Fondée en 2009, la société Kickstarter s'est fait une place au soleil des sites de financement participatif. Dans le monde du jeu vidéo, il s'agit même d'une place de choix puisque des projets qui tentent de se financer par ce biais, les plus ambitieux passent systématiquement sur Kickstarter.
Un modèle théoriquement parfait...
Sur le papier, difficile de trouver à redire dans cette formule qui permet aux studios de développement de s'affranchir d'encombrants éditeurs tout en vérifiant d'entrée l'attrait de leur concept auprès des joueurs. Pour ces derniers, c'est également tout bénéfice : on participe au financement d'un jeu auquel on aimerait jouer et on y gagne en plus la reconnaissance des créateurs... Pourtant, dans les faits, les choses ne sont pas toujours aussi simples.Afin de monter son projet Elite : Dangerous, David Braben avait ainsi besoin de vérifier que le public potentiel était bien là. Malgré la renommée de son équipe de Frontier Developments, aucun éditeur ne voulait prendre le risque de concevoir une simulation spatiale. « Pire, ils vont vouloir le modifier » nous a-t-il expliqué en octobre dernier. Pour David Braben, « le financement participatif permet de ne pas avoir à convaincre un éditeur ».
En avril dernier, Michel Thomazeau - à l'origine du projet Planets3 - tempérait sensiblement cette assertion en expliquant « Kickstarter ne suffira pas à financer entièrement le jeu ». Il précisait que, conversion et prélèvements effectués, la campagne avait permis de débloquer environ 150 000 euros et que « dans dix mois, on n'a plus d'argent ». Kickstarter pourrait alors davantage se voir comme un moyen de tester le marché avant de chercher d'autres financements.
Troisième développeur, troisième son de cloche. Ainsi, comme l'explique Katie Chironis dans un papier publié chez nos confrères de Polygon, la présence de gros studios de développement constitue un véritable risque pour Kickstarter. Un risque pour la plateforme, mais surtout un risque pour tous les studios indépendants qui comptent dessus pour se financer. En effet, la présence de gros studios sur Kickstarter brouillerait les cartes.
... perturbé par certaines pratiques
Katie Chironis explique effectivement que pour la majorité des gros studios, Kickstarter ne représente qu'une fraction du budget réellement nécessaire pour développer. Elle prend l'exemple de campagnes comme celles de Yooka-Laylee, Mighty No. 9 et Bloodstained pour lesquelles les budgets Kickstarter ne sauraient représenter plus d'un cinquième du coût réel.Dans le cas de Bloodstained et après de très approximatifs calculs, Katie Chironis parvient à un budget d'au moins 5 millions de dollars et plus vraisemblablement 7 millions... Mais alors, pourquoi ne demander que 500 000 dollars ? La réponse est simple. Tout d'abord, il ne s'agit pas de l'unique source de financement de ces studios et, il ne faut pas non plus effrayer les joueurs en demandant une somme trop importante.
Problème, ce « délit de modestie » aurait un impact majeur sur les studios indépendants. Ces derniers auraient toutes les peines du monde à justifier un budget « décent » pour leurs productions. Elle-même à l'origine d'Elsinore (campagne à 12 000 dollars), elle explique avoir reçu de nombreux mails demandant des explications. L'un d'eux se demandait par exemple pourquoi le portage du jeu sur iPad nécessitait 9 000 dollars supplémentaires.
Pour Katie Chironis, les campagnes de certains gros studios donnent une mauvaise idée des coûts de développement d'un jeu. De fait, elle regrette que la transparence ne soit finalement que de façade sur Kickstarter et craint beaucoup pour les petites structures.
David Braben ne voyait pas les choses ainsi et préférait se focaliser sur l'aspect locomotive de ces gros projets : « Nous avons honoré nos engagements auprès de nos contributeurs et nous le faisons encore. De fait, nous validons Kickstarter en tant que structure [...] En prouvant que Kickstarter est un système qui peut fonctionner et aboutir à des projets réussis, j'espère que nous en ferons profiter les plus petits studios. »
Lui-même reconnaissait que « financièrement, Frontier Developments aurait pu assurer le projet grâce à ses fonds propres » et que « Kickstarter avait été indispensable pour savoir si le public existait pour un tel projet »... Un besoin de confirmation qui pourrait coûter très cher aux petits studios.