Alban Peltier, bonjour. Passé chez MSN, vous avez fondé Looneo avant de rejoindre AntVoice au poste de CEO. Pourquoi ce pari ?
AntVoice a été lancée en 2009 par deux anciens de Looneo, Rodolphe Mirilovic et Jérôme Scola, qui planchaient dessus sur leur temps libre. Ils ont d'abord fait une petite application, Confessions entre amis, qui a rapidement réuni plus d'un million d'utilisateurs. Ils en alors fait une autre, puis une autre et, à chaque fois, le succès était au rendez-vous. Je suivais tout ça de près puisqu'on était ensemble chez Looneo, et j'ai trouvé ça à la fois étonnant et très encourageant. En début d'année, ils ont décidé d'accélérer, de se mettre à plein temps sur le projet et je les ai rejoints.
Après deux ans d'existence, AntVoice propose aujourd'hui une quinzaine d'applications. Quelle est la clé du succès ?
La clé, c'est la maîtrise de la viralité. Certaines des applications développées par AntVoice se sont par exemple révélées avoir des cycles de vie très courts, comme notre Hit-parade de la naissance, qui proposait donc de voir quels étaient les titres qui marchaient le mieux le jour de sa naissance. L'application a très bien fonctionné, avec un vrai déploiement viral, mais les gens ne l'utilisaient qu'une fois. Il fallait donc essayer de créer des applications plus addictives.
L'une de nos plus importantes aujourd'hui est L'Arc en ciel du moral : tous les matins, je partage mon humeur avec mes amis, en utilisant tout un répertoire d'émoticônes. Sur celle-ci, nous avons 2,7 millions d'utilisateurs actifs sur les derniers mois, ce qui en fait la première application en nombre d'utilisateurs français, en sachant que nous touchons aussi les internautes hispanophones et anglophones. Nous éditons également Il est con ce pigeon, un jeu réalisé en partenariat avec Addictiz, qui consiste à envoyer un pigeon le plus loin possible. C'est fun, addictif, et social, puisqu'on partage son score avec ses amis. Ces applications nous permettent d'atteindre une audience cumulée environ 4,5 millions d'utilisateurs actifs mensuels. Depuis le début, 52 millions d'applications ont été installées, ce qui fait qu'AntVoice est le premier éditeur français sur Facebook.
Une fois qu'on compte un ou deux succès à son actif, les lancements suivants sont facilités ?
Une bonne application est souvent très simple en apparence, mais il faut qu'il y ait vraiment une alchimie entre le fun, le viral et le social pour que cela fonctionne. Pour un lancement, il est vrai qu'aujourd'hui la puissance de frappe est un atout de taille, puisque les internautes sont tout le temps sollicités. Si vous n'avez pas cette puissance de frappe pour un lancement, c'est plus compliqué, même si c'est toujours possible. On peut donc passer par un budget marketing, ou par du cross selling, soit la promotion de l'application B sur l'application A. Quand on a 4 ou 5 millions d'utilisateurs, c'est tout de suite plus facile.
Comment monétiser cette audience : publicité ou vente d'objets virtuels ?
Notre modèle économique est effectivement celui du freemium. Tous les jeux sont gratuits, mais on peut acheter des objets virtuels qui permettent de les enrichir, contrairement au jeu vidéo classique où un le prix du jeu va constituer une barrière d'entrée.. Sur l'Arc en ciel du bonheur, on vend par exemple des packs d'icônes supplémentaires, sous forme de petits paquets à deux ou trois euros. C'est un modèle qui fonctionne bien parce qu'on est sur de gros volumes. La société est d'ailleurs rentable depuis le premier jour !
Que pensez-vous des Facebook Credits pour ces opérations de micro-paiement ?
A partir du 1er juillet, tous les éditeurs sont obligés de les intégrer, donc nous les intégrons, mais on peut tout à fait utiliser une autre solution en parallèle, en sachant que comme Apple sur l'App Store, Facebook prend 30% sur toutes les transactions. Toutes nos applications seront donc compabibles au 1er juillet, mais nous allons faire des tests pour savoir s'il est pertinent de maintenir une ou des alternatives.
Le social gaming est-il une fin en soi pour AntVoice ?
Notre avenir est bien dans les applications, mais pas uniquement dans le jeu. Nous avons par exemple un gros projet autour de la rencontre, avec dans l'idée d'essayer de changer les règles autour du dating. Aujourd'hui, la rencontre repose sur un service très technique : quand je vais sur Meetic, on me demande très rapidement de remplir des questionnaires, etc, avant de me suggérer des profils. On a analysé un peu tous ce s comportements et on s'est dit que trouver l'amour devait être un peu plus ludique. On va donc lancer une zone de jeux autour de l'amour, qui permettront de rentrer en contact avec d'autres personnes, et des jeux relationnels, qui favoriseront le développement de ces relations.
Notre ADN, c'est vraiment de réinventer les usages du Web. On regarde ce qui marche, et ce qui pourrait être adapté pour fonctionner sur Facebook. Le jeu n'est qu'une partie de ce que l'on peut faire ! La rencontre sera une première matérialisation de cet élargissement, mais l'emploi, les petites annonces ou le shopping sont des secteurs que l'on regarde de près, même si à chaque fois, cela implique des projets assez lourds. A côté de ça, on continuera bien sûr le jeu, qui marche bien.
Avec des poids lourds comme Zynga, Disney ou Electronic Arts qui cherche à avaler PopCap, peut-on ambitionner de devenir un indépendant de taille dans le domaine du social gaming ?
Il est fort probable que le social gaming évolue un peu comme a évolué le jeu vidéo, avec de grandes licences, une notion de marque de plus en plus forte et un écosystème très structuré. Il faudra donc sans doute beaucoup d'argent et de ressources, notamment pour arriver à se faire connaitre, etc. A notre niveau, nous ne sommes en tout cas pas dans une logique de consolidation ou de rachat, mais plutôt d'ouverture.
Le modèle a-t-il vocation à être porté sur d'autres plateformes ou d'autres réseaux que Facebook ?
Oui, clairement. Pour l'instant, nous nous sommes concentrés sur Facebook parce que c'est là qu'est la grande majorité des gens, mais nous avons l'intention de faire des tests sur mobile et sur d'autres réseaux sociaux. D'une part, parce qu'il est important de conserver une certaine indépendance vis-à-vis de Facebook et de l'autre, parce qu'il faut qu'on soit capable de faire exister des applications ailleurs, partout où se trouve l'utilisateur. Lorsqu'il est sur son mobile par exemple, il peut bien sûr utiliser la version dédiée de Facebook, mais nous avons tout intérêt à lui proposer une application dédiée.