L'Autorité de la concurrence a annoncé, jeudi, avoir prononcé des mesures conservatoires à l'encontre de Meta, maison-mère de Facebook, à qui l'institution reproche de sérieuses failles dans le secteur de la vérification publicitaire, pouvant aboutir à un abus de position dominante.
En octobre dernier, l'Autorité française de la concurrence fut saisie par la société Adloox, qui reproche au géant américain Meta ses pratiques dans le secteur de la vérification publicitaire sur Internet. L'institution a, suite à son enquête, décidé de contraindre le propriétaire de Facebook, Instagram et WhatsApp de maintenir des critères qui soient à la fois « objectifs, transparents, non discriminatoires et proportionnés » sur certains des aspects de ce marché de la vérification publicitaire. Entrons un peu plus dans le vif du sujet, pour comprendre de quoi l'on parle exactement.
La vérification publicitaire, un secteur complexe, mais nécessaire pour les annonceurs
D'abord, qu'est-ce que la vérification publicitaire ? L'Autorité de la concurrence nous explique qu'elle désigne « les procédures de contrôle, dans l'univers de la publicité en ligne, de la qualité d'un inventaire ou d'une impression publicitaire ». Cette vérification publicitaire poursuit trois objectifs, tous destinés à renforcer la qualité des annonces diffusées en ligne.
- Le premier objectif est celui de la mesure de la visibilité, appelée viewability en anglais, qui permet de vérifier qu'une publicité a bien été vue par l'internaute. Certaines annonces, si positionnées trop en bas d'une page, ne peuvent en effet pas être toujours converties en « impression », ou vue.
- Le second objectif tient en la détection des fraudes. Ici, on vise le trafic invalide qui pourrait provenir de robots ou autres machines.
- Enfin, cette vérification poursuit l'objectif de sécurité de la marque, ou brand safety. Là, la publicité ne doit pas être affichée dans un environnement pouvant nuire aux intérêts et aux valeurs de la marque. Le brand suitability va même plus loin, avec un environnement qui doit carrément correspondre aux valeurs de la marque.
Une fois cela dit, il faut savoir que ce type de service de vérification publicitaire peut être proposé par une plateforme publicitaire intégrée. Meta possède la sienne, par exemple. Il peut aussi être proposé par un opérateur indépendant spécialisé, qui possède généralement l'avantage de fournir des mesures plus précises encore que la plateforme de diffusion. Adloox en est l'un des acteurs français.
Meta a deux mois pour satisfaire les exigences de l'Autorité de la concurrence
Entre 2016 et 2022, Adloox a demandé au groupe Meta, que ce soit directement ou par l'intermédiaire de ses clients, d'avoir accès à l'écosystème de la même manière que certains de ses concurrents (DoubleVerify, Integral Ad Science, Oracle MOAT ou Zefr) afin de fournir ses services de vérification publicitaire indépendante. L'entreprise française estimait que la firme californienne lui refusait cet accès aux partenariats viewability et brand safety de manière discriminatoire, et se livrait à un abus de position dominante, « en imposant des conditions d'accès inéquitables en ne donnant qu'un accès partiel à son écosystème », explique l'Autorité de la concurrence.
L'Autorité de la concurrence a considéré, après instruction, que Meta était bien susceptible de détenir une position dominante sur le marché français publicitaire en ligne de manière générale. L'autorité a pointé plusieurs pratiques en ce sens :
- Meta n'a d'abord pas défini de critères d'accès et de maintien aux partenariats viewability et brand safety qui soient transparents, non discriminatoires, objectifs et proportionnés. Certes, l'entreprise a communiqué de nouveaux critères d'éligibilité, mais ceux-ci n'ont pas été rendus publics et ne sont mis en œuvre que sur invitation.
- Pour l'autorité, le refus d'accès aux partenariats est susceptible d'être qualifié de discriminatoire à l'encontre d'Adloox. Les échanges entre les deux acteurs semblent révéler que Meta n'a jamais eu l'intention d'intégrer le service français.
- L'autorité a aussi pointé du doigt une atteinte « grave et immédiate au secteur de la vérification publicitaire indépendante ». Au vu de l'investissement colossal des annonceurs sur les inventaires de Meta, le géant US constitue un acteur déterminant pour les vérificateurs publicitaires indépendants. Instaurer des barrières à l'entrée n'est donc pas permis, et Adloox en subit les conséquences sur sa croissance et son portefeuille de clients.
Au vu des manquements constatés, et avec la perspective du Digital Markets Act, qui imposera aux plateformes publicitaires de donner un accès gratuit aux données nécessaires à la vérification publicitaire indépendante de leurs inventaires, l'Autorité de la concurrence a enjoint Meta de suspendre les critères mis en place en janvier 2023. Mais ce n'est pas tout, puisqu'elle lui demande de rendre publics, sous deux mois, les nouveaux critères d'accès et de maintien aux partenariats. Meta devra, en outre, fournir à l'autorité des rapports réguliers sur les modalités de mise en œuvre de ces injonctions.