Pas tendre avec les grosses productions assujetties au profit plutôt qu’à la passion, Raphael Colantonio veut développer des jeux audacieux mais pas pour autant élitistes.
Pour ceux qui s’intéressent un peu au milieu du jeu vidéo, le nom de Raphael Colantonio est souvent associé à des titres de qualité. Et pour cause : fondateur d’Arkane Studios en 1999, il a depuis œuvré sur des jeux comme Arx Fatalis, Dark Messiah of Might and Magic, Dishonored ou plus récemment, Prey. Son aventure au sein d’Arkane Studios s’est toutefois achevée en 2017. Un choix en partie motivé par un besoin de prendre du recul sur l’industrie vidéoludique actuelle. Heureusement, Raphael Colantonio n’a pas tourné le dos à son milieu puisqu’en 2019, épaulé par d’autres vétérans tels que Julien Roby, il a créé WolfEye Studios. Regroupant une équipe composée d’une vingtaine de personnes, ce studio travaille actuellement sur un RGP à la sauce western baptisé Weird West. Dans une interview accordée à PCGamer, Raphael Colantonio explique les raisons de son départ d’Arkane Studios et dévoile ses aspirations pour sa future création.
Une industrie devenue boulimique qui produit des jeux triple-A insipides
S’il a apprécié son travail au sein d’Arkane Studios pendant 18 ans, Raphael Colantonio porte un regard plutôt sévère sur les conditions de travail dans les studios premium. En effet, il estime que l’industrie vidéoludique "est organisée de manière à ce que vous ne puissiez pas respirer". Il compare le processus d’élaboration d’un jeu à du travail à la chaîne : les projets y sont "organisés comme une usine de voitures, où, vous savez, après le modèle 3, nous devons commencer à penser au modèle 4. Quelle façon de tuer la créativité et l’énergie d'une personne". Il résume le processus de création d’un triple-A ainsi : "Vous ne faites plus un jeu, vous faites un produit".
Le jugement n’est pas non plus tendre quant au contenu même de ce type de jeux. À demi-mots, le fondateur d’Arkane Studios critique les softs très scénarisés qui prennent le joueur par la main. Il comprend que certaines personnes "se sentent bien, heureuses en fait […] en jouant à des jeux très guidés, des jeux « couloirs » offrant une expérience très contrôlée, avec des cinématiques qui racontent un peu l’histoire […], où il faut tuer quelques monstres, puis vient une autre cinématique". Mais lui "ne comprend pas ça" et n’y trouve, de toute évidence, aucun intérêt.
Moins de budget, moins de pression, plus de liberté
En décidant de revenir au sein d’un studio plus modeste, Raphael Colantonio espère donc se libérer des contraintes liées à la production de jeux triple-A. Et pas de malentendu, qui dit pression moindre ne veut pas dire exigences au rabais, au contraire. Le créateur précise que dans son studio, la "passion et les ambitions sont très élevées".
Forcément, cibler une clientèle moins large autorise une expérience moins consensuelle. Raphael Colantonio explique qu’avec Weird West, il peut donc se permettre de "prendre plus de risques et d’être moins préoccupé par le marché qu’avec un jeu triple-A" . Le gage d’une liberté et d’une créativité retrouvées en somme et qui, on l’espère, débouchera sur une expérience originale.
Alors le risque avec tout ceci, c’est de tomber dans le pédantisme, de proposer un jeu de niche, réservé à quelques initiés. Mais soyez rassuré, Raphael Colantonio refuse l’élitisme. Il assure que lui-même "n'aime pas les jeux complexes", témoigne "être un joueur de la vieille école" qui "aime les jeux qui sont simples à jouer dont la profondeur émerge plus tard, petit à petit". Selon lui, "c'est la beauté de ces jeux, et une bonne simulation immersive devrait être faite comme ça".
Concrètement, il estime que la vraie qualité d’un jeu réside dans son caractère immersif et qu’à l’inverse, la véritable tare d’un jeu prend la forme d’une complexité mal gérée, autrement dit d’un manque d’accessibilité.
Plus spécifiquement, sur Weird West, Raphael Colantonio promet un titre résolument orienté vers l’action, une sorte de "Fallout ou Ultima VII" avec beaucoup de profondeur et dans lequel "aucun joueur n'a exactement le même jeu".
Enfin, si pour WolfEye Studios et Raphael Colantonio, la suite des événements dépendra peut-être de l’engouement suscité par Weird West, le créateur garantit être toujours animé par la même passion, et il espère bien pouvoir la concrétiser tant qu’elle vibrera en lui.
Source : PCGamer