thaïlande, mais le potentiel mondial de ces deux sociétés est encore loin d'être exploité.

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Jusqu'à présent, en Europe du moins, la réussite des mangas et animations d'origine japonaise n'est pas tant le fait de la stratégie internationale des groupes nippons (elle est bien faible) que du volontarisme des éditeurs et distributeurs européens. On attend donc de voir si avec un nouveau "mediamix international", Kadokawa-Dwango va modifier cet état de fait. En tout cas, c'est le but recherché alors que la suprématie sur internet des groupes américains (Google, Amazon) a conduit le patriarche Kadokawa à tirer plusieurs fois la sonnette d'alarme. A ce jour, seulement 5% des revenus générés par les contenus multimédias nippons proviennent de l'étranger, contre 18% pour leurs équivalents américains.
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