Alors que les effets du réchauffement climatique se font durement ressentir chaque été depuis quelques années, il serait tentant de se laisser aller à la climatisation. Mais la capitale française a une autre solution sous son chapeau, et celle-ci est même déjà déployée dans certaines de ses rues depuis un certain temps.
Les grandes villes sont durement touchées par les épisodes de fortes chaleurs qu'elles ont beaucoup de mal à évacuer, et la clim n'est pas de nature à améliorer la situation.
Une sorte de climatiseur géant ?
Depuis un peu plus de 30 ans, Paris dispose de ce que l'on appelle un « réseau de froid », qui distribue de l'eau glacée par des canalisations pour rafraîchir les bâtiments environnants. Si de tels réseaux nécessitent de nombreux travaux, ils représentent cependant des solutions de rafraîchissement plus qu'intéressantes pour les centres urbains qui y accordent de plus en plus d'intérêt. Ils permettent non seulement de centraliser les moyens de production de froid, mais aussi d'éviter les phénomènes d'îlots de chaleur, souvent causés par les systèmes de climatisation individuels qui peuvent fonctionner à plein régime au cœur de l'été.
Fraîcheur de Paris, l'organisme qui exploite le réseau parisien, gère actuellement 10 centrales, dont la plupart sont situées sous les trottoirs de la ville, à l'abri des regards. Les derniers étages de ces usines à froid abritent d'énormes machines bruyantes, chargées de refroidir en continu un circuit d'eau fermé à l'aide d'un gaz frigorigène. Cette eau est à une température de 10 °C lorsqu'elle est distribuée dans les bâtiments connectés, où l'échange thermique avec l'air ambiant refroidit les pièces. De retour à la centrale, elle atteint une température d'environ 15 °C, où elle subit de nouveau le processus de refroidissement.
Une artère vitale pour la ville de Paris
Les réseaux de refroidissement restent des systèmes coûteux, dont l'amortissement prend plus d'une décennie. Mais s'ils font l'objet d'une attention croissante, c'est parce qu'ils constituent un atout essentiel pour aider les villes à réduire leurs émissions de CO2 et, surtout, à mieux se prémunir contre les vagues de chaleur. Elles permettent également de mieux gérer leur consommation d'électricité, en favorisant les énergies renouvelables par exemple. Pour une ville comme Paris, qui devrait connaître un climat proche de celui du sud de l'Espagne d'ici à 2050, son réseau de froid pourrait rapidement devenir l'une de ses artères les plus vitales.
Et Fraîcheur de Paris n'est pas avare en bonnes idées. La Seine est notamment un élément indispensable de son mode de production, car « elle sert à dissiper la chaleur qui est produite » par les centrales électriques, explique Raphaëlle Nayral, secrétaire générale de Fraîcheur de Paris, à Franceinfo. « Et pendant l'hiver, si je caricature un peu, la centrale est presque silencieuse », ajoute-t-elle. « On va rafraîchir l'eau directement par échange thermique avec la Seine. » Cependant, l'exploitant fait très attention à ne pas renvoyer de l'eau trop chaude dans le fleuve qui traverse Paris. Il respecte ainsi une différence maximale de 5 °C entre le moment où l'eau de la Seine entre dans la centrale et le moment où elle en ressort.
Pour l'instant, seuls les bâtiments publics sont desservis par le réseau de refroidissement parisien. Parmi les 765 clients de Fraîcheur de Paris figurent le musée du Louvre, Beaugrenelle, le palais Bourbon et de nombreux immeubles de bureaux. Cependant, le raccordement du réseau aux immeubles résidentiels est encore loin d'être une réalité. « La difficulté, c'est la multipropriété et le fait que le raccordement nécessite une rénovation lourde du bâtiment », explique Raphaëlle Nayral. « Mais techniquement, nous serions capables de fournir du froid à des immeubles d’habitation. » Pour l'heure, la ville de Paris entend poursuivre le déploiement de ce service auprès des hôpitaux, des crèches et des Ehpad, avant peut-être de le démocratiser pour les habitations. L'investissement en temps et en argent est considérable, et peu de Parisiens pourront profiter du réseau de froid à leur domicile avant plusieurs décennies, dans le meilleur des mondes.
Source : Franceinfo