L'atmosphère de Vénus, observée par la sonde Pioneer Venus
L'atmosphère de Vénus, observée par la sonde Pioneer Venus

Depuis l'annonce de la découverte de phosphine (et sa mystérieuse provenance) dans l'atmosphère de Vénus en septembre 2020, différentes équipes de chercheurs se penchent sur le sujet. Si le débat scientifique n'est pas terminé, la détection initiale a été remise en question.

Même l'équipe de la découverte a dû faire d'importantes concessions

Phosphine, vrai débat ?

A-t-on réellement découvert de la phosphine dans l'atmosphère de Vénus ? C'est toute la question. En septembre, l'annonce de l'équipe du Dr. Greaves via la Royal Astronomical Society (RAS) avait fait grand bruit. En effet, la détection de phosphine (PH3) ouvrait des perspectives intéressantes : sur Terre, ces molécules sont liées à des phénomènes biologiques, et en 2019, une étude montrait que la présence de phosphine était l'un des marqueurs de la présence de vie.

Toutefois, et comme nous l'expliquions dans notre article en septembre, cette publication de découverte allait devoir être confirmée par des mesures supplémentaires, menant à l'une des trois conclusions possibles. Soit l'étude initiale contenait des erreurs, soit il s'agit d'une chimie atmosphérique mal comprise dans l'atmosphère de Vénus, soit il s'agit effectivement de traces de vie.

Les résultats critiqués

En octobre, la soumission avant publication d'un article sobrement intitulé « No phosphine in the atmosphere of Venus » (G. L. Villanueva et al.) venait battre en brèche les conclusions de l'équipe du Dr. Greaves, demandant ni plus ni moins que le retrait de l'article initial. Il faut dire que le débat scientifique sur la question est fiévreux depuis le premier jour, certains chercheurs reprochant une communication trop aguicheuse à la RAS.

Trois autres articles scientifiques, dont l'un de Thérèse Encrenaz de l'Observatoire de Paris, sont publiés ou en cours de publication sur la détection de phosphine vénusienne. Celui de l'équipe française montre que le niveau détecté est improbable, s'appuie sur des mesures indépendantes depuis 2012. D'autres indiquent que la mesure est trop proche du dioxyde de souffre.

Vénus, observée par la sonde européenne Venus Express. Crédits ESA
Vénus, observée par la sonde européenne Venus Express. Crédits ESA

Moins de phosphine, mais quand même

Il se trouve que fin novembre, l'équipe originelle de Janes Greaves a pré-publié une correction des données. En effet, grâce à l'effort de recherche mis en route après la publication en septembre, les résultats issus du télescope ALMA ont été remis en cause. Ce dernier est destiné à observer des étoiles lointaines, pas une planète aussi proche. Aussi, l'étalonnage a été revu et il a fallu prendre en compte de nouvelles mesures. La suite… est plus sujette à interprétation. Dans l'article modifié de Greaves et al. en réponse à Villanueva et al., il est toujours question de détection de phosphine, mais à des niveaux très inférieurs à ceux mesurés en septembre. Une mesure cohérente avec l'article de T. Encrenaz, mais qui fait passer le niveau de phosphine très près de la marge d'erreur. Trop près même, pour l'instant.

Dans le même temps, une autre étude, analysant les données collectées durant la guerre froide par les sondes de la NASA dans l'atmosphère de Vénus, montre des mesures compatibles avec la présence de phosphine.

C'est le cours normal (bien qu'exacerbé par la communication autour de la découverte initiale) du débat scientifique qui suit son cours. Les résultats sont produits de part et d'autre, les discussions ont lieu pour leur interprétation. En l'état actuel de la recherche, l'annonce quelque peu fracassante du mois de septembre n'aurait plus lieu d'être avec les chiffres revus à la baisse. Évidemment, de futures mesures avec ALMA et une technique différente (observation de points particuliers de Vénus plutôt que de faire la moyenne de valeurs) sont d'ores et déjà au programme en 2021 pour tenter d'en savoir plus.

Source :

Sky and telescope