En annonçant un chiffre d'affaires annuel de 909,3 millions de dollars, la société Red Hat affiche alors une croissance de 22% sur 12 mois. Comment une société issue du monde open source a-t-elle su s'imposer sur le marché de l'entreprise ? Retour sur les stratégies de cette multinationale avec Stéphane Gaillard PDG de Red Hat France.
Vous avez annoncé un chiffre d'affaires annuel frôlant avec le milliard de dollars. Comment une société open source, en l'occurrence Red Hat, fait de l'argent ?
Stéphane Gaillard : Du point de vue historique c'est la définition d'un vrai business model autour de l'open source, c'est-à-dire autour de quelque chose qui est présenté comme gratuit. Maintenant Red Hat c'est une société qui a été créée en 1993, à une époque où pas mal d'entreprises sont néées du projet open source et du rêve fédérateur Linux. Tout le monde était embarqué dans une belle histoire.
Après, il a fallu savoir comment être performant et compétitif face aux autres systèmes de l'époque qui sont toujours présents aujourd'hui, c'est-à-dire UNIX et Windows. Il se posait alors la question de la valeur que nous pouvions ajouter autour de cette offre.
Red Hat a trouvé son business model autour de souscriptions intégrant des certifcations et du support, tel qu'il est fait dans des sociétés reposant sur un modèle propriétaire, voire peut-être même mieux puisque dans la mesure où la solution que nous vendons est open, ce qui retient le client ce sont précisément ces certifications mais surtout la qualité du support. Un client non satisfait peut facilement migrer et quitter Red Hat. Donc ce qui nous maintient c'est effectivement les gros efforts de certification. Nous avons 3500 solutions qui supportent Red Hat. L'une de nos forces c'est d'avoir travaillé sur des standards ouverts mais également d'être devenu le standard en matière de système d'exploitation Linux.
Et comment la société Red Hat se démarque-t-elle d'un autre groupe comme Canonical qui propose également du support ?
S.G : A mon sens c'est notre partie certification qui nous démarque le plus. Nous sommes très en avance et c'est vrai que la plupart des ISV certifient Red Hat et pas forcément les autres distributions. Derrière, c'est une société qui compte plus de 4000 salariés avec énormément de ressources dédiées au support et qui n'a donc rien à envier aux éditeurs de solutions propriétaires.
Outre notre chiffre d'affaires, ce qu'il est intéressant de retenir c'est que nous sommes allés au-delà des prévisions déjà bien optimistes des analystes. Cela met en évidence le succès du système, de la plateforme middleware JBoss et de la partie virtualisation et cloud.
Donc finalement Red Hat n'a pas connu la crise ?
S.G : C'est assez triste de dire ça mais ce qui est bien pour Red Hat c'est qu'en ce moment nous sommes toujours vainqueurs. Quand l'économie va bien, les sociétés investissent beaucoup et cela passe par du Linux et bien souvent cela signifie Red Hat. Et quand l'économie va plus mal, les sociétés migrent depuis des solutions propriétaires trop chères pour se tourner vers nous.
Que représente la France sur le marché international de Red Hat ?
S.G : Nous ne communiquons pas sur le chiffre français en particulier mais globalement la France c'est environ 5%.
A propos du serveur d'applications Java JBoss, y a t-il des problèmes avec Oracle en terme de propriété intellectuelle ?
S.G : Il n'y a pas de problème et s'il y en avait alors Oracle serait encore plus fermés qu'ils ne le sont déjà. L'idée de JBoss c'est quand même de s'appuyer sur des standards ouverts. C'est pour l'intérêt de tous que l'on utilise des standards et que ces derniers restent ouverts.
En terme de propriété intellectuelle, travaillez-vous avec l'Open Invention Network ?
S.G : Oui tout à fait. Et à ce sujet, quand une grande société industrielle fait le choix d'un système d'exploitation, ce qu'il lui importe ce n'est pas forcément son efficacité et son prix, c'est également sa pérennité. Et Red Hat s'engage sur sept ans de support.
Pour une entreprise choisissant une solution open source, le risque est de se faire reprocher l'usage de certaines briques propriétaires. Pour cela, dans notre souscription, nous proposons l'assurance logicielle permettant de garantir aux clients qu'ils ne seront pas attaqués pour l'utilisation de briques propriétaires dans le cadre des solutions Red Hat.
Que représente Fedora pour Red Hat ? Est-ce simplement un laboratoire d'expériences techniques ?
S.G : Fedora c'est un laboratoire mais qui représente beaucoup plus que de simples expériences. En réalité, le succès de Red Hat repose sur la communauté et les laboratoires que nous avons : Fedora pour Red Hat Enterprise Linux et JBoss.org pour le middleware JBoss. Cela nous permet d'être extrêmement novateurs et d'avoir des solutions industrialisées. Nous allons piocher les solutions qui nous semblent les plus convenables pour ensuite les packager et les proposer aux sociétés.
Donc Fedora comme JBoss.org ont un rôle tout à fait fondamental dans le succès et la fiabilité de nos solutions. Une version majeure de Red Hat Enterprise Linux est publiée tous les deux ans contre tous les six mois pour Fedora.
Je vous remercie