Pour beaucoup d'utilisateurs de Twitter, les jours de la plateforme sont comptés depuis son rachat par Elon Musk. Un constat que pourraient bien partager les législateurs européens et américains.
Les deux premières semaines du réseau social sous sa nouvelle direction ont été pour le moins mouvementées. Alors que les décisions et orientations stratégiques de l'entreprise semblent changer presque en temps réel, la seule constante stable du réseau social reste sa situation financière, catastrophique depuis le premier jour. Mais licencier en masse tous les métiers dont il ne connaissait pas la nature pour baisser les coûts de fonctionnement de sa nouvelle acquisition pourrait bien se retourner contre le milliardaire et lui valoir des millions de dollars et d'euros d'amende.
Travailler plus pour payer plus d'amendes
Après une première vague de licenciements qui concernait la moitié des effectifs de l'entreprise, la sécurité de l'emploi de ceux qui restent est aussi assurée que celle d'un autopilot Tesla. L'autoproclamé croisé de la liberté d'expression continue en effet de licencier à tour de bras à la moindre trace de critique. Il a même envoyé par e-mail un ultimatum à ses salariés en leur proposant de travailler « de longues heures à haute intensité » ou de quitter l'entreprise.
Seulement, si tous ces licenciements affectent la modération, les revenus, les performances techniques de la plateforme et les départements juridiques sont aussi touchés. C'est le cas notamment de l'équipe qui travaille à Bruxelles, chargée de l'application des réglementations européennes et des relations avec les institutions de l'Union. Passée de 8 à 2 personnes, elle se retrouve réduite au pire moment, c'est-à-dire alors que l'UE s'apprête à adopter de nouvelles régulations. Ceux qui restent vont donc devoir travailler de longues heures à haute intensité pour faire le travail que Meta ou Google confient à 20 à 30 personnes.
Cette équipe, de même que la modération de la plateforme, était déjà considérée comme largement insuffisante avant le rachat, et sa situation ne va donc pas s'arranger. Mais cette situation, qui pourrait devenir très difficile à l'avenir, ne doit pas faire oublier les déjà nombreux problèmes de Twitter en Europe. En effet, le réseau social n'a pas respecté le droit du travail lorsqu'il a licencié en masse en Irlande, et il est déjà sous le coup de procès en France, en Allemagne, et aux Pays-Bas pour diffusion de discours de haine. Les institutions européennes, qui n'ont pas retenu leurs coups ces dernières années quand il s'agissait de condamner à de lourdes amendes les entreprises américaines de la tech, ont désormais un boulevard pour enfoncer encore davantage Twitter.
Le Congrès américain n'est pas en reste
Les procès en cours et à venir en Europe contre le réseau social laissent imaginer que ce n'était pas le meilleur moment pour licencier quasiment l'intégralité de ses services juridiques. D'autant que les problèmes de Twitter avec la justice ne vont probablement pas s'arrêter aux frontières européennes. Car l'éphémère Twitter Blue est passé par là. Et l'addition pour quelques milliers d'abonnements à 8 dollars (qui vont probablement devoir être remboursés) risque d'être extrêmement salée. Cette improbable fonctionnalité, en plus de faire fuir les quelques annonceurs restants, a surtout coûté beaucoup d'argent à beaucoup de personnes. Pas sûr, en effet, qu'une entreprise comme LillyPad, du haut de sa perte de 16 milliards de dollars de capitalisation boursière à cause de l'un de ces tweets, laisse filer sans broncher.
Mais l'usurpation ne s'est pas arrêtée à Musk et à de puissantes entreprises. Le sénateur américain Ed Markey a directement interpellé le milliardaire à propos d'un compte certifié qui avait pris son nom. Il lui a réclamé d'expliquer ce qu'il s'était passé et de corriger ce problème. Cette demande n'a cependant pas été réellement prise au sérieux par Elon Musk, qui lui a répondu que son compte officiel ressemblait à une parodie. Après un bref rappel de toutes les poursuites judiciaires à l'encontre de ses entreprises, le sénateur a ajouté : « Réparez vos entreprises. Ou c'est le Congrès qui va s'en charger. » Reste à savoir combien d'émojis qui pleurent de rire Musk tweetera à l'annonce de sa première amende.