Nintendo et les jeux sur smartphones, choix logique ou constat d'échec ?

Audrey Oeillet
Publié le 11 mai 2015 à 12h21
Après plusieurs années à avoir maintes fois indiqué qu'il ne ferait jamais dans le jeu mobile, Nintendo vient d'annoncer avoir cinq jeux prévus sur smartphones. Un retournement de situation qui a de quoi étonner... ou pas.

Pendant de longues années et alors que la concurrence ne s'en privait pas, Nintendo a tenu bon face à la déferlante des applications et jeux mobiles. En 2010 déjà, Satoru Iwata, le patron japonais de l'entreprise, estimait que cette dernière n'avait rien à faire sur le marché des applications mobiles. « Le matériel et les logiciels de Nintendo sont une seule et même chose. Les autres sociétés ne partagent pas les valeurs de Nintendo et ses traditions quand il s'agit de créer des périphériques. Nous n'envisageons absolument pas de le faire ». Un an plus tard, Reggie Fils-Aime, le président de Nintendo of America, déclarait que la société n'avait « aucun désir de se lancer dans la téléphonie ». Si Nintendo n'a pas retourné sa veste sur ce dernier point, c'est l'inverse en ce qui concerne les jeux mobiles. A l'occasion de ses derniers résultats financiers, l'entreprise a indiqué qu'elle proposerait un premier jeu pour smartphone d'ici à la fin de l'année 2015, tandis que quatre autres sont en développement pour des sorties qui s'étaleront jusqu'en 2017.

Nintendo et les smartphones, l'amour vache

Faut-il vraiment s'étonner de la situation ? Pas nécessairement. D'abord, malgré les déclarations de son PDG, Nintendo avait déjà cédé aux sirènes des applications mobiles. En 2011 et 2012, l'entreprise avait lancé deux applications destinées aux fans de la franchise Pokémon. Disponibles sur iOS et Android, elles proposaient un jeu de rythme d'un côté, et l'équivalent mobile du Pokédex - encyclopédie dédiée aux Pokémon - avec de l'achat in-app de l'autre.

Des applications qui n'avaient pas fait énormément d'émules, mais dont la disponibilité avait étonné, du fait du discours sans concession de Nintendo concernant les jeux mobiles, notamment sur iOS, Apple ayant été qualifié de menace par les dirigeants de la firme. Néanmoins, à ce stade, l'entreprise ne se mouillait pas trop, et gardait ses « vrais » jeux pour ses consoles.

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Mais face à une industrie mobile grandissante, c'est probablement du côté de la pression des actionnaires qu'il faut se tourner. En 2011 déjà, alors que la 3DS ne se vendait pas aussi bien qu'escompté, la rumeur de voir Nintendo se tourner vers le mobile courait, appuyée par des actionnaires mécontents de la stratégie de l'entreprise. A l'époque, cette dernière avait nié tout changement de cap. Soit.

Wii U et vraie-fausse tablette

En novembre 2012, Nintendo sort la Wii U, sa dernière console de salon en date. Celle-ci a une particularité : elle est vendue avec un GamePad, une sorte de grande manette dotée d'un écran tactile et de capteurs de mouvement. Il n'en faut pas plus pour que de nombreux observateurs comparent le contrôleur à une tablette, d'autant que des éléments qui s'affichent sur ce second écran ne sont pas sans rappeler les interfaces de jeux mobiles.

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En 2013, Nintendo ajoute une nouveauté à son GamePad, à savoir la possibilité de jouer à des jeux Wii, à l'aide d'une manette Wiimote. Une manière de faire un nouveau pas vers la mobilité, sans pour autant renier sa démarche « traditionnelle », puisque l'expérience de jeu reste totalement Nintendo-centrée.

2015, l'année du mobile pour Nintendo ?

Plombé depuis plusieurs années par des résultats financiers décevants, Nintendo sort la tête de l'eau en 2015. Hasard ou non, c'est également lors de l'annonce de son dernier bilan en date que l'entreprise a confirmé son intention de se lancer concrètement sur le marché des applications mobiles. Fini les faux-semblants : un premier jeu mobile est attendu en 2015, et quatre autres sortiront d'ici 2017.

Pourtant, l'entreprise aura nié jusqu'au bout ce changement stratégique. Si la communication sur le sujet avait commencé doucement en mars dernier, Satoru Iwata avait démenti jusqu'en février l'arrivée de Nintendo sur le marché du jeu mobile. Tant d'énergie déployée pour contester ce qui a été finalement affirmé trois mois plus tard peut signifier plusieurs choses, de la volonté de cloisonner strictement la communication sur le sujet, au fait que l'entreprise se soit finalement retrouvée contrainte de basculer vers un marché contre lequel elle luttait depuis des années.

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Satoru Iwata, président de Nintendo, et Isao Moriyasu, président de DeNA, le 17 mars dernier.

Faut-il parler de basculement de Nintendo vers le mobile ? Non, en tout cas pas dans l'immédiat : l'entreprise a précisé que les jeux pour smartphones ne seront pas des portages. Les jeux mobiles seront gérés par la société nippone DeNA, dont Nintendo possède 10 % de parts, et seront de nouveaux titres conçus pour les smartphones.

«Nintendo a décidé de déployer son activité de jeu vidéo sur les mobiles, mais ce n'est pas parce que nous avons perdu notre passion ou une vision sur le marché des consoles de jeux vidéo » a ajouté l'entreprise, comme pour souligner que le jeu sur mobile n'a rien à voir avec le reste de ses activités. Un point de vue qui tranche avec celui de la concurrence : Sony et Microsoft travaillent depuis longtemps sur l'osmose entre les différentes plateformes de jeux, qu'il s'agisse des consoles de salon, des modèles portables ou encore des smartphones. Mais la stratégie n'est assurément pas la même, puisque ces entreprises jouent sur les différents tableaux en matière de produits commercialisés. Ce n'est pas le cas de Nintendo aujourd'hui.

La leçon la plus basique à tirer du choix de Nintendo, c'est qu'il ne faut jamais dire jamais. Mais le mariage du constructeur nippon avec le marché du jeu mobile pourrait bien avoir été un peu forcé par la pression des actionnaires, et un marché des smartphones qui s'avère de plus en plus puissant, poussant les joueurs à délaisser les consoles portables traditionnelles pour leurs téléphones. De là à dire que Nintendo va devenir un poids lourd du jeu mobile, il y a encore un fossé difficile à franchir.
Audrey Oeillet
Par Audrey Oeillet

Journaliste mais geekette avant tout, je m'intéresse aussi bien à la dernière tablette innovante qu'aux réseaux sociaux, aux offres mobiles, aux périphériques gamers ou encore aux livres électroniques, sans oublier les gadgets et autres actualités insolites liées à l'univers du hi-tech. Et comme il n'y a pas que les z'Internets dans la vie, j'aime aussi les jeux vidéo, les comics, la littérature SF, les séries télé et les chats. Et les poneys, évidemment.

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