Soufyane Benhammouda pour Clubic
Soufyane Benhammouda pour Clubic

Le Jeep Wrangler fait partie d’un groupuscule de dinosaures automobiles. Mais son règne étant menacé, le célèbre tout-terrain américain se modernise et adopte la technologie hybride rechargeable. Et on se demande pourquoi il ne l’a pas fait plus tôt.

A l’instar du Mercedes Classe G ou du Land Rover Defender, le Jeep Wrangler a su évoluer avec le temps et se jouer des époques. Apparu en 1987 sous l’ère Chrysler, son histoire est toutefois bien plus vieille, puisqu’il n’est autre qu’une forte évolution du Jeep CJ, lui même dérivé du Willys M38 et du Willys original.

Si ses frères de la gamme se sont fortement modernisés, pour ne pas dire embourgeoisés, le Jeep Wrangler continue de faire confiance à sa recette habituelle, avec une définition rustique, un châssis échelle séparé d’une autre époque et des motorisations rugueuses. Mais sur ce dernier point, les choses changent fortement.

Une prise de recharge comme seule différence notable

Avec des normes environnementales de plus en plus strictes et une sérieuse menace de l’Europe avec la loi CAFE, le constructeur américain n’a eu d’autre choix que d’offrir une motorisation électrifiée à son célèbre tout-terrain. Et dans ce cas précis, seule la technologie hybride rechargeable pouvait assurer le salut du Wrangler : alternative qui n’en est pas une au diesel, elle permet de conserver un niveau de puissance et de couple similaire, tout en passant sous les seuils radars grâce à un protocole WLTP complètement déboussolé.

Essai-Jeep-Wrangler-4xe

Pour emprunter les ornières le menant vers un renouveau commercial, le Jeep Wrangler adopte désormais le badge 4xe et de nombreux liserés bleus. Une colorimétrie de choix, pour annoncer la présence de l’électrification derrière son imposante calandre à sept ouvertures verticales et sous son très large capot à crochets. Difficile de faire la distinction avec un Wrangler habituel, mais cette version se distingue par sa prise de recharge installée sur le haut de l’aile avant gauche du véhicule.

A l’intérieur comme à l’extérieur, le 4xe est similaire au Wrangler de type JL apparu sous un nouveau jour en 2018. La modernité est de mise dans l’habitacle, avec la présence d’un écran tactile central de 8,4 pouces qui offre l’accès au système d’infodivertissement U-Connect, ainsi que celle d'une plus petite dalle entre les deux gros compteurs analogiques. On retrouve sur ce dernier une foule d’informations, avec notamment l’indicateur de consommation d’essence et d’électricité, les moyennes, et les autonomies restantes respectives ou globale.

Un habitacle très rustique

Pour le reste, inutile d’envisager de retrouver l’atmosphère d’un Jeep Grand Cherokee. Le Wrangler 4xe reste fidèle à son ADN, avec une console verticale, une planche de bord réduite et des matériaux qui, s’ils manquent de raffinement à ces niveaux de prix, se montrent résistants à une utilisation intensive. L’ergonomie n’est également pas idéale avec de nombreux boutons physiques dispersés aux quatre coins du poste de conduite. Et c’est notamment le cas des commandes d’ouverture des vitres placées juste derrière les leviers, pas toujours évidentes à trouver lorsqu’il s’agit de vérifier si elles sont bien toutes fermées sur la route en raison des bruits d’air. Nous aurons le temps d’y revenir.

Comme ses prédécesseurs, le Wrangler 4xe conserve ses deux commandes de boîte. L’une est tout à fait conventionnelle pour sélectionner le rapport de l’unité automatique. L’autre est plus exotique à notre époque, puisqu’elle permet de piloter la boîte de transfert. Et c’est là l’un des points forts de ce tout-terrain : quel que soit le mode de conduite sélectionné à gauche du volant (Electric, Hybrid, e-Save), la mécanique, électrique, thermique ou hybride, peut profiter de la boîte à huit rapports mais aussi des différents modes de transfert et de la gamme courte.

Il préfère les chemins de traverse au bitume

Derrière le 4 cylindres 2,0 l essence de 272 ch pour 400 Nm de couple, Jeep a fait le choix d’installer la boîte électrifiée fournie par ZF. Un système efficace et convaincant, qui a déjà été retenu pour le BMW X5 xDrive45e ou le nouveau Defender hybride rechargeable. Le moteur électrique de 145 ch pour 245 Nm est directement intégré dans la boîte à la place du convertisseur. Cela permet à ce Wrangler d’annoncer sur sa fiche technique une puissance totale de 380 ch et 637 Nm de couple.

Une artillerie nécessaire pour assurer des performances correctes avec un 0-100 km/h en 6,4 s et une vitesse maximale de 180 km/h. Mais précisons que cette dernière n’a absolument aucune utilité en raison de la conception datée du tout-terrain : les bruits d’air envahissants vous interrogent sur la bonne fermeture des lourdes portes ou des vitres, alors que la tenue de cap, guidée par les larges pneus de 255/70 R18 et la prise au vent, ne met guère en confiance pour filer vite sur autoroute. Et cette confiance n’est pas plus au rendez-vous sur route, où le gabarit impose de la retenue dans les placements, tout comme la tenue de route sur les routes sinueuses.

Ce n’est d’autant pas sa tasse de thé que les consommations s’envolent à ce rythme. Pour limiter les excès de sans-plomb, le système privilégie dès que possible la traction électrique. Mais rien n’y fait : la consommation s’est établie à près de 11,0 l/100 km en utilisation autoroutière. Les lois de la physique sont impitoyables.

