Annoncé parmi l’avalanche de trailers dont nous a recouverts la dernière édition des Game Awards, Road 96 a su s’attirer les projecteurs du monde entier grâce à un concept intrigant.
Développé par les montpelliérains de DigixArt (11-11 Memories Retold, Lost in Harmony), Road 96 a tout du magnum opus susceptible de faire décoller la carrière du studio. Mais avant ça, il va falloir une bonne dose de pédagogie. Dont acte : Yoan Fanise, réalisateur du jeu, détaille tout ce qu’il nous faut savoir avant d’emprunter la fameuse route 96 qui donne son titre au jeu.
Un road trip procédural
Été 1996, dans le pays fictif de Petria, vous incarnez une jeune femme cherchant à fuir un régime décrit comme « un mélange du pire de tout, du capitalisme comme du communisme qui divisaient le monde si fortement encore à l’époque » (JV Le Mag, numéro 78). Car s’il entretient volontairement des similitudes avec les États-Unis (les paysages, son titre rappelant forcément la Route 66), Petria mélange les influences des deux « blocs » qui s’opposaient encore au tout début des années 90.
Jeu à la première personne, Road 96 racontera la fuite de sa protagoniste par les rencontres qu’elle fera sur son chemin. Entièrement procédural (« dès la première séquence, les joueurs n’auront pas la même aventure », promet encore Yoan Fanise dans les colonnes de JV), le jeu de DigixArt fait honneur à l’adage qui veut que la destination importe moins que le périple qui nous y mène.
Alors, jeu narratif, Road 96 ? Pas à 100%, raconte Fanise à Venture Beat. « Vous allez échouer, et réussir, puis échouer encore. Il y a du gameplay. Ce n’est pas seulement un jeu narratif. Si vous perdez — en mourant ou en vous faisant arrêter —, ou si vous parvenez à franchir la frontière, vous incarnerez un nouvel adolescent le lendemain. Il y a un côté roguelike. Vous continuez l’histoire dans la peau de quelqu’un d’autre ».
Road 96, c’est d’abord des rencontres
Mais Road 96 n’est pas ce simulateur d’immigration aux possibilités infinies que l’on pourrait s’imaginer. Développé par une toute petite équipe (15 personnes seulement), DigixArt a articulé son récit autour de huit personnages clés (on peut en rencontrer beaucoup d’autres). Ce sont eux qui, au gré de vos tentatives de quitter le pays, feront progresser l’intrigue ; on parle de trois « scénarios majeurs », tous interconnectés et dont la tonalité évoquerait aussi bien Fargo, Breaking Bad que Parasite, le film oscarisé de Bong Joon Ho.
Un brin frustré, Yoan Fanise confesse toutefois avoir dû revoir à la baisse ses ambitions pour Road 96. Lucide, le fondateur de DigixArt raconte que lors des premiers playtests, le jeu se terminait en une vingtaine d’heures. Trop, selon lui et ses équipes, qui considèrent qu’il est préférable d’avoir « six ou huit très bonnes heures de gameplay plutôt que 15 heures qui ne sont pas fignolées ».
Pourtant, le studio montpelliérain ne manque pas de ressources pour offrir cet aspect léché à Road 96. Pour la motion capture, toute l’équipe a été mise à profit. Chaque membre du studio interprète un personnage du jeu. Et pour les animations faciales ? « On utilise un iPhone », lance Yoan Fanise à VentureBeat. « L’iPhone 10 (sic) a une très bonne reconnaissance faciale, et nous avons construit quelque chose par dessus avec Unity […] Nous avons trouvé des façons abordables et malignes d’avoir de la mocap [motion capture, ndlr] et des animations de qualité. Sans cela, nous n’aurions pas pu mettre autant d’émotion [dans le jeu] ».
Le premier jeu édité par HP Omen
Rentrant difficilement dans les cases, Road 96 est un projet qui n’a pas su convaincre les éditeurs habituels. Une période d’incertitude, qui a bien failli être fatale au studio, raconte son créateur. « Les caisses régionales et le fonds de la CNC nous ont sauvés par deux fois », avoue Yoan Fanise, reconnaissant. Puis HP, par l’intermédiaire de sa filiale Omen, et Google Stadia se sont intéressés à Road 96.
Laissant à DigixArt un contrôle total sur sa création, Omen et Stadia ont surtout permis au studio de sortir la tête de l’eau et de laisser ses forces créatives se concentrer sur le développement de Road 96.
Quant à d’éventuelles versions consoles du jeu ? La question ne se pose pas encore, à Montpellier. Même si, d’après Yoan Fanise, « tous les constructeurs de consoles m’appellent » depuis la diffusion du trailer de Road 96 pendant les Game Awards.
Reste à graver dans le marbre une date de sortie pour ce jeu français comme aucun autre. « L’année prochaine, c’est certain », annonce, confiant, le réalisateur. Et d’ajouter « je n’aime pas quand un projet traîne en longueur ». On se le tiendra pour dit.
Via : JV le Mag (magazine), VentureBeat