© Engin Akyurt / Pexels
© Engin Akyurt / Pexels

La consommation de carburants issus, en partie, de la biomasse est devenue très courante, au point que des pans de plus en plus importants de l'industrie navale et de l'aviation y ont recours. Cependant, leur production est souvent entourée d'un voile opaque et leur impact sur l'environnement peut s'avérer plus néfaste que ce que l'on pourrait croire.

Pourtant, les biocarburants sont largement soutenus par des organes gouvernementaux, mais également par les acteurs industriels, qui en tirent un profit toujours plus important.

Pétrole, colza, steak… tout est bon pour faire rouler nos voitures.

Sur le site du ministère français de la Transition écologique, on peut lire que « la betterave à sucre et les céréales (blé, maïs) sont les principales ressources utilisées pour la production d’éthanol d’origine agricole ». Et, c'est effectivement l'image que l'on se fait le plus souvent du biocarburant. Pourtant, la réalité est tout autre selon l'ONG Transport & Environment (T&E), qui révèle que la filière utilise en grande quantité des graisses animales.

Cette pratique peu connue est autorisée en Europe, mais dans une certaine mesure. Issues des parties de l'animal inutilisables dans le secteur alimentaire, ces graisses sont scindées en trois catégories : les catégories 1 et 2 peuvent être utilisées dans la fabrication de carburants, tandis que la catégorie 3, plus qualitative, est destinée à l'alimentation animale et aux cosmétiques.

Cependant, T&E souligne que la consommation de sous-produits animaux prend de plus en plus d'importance dans la production de biocarburants. De 30 000 tonnes sur notre continent en 2006, elle est passée à 1,4 million de tonnes en 2021, et l'organisation avance même le chiffre de 3,9 millions de tonnes à l'horizon 2030. Le rapport précise que « l'Europe brûle déjà 46 % de toutes les matières premières de graisses animales sous forme de biodiesel, ce qui fait du transport le plus grand utilisateur de celles-ci ».

Cette hausse serait due à un climat plus favorable pour ce secteur, qui est fortement subventionné et qui connaît une croissance rapide. Et, les industries suivent le mouvement, à l'image d'Airbus, en s'engageant à utiliser de plus en plus de biocarburants censés être renouvelables. Cependant, T&E signale qu'un vol transatlantique entre Paris et New York consommerait les restes d'environ 8 800 porcs.

© Pixabay
© Pixabay

Une bonne idée pour éviter le gaspillage ?

Si, comme le souligne Barbara Smailagic, experte en biocarburants pour T&E, « nous avons brûlé des graisses animales sans que les conducteurs le sachent », le problème serait également lourd de conséquences pour l'environnement.

Les producteurs de carburants peuvent utiliser des graisses de catégorie 3, même s'ils sont encouragés à donner la priorité aux graisses de catégorie 1 et 2. Et, ils ne s'en priveraient pas, l'ONG estimant que « l'utilisation des graisses de catégorie 3 pour le biodiesel a augmenté de 160 % » depuis 2014, alors que celles des autres catégories n'auraient augmenté que de 36 % sur la même période.

En conséquence, les secteurs souffrant de cette nouvelle concurrence pourraient « se tourner vers des alternatives nocives », note Barbara Smailagic. L'experte donne l'exemple de l'industrie des cosmétiques, qui pourrait se tourner vers l'huile de palme pour rester compétitive. Finalement, pour T&E, l'utilisation des biocarburants pourrait devenir « plus nocive pour le climat que les carburants conventionnels ». Son impact carbone devenant, de surcroit, bien plus difficile à tracer.

Cerise sur le gâteau : les fournisseurs manqueraient d'honnêteté. Comme seules les graisses de catégories 1 et 2 bénéficient de subventions publiques, l'utilisation des graisses restantes pourrait être sous-évaluée. En effet, T&E rapporte que « les pays européens ont déclaré consommer deux fois plus de biocarburants dérivés des catégories 1 et 2 que l'industrie des graisses animales n'en a réellement produit ».

Une erreur de calcul ? Difficile à croire. D'autant que l'enjeu est de taille, comme l'explique l'ONG : « Si cela est fait délibérément, il s'agit d'une fraude à l'échelle industrielle ». Une fraude qui détournerait des fonds pouvant financer d'autres acteurs de la transition énergétique. Faut-il encore qu'ils soient plus vertueux…

Source : Reporterre