Voir des cosmonautes à bord d’une capsule issue de l’industrie américaine privée aurait de quoi surprendre plus d’un idéologue. Pourtant, la possibilité n’est pas à écarter complètement.
Dans une interview donnée à Ria Novosti lors du 72e Congrès International d’Astronautique de Dubaï, Dimitri Rogozin, directeur de Roscosmos, a ouvert la porte à l’éventualité de voir des cosmonautes à bord d’une capsule Crew Dragon avant de faire remarquer le lendemain que les technologies employées sont inadaptées à la Russie.
Soyouz et Crew Dragon, deux générations pour une même mission
Alors que le secteur des voyages spatiaux continue de se privatiser, Soyouz (prononcé Sa-youz, de « union » en russe), destiné à la mise en orbite de cosmonautes, est resté de 2011 à 2020 le dernier véhicule habilité à relever l’équipage permanent de la station spatiale internationale (ISS).
Dans la continuité du programme CCDeV, Boeing et SpaceX se voient allouer la perspective de développer des vaisseaux pour le compte de la NASA. SpaceX est le premier à avoir validé l’ensemble des tests permettant d’envoyer des humains en orbite. Ainsi, en mai 2020, Robert Behnken et Douglas Hurley se sont envolés à bord de la capsule C206 Endeavour en direction de l’ISS.
Après plusieurs lancements réussis, et surtout après le succès de la mission Inspiration4 qui a permis à des astronautes non professionnels de faire 45 fois le tour de la Terre en 71 heures, SpaceX s’impose définitivement comme un acteur incontournable de la présence humaine dans l’espace.
Une possibilité, mais des enjeux stratégiques et économiques complexes
Dans l'interview rapportée par Space News, si Dimitri Rogozin valide les résultats obtenus par SpaceX, il reste mesuré quant à la perspective de voir des cosmonautes dans l'un des vaisseaux de l'entreprise américaine. Plus encore, il évoque l'hypothèse d'une prolongation du contrat entre la NASA et Roscosmos pour l’envoi d’astronautes sur l'ISS par Soyouz.
À la question de Ria Novosti « Discuterez-vous des enjeux d'une éventuelle prolongation des vols des astronautes américains sur la sonde russe Soyouz ? », Dimitri Rogozin a répondu : « Nous discuterons avec la NASA de la possibilité de vols croisés. Sur la base des résultats de ces négociations, nous formerons les équipages. Nous sélectionnerons les astronautes qui voleront sur le Crew Dragon et ceux qui voleront sur le Soyouz. »
Cette information est plus que jamais à prendre avec des pincettes, car le lendemain, dans une conférence de presse relatée dans un communiqué de Roscosmos, Dimitri Rogozin a pris soin de noter que la technologie utilisée par SpaceX n'était pas adaptée à la Russie. En cause, la technique d'atterrissage qui rendrait trop compliquée la récupération du module sur les terres russes.
Avec une augmentation substantielle du prix d’envol de Soyouz, on imagine toutefois mal la NASA prolonger une nouvelle fois son contrat pour l’emploi du vaisseau russe. Pour autant, Space Adventure, une entreprise qui planifie ses premiers voyages touristiques spatiaux pour 2023, maintient sa confiance envers Roscosmos. On distingue sans peine les contours des enjeux économiques privés de la face cachée de la Lune.