À quelques jours d'écart, un cargo russe Progress et un cargo américain Cygnus sont arrivés sur la Station spatiale internationale. Les sept membres d'équipage ont reçu de quoi vivre et poursuivre leurs centaines d'expériences… Le contexte sur Terre a beau être de plus en plus tendu, leur mission dépend de la collaboration.
C'est peut-être l'heure pour une photo de groupe ou un grand dîner.
Préparez les écoutilles !
C'était la semaine dédiée à l'arrivée des nouveaux cargos. Le 17 février, deux jours après son décollage, le véhicule russe Progress MS-19 ouvrait le bal en s'amarrant de façon totalement automatisée au module Poisk. Il amenait pratiquement 2,5 tonnes de fret, dont 430 kg de carburant de manœuvre, 420 litres d'eau potable et 40 kg d'azote sous pression pour les systèmes de bord.
Les 1,6 tonne de cargo restantes se trouvaient dans la soute pressurisée de Progress : des vivres, des vêtements, du matériel pour continuer d'activer le laboratoire Nauka, un nouveau kit de réparation pour s'occuper des fissures à l'arrière du module Zvezda, six petits satellites qui seront éjectés « à la main » lors d'une future sortie spatiale et du matériel pour différentes expériences. Les deux cosmonautes occupés par ce déballage, le segment non russe (USOS) s'est à son tour préparé pour l'arrivée d'un cargo, le Cygnus NG-17, qui a décollé samedi dernier.
Du frais dans le fret
Amarré hier (21 février) à l'aide du grand bras robotisé Canadarm2, Cygnus apportait à son tour 3,5 tonnes de matériel et de vivres, y compris des fruits et légumes frais (avocats, tomates, raisins, poires…).
Côté matériel, il y a cette fois de quoi installer les panneaux solaires qui arriveront dans le prochain cargo Dragon de SpaceX, des réservoirs d'appoint pour l'oxygène et l'azote comme du côté russe, un nouvel éclairage pour le bras robotisé, des pièces de scaphandres et une multitude d'expériences scientifiques. Certaines sont financées par des acteurs privés, comme une étude de Colgate-Palmolive sur le vieillissement de la peau en orbite.
Ce cargo Cygnus, qui restera environ un mois et demi sur la station, aura aussi pour mission de corriger l'altitude de l'ISS (généralement, c'est plutôt le côté russe qui s'en charge), et il transporte des CubeSats, dont certains seront largués directement depuis le cargo avant qu'il ne reparte se désintégrer dans l'atmosphère terrestre en avril.
S'occuper pour ne pas évoquer la crise ?
Pour les sept occupants de la Station (deux Russes, un Allemand, quatre Américains), ces deux véhicules et leur contenu vont leur permettre de poursuivre leurs activités, dans ce qui s'annonce comme un mois studieux : plusieurs semaines d'expériences, la préparation de sorties extravéhiculaires du côté américain (installation de panneaux) comme du côté russe (activation du bras robotisé européen ERA). Quatre semaines bien chargées avant les rotations d'équipages de l'ISS au début du printemps.
Les départs et arrivées démarreront le 18 mars avec le décollage de Soyouz MS-21. En tout cas, c'est ce qui est prévu. Il n'aura échappé à personne que les tensions entre la Russie et l'Occident (en ordre dispersé entre puissances européennes et les États-Unis) sont à leur apogée depuis 2014, avec le morcellement puis l'annexion d'une partie de l'Ukraine. Les astronautes, qui sont généralement les premiers défenseurs et d'ardents avocats pour la coopération internationale, doivent vivre une ambiance particulière. Cependant, à moins d'un conflit généralisé (et d'une évacuation), les travaux et même la vie sur l'ISS dépendent d'une collaboration entre tous les acteurs. Cela fait 21 ans que ça dure… et depuis 2014, ça n'a pas (trop) posé de problèmes.
Entre cohabitation et frictions
En effet, pas question dans un cas extrême de faire plus que fermer les écoutilles qui séparent les sections russes et USOS de la Station… et les occupants pourraient refuser de le faire, notamment pour des questions de sécurité. Il n'y a pas de « bouton rouge » pour tout à coup éjecter les modules des voisins, qui sont interconnectés notamment depuis l'extérieur, et quand bien même, cela ne servirait à rien. Pour des questions matérielles d'abord, puisque l'ordinateur central et le pilotage de l'ISS sont installés dans le module russe Zvezda, tandis que les panneaux solaires américains fournissent l'électricité nécessaire aux deux segments.
Côté humain aussi, on peut ajouter que l'astronaute américain Mark Vande Hei est venu sur l'ISS en Soyouz avec ses collègues russes (et qu'il n'en repartira pas avant le mois d'avril). D'autres collaborations et échanges du genre sont déjà prévus avec Anna Kikina sur Crew Dragon à l'automne prochain, tandis que les secteurs spatiaux russes, américains et ukrainiens ont réussi malgré la crise de 2014 à collaborer jusqu'ici. Le Cygnus NG-17 en est un magnifique exemple. Son lanceur Antares utilise des moteurs russes, un premier étage ukrainien, des composants américains, et le cargo comporte lui-même un compartiment pressurisé italien.
Reste donc à savoir si la crise actuelle aura des répercussions sur ce type de programme, voire sur l'ISS elle-même.
Source : Nasaspaceflight