C'est d'un partenariat entre Bayard Presse et la mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives (MILDECA) qu'est né ce fascicule, bientôt distribué gratuitement aux lecteurs des titres de l'éditeur.
Le jeu vidéo et les instances gouvernementales, c'est toute une histoire. Responsable de la violence, de l'échec scolaire, des tueries de masses... Aujourd'hui, le jeu vidéo se paie également le luxe d'être considéré comme un fléau addictif aussi dangereux que l'alcool et le tabac.
Et si à la lecture de ces quelques mots, on pourrait nous accuser - peut-être à raison ? - de faire un raccourci, comment considérer les propos de ce fascicule largement diffusé ?
Alcool, tabac et jeux vidéo, tous au même niveau
1,5 million de lecteurs de 10 à 13 ans (Images DOC, J'aime Lire) ainsi que leurs parents, vont pouvoir « profiter » d'un bourrage crâne en bonne et due forme. Présenté comme un livret pensé « pour aider les préadolescents à dire non aux addictions », le titre de ce dernier comme ce qu'il suggère ont en effet de quoi interpeller...Si on ne peut négliger la propension des jeux vidéo à rendre accroc - comme un nombre considérable de pratiques, notamment liées aux écrans - peut-on encore vraiment rabaisser ce média au simple rang de drogue, comme l'évoque le titre de ce document ?
Sur son site, la MILDECA explique « faire le point et leur fournir [ aux adolescents, ndlr.] des clés pour comprendre ces comportements et réduire les risques de tels usages », affirmant s'appuyer sur les travaux d'une professeure des universités à l'École des hautes études en santé publique (EHESP), Pr. Karine Gallopel-Morvan. Or cette dernière pointe notamment les influences en faveur de l'alcool et du tabac qu'induisent « les médias online (internet, réseaux sociaux) très fréquentés par les mineurs »... Notez que le jeu vidéo n'est pas mentionné ici.
Au sein du livret, la double page ci-dessus présente en un raccourci fulgurant, la pratique abusive du jeu vidéo ; jouer au lieu de faire les devoirs, au lieu d'obéir à ses parents et au final, l'échec scolaire qui se profile.
Digne d'une bande dessinée archaïque et maladroite pour les enfants de 5 à 7 ans (et encore), qui n'est par ailleurs pas la tranche d'âge cible, le jeu vidéo y est en outre présenté que comme une pratique abrutissante et stérile.
Le jeu vidéo vaut mieux que ça !
Au-delà d'être vidé de son sens, il est clairement dénué de discernement que de mettre au même niveau des pratiques qui n'ont rien à voir en termes d'addiction et de toxicologie. C'est pourtant de cette façon qu'est encore une fois traité le jeu vidéo sur la page de la MILDECA : « En 2014, l'enquête PELLEAS indiquait que 96 % des 10-14 ans avaient joué à des jeux vidéo dans les six derniers mois et que, sur panel de 2 000 élèves de la région parisienne, 1 sur 8 avait un usage problématique des jeux vidéo ».À nouveau, on ne nie pas qu'une pratique addictive du jeu vidéo peut-être problématique. Cependant viser les écrans, le binge watching, les dangers des réseaux sociaux ou mettre en garde contre les images véhiculées par la télé-réalité nous aurait semblé plus approprié.
En 2020, faut-il encore rappeler que le jeu vidéo, au même titre que le cinéma ou la littérature, est avant tout un bien culturel primordial ? Certes, comme tous les médias importants, il est aux prises avec une industrie qui cherche à faire consommer plus, plutôt que mieux. Cette industrie, tout comme celle des réseaux sociaux, cherche chaque jour des moyens de satisfaire nos circuits du plaisir et à nous rendre accroc.
Néanmoins la réponse, qui plus est dirigée vers nos enfants, ne peut être vulgarisée au point de réduire une forme d'art à une drogue... Surtout quand son addiction ne mène, elle, pas à la mort, au contraire de la cigarette et l'alcool.
Vous pouvez, pour vous faire votre propre avis, consulter le livret en question.