Tandis que d'autres font beaucoup parler d'elles, ces missions et ces sondes sont toujours actives. Elles collectent des données dans le silence médiatique, en attendant de faire à leur tour l'actualité par de nouveaux articles scientifiques, ou en arrivant à destination. Petit inventaire de celles qui restent discrètes !
L'erreur serait de penser qu'elles ne font rien…
Ne les mettons pas de côté !
Il y a des missions qui se font parfois oublier. Non pas qu'elles soient ennuyeuses, ni qu'elles ne soient pas en train de récolter des données, mais simplement parce que, calendrier des publications aidant, les équipes des agences responsables et les chercheurs associés n'ont pas jugé utile de communiquer à leur propos depuis plusieurs semaines ou plusieurs mois. Parfois, les actualités arrivent alors que d'autres sondes, d'autres véhicules font les gros titres, ou alors qu'un énorme télescope attendu depuis 20 ans arrive sur le devant de la scène… Mais pas d'inquiétude, on garde un œil sur ces missions pour mieux vous rappeler ce qu'elles font au milieu de l'été !
Parker Solar Probe
Parker Solar Probe est toujours autour du Soleil, bouclier fermement orienté vers notre étoile en fusion ! Le principe de cette sonde est simple : elle ne pointe pas ses instruments « côté Soleil » mais enregistre les données en passant directement dans les couches extérieures de la couronne solaire (que l'on peut définir comme l'atmosphère du Soleil). Le 1er juin, la sonde est passée pour la 12e fois au plus près de notre étoile, mais seulement pour la 3e fois à moins de 10 millions de kilomètres de sa « surface » ! L'environnement magnétique, énergétique et les températures y sont extrêmes pour le matériel. Sous les 13 millions de kilomètres, Parker mesure d'ailleurs des particules et des champs magnétiques solaires qui sont encore considérés comme faisant partie de ce dernier (et ne sont pas nécessairement éjectées en un classique vent solaire).
La sonde va bien, les équipes fêteront les 4 ans de son décollage le 12 août ! Son orbite actuelle dure 96 jours restera encore identique un an, avant que Parker survole Venus pour l'avant dernière fois en août 2023, pour se rapprocher encore du Soleil. L'apothéose est prévue pour 2025, avec cinq passages à 6,9 millions de kilomètres, et si tout les systèmes survivent jusque-là, une éventuelle prolongation de mission… Celle que tous les spécialistes appellent « PSP » fournit beaucoup de données, et ces dernières sont régulièrement recoupées avec sa cousine européenne Solar Orbiter, elle aussi en pleine forme et en pleine collecte avec ses instruments.
DART
Dart est toujours en route pour foncer sur la petite lune de l'astéroïde Didymos, depuis son décollage à l'automne dernier. Depuis, la sonde n'a fait qu'accélérer, et vous en entendrez bientôt parler puisque l'impact avec Dimorphos est prévu pour fin septembre ! La fenêtre est encore officiellement de plusieurs jours, les équipes analysant avec précision les trajectoires de la sonde par rapport à l'astéroïde, mais l'impact est attendu le 26 septembre