Autonomie mesurée et recharge lente

N’envisagez pas d’utiliser le mode électrique sur autoroute, où l’autonomie sera ridicule avant de laisser le moteur thermique seul dans sa lourde mission de devoir tracter les 2,4 tonnes de tôle. La batterie de 17,3 kWh (une capacité utile de 14,7 kWh) sera moins sollicitée en ville, où ce Wrangler pourrait faire exploser sa pompe à essence. Mais comme toujours, pas de surprise au bilan final, assez éloigné de la valeur de 53 km annoncée selon le cycle WLTP : la moyenne s’établira autour des 35 km. Soit une autonomie dans la moyenne de ces mastodontes qui tentent de verdir leur bilan, comme le Ford Explorer PHEV.

Au chapitre recharge, le Jeep Wrangler 4xe est équipé d’un chargeur AC de 7,4 kW de puissance. Sur une borne adéquate, il permet de faire le plein en 2h30. Il faudra toutefois compter près de 10h sur une prise domestique. Ce qui, dans tous les cas, représente un plein d’électricité proche des 2,40 € lorsque la recharge est effectuée à domicile.

Des performances en tout-terrain plus intéressantes

Mais on ne peut pas vraiment affirmer que la ville soit le terrain favori du Wrangler : si la vision périphérique est un atout, ses appendices proéminents sont rapidement handicapants. Et notamment les arches de roues difficilement identifiables depuis le poste de conduite. Son truc à lui, ce sont les grands espaces.

Et ça là que le Jeep Wrangler prend le large en adoptant la fée électrique. Si certains pouvaient craindre des capacités de franchissement en retrait, il n’en est rien. Car même en adoptant cette motorisation, le Jeep Wrangler 4xe conserve tous ses angles d’attaque, ventraux et de fuite, ainsi que sa garde au sol. Mais surtout, avec le moteur électrique dans la boîte, la transmission intégrale profite du couple instantané inhérent à ce type de moteur et du dosage toujours idéal de l’accélérateur. A tel point que le rapport court 4L ne s’est jamais montré nécessaire. Mais la configuration est toujours disponible pour s’affranchir des obstacles les plus difficiles. C’est ludique, tout comme la possibilité de pouvoir évoluer entre les arbres sans la moindre nuisance sonore, à l’exception (législation oblige) du simulateur sonore sous les 20 km/h.

La version Rubicon : pour grimper aux arbres

S’il n’a pas à rougir au chapitre du franchissement et des évolutions en dehors du bitume, le Wrangler 4xe se décline toujours en version Rubicon. Celle-ci reprend la base d’équipement de la version Sahara d’entrée de gamme, mais pousse encore plus loin tous les potentiomètres. Elle reçoit ainsi une barre stabilisatrice désactivable, un blocage de différentiel avant et arrière, une caméra avant pour mieux appréhender ce qu’il se passe devant l’imposant capot et une transmission intégrale Rock-Trac. A n’en pas douter, si vous souhaitez grimper aux arbres, c’est cette version qu’il vous faut.

Fiche technique Jeep Wrangler 4xe

Prix du Jeep Wrangler 4xe

En adoptant cette nouvelle motorisation, le Wrangler ne ménage pas ses tarifs toutefois : par rapport aux versions thermiques précédentes, le tout-terrain joue les profiteurs et fait monter les prix de 10 500 € en moyenne. Une inflation qu’il se permet grâce à sa motorisation unique dans la gamme, mais aussi grâce aux différents avantages fiscaux dont peuvent bénéficier les acheteurs, notamment professionnels avec une exonération de TVS.

Il ne bénéficie pas de bonus écologique mais, avec 94 g/km de CO2, il évite le malus maximal de 30 000 €. Ce qui permet au constructeur d’annoncer un avantage client de 20 000 € au final. Décidément malin, Jeep. Mais il faudra tout de même signer un chèque de 68 200 € en entrée de gamme, ou même de 71 450 € avec le haut de gamme Overland. La version Rubicon, plutôt spécifique, trouve sa place entre les deux au prix de 69 700 €.

  • Jeep Wrangler 4xe Sahara : 68 200 €
  • Jeep Wrangler 4xe Rubicon : 69 700 € 
  • Jeep Wrangler 4xe Overland : 71 450 €
  • Bonus écologique : 0 €

Faut-il craquer pour le Jeep Wrangler 4xe ?

Si la question se pose lorsqu’il s’agit d’un SUV moderne, tant le segment est surpeuplé, elle est davantage obsolète lorsqu’il s’agit du tout-terrain américain. En l’absence d’un Mercedes Classe G électrifié, son seul concurrent n’est autre que le Land Rover Defender P400e, qui partage la même solution technique. Et les spécialistes vous le diront : on n’hésite jamais entre ces deux dinosaures. 

Les clients séduits par l’image du Jeep Wrangler n’iront donc pas déambuler les concessions Land Rover. Et en ce qui concerne le choix de motorisations, ils n’auront pas le choix : le Wrangler a poussé toutes les autres motorisations vers la retraite et n’est disponible qu’avec la seule motorisation hybride rechargeable. Et il n’y a pas a être inquiété par l’électrification, qui va même jusqu’à renforcer ses performances boueuses tout en offrant la possibilité de parcourir quelques kilomètres en ville sans brûler une goutte d’essence. Il n'y a donc aucun volet « raison » à évoquer ici, l'achat de cet engin se faisant exclusivement sur un coup de coeur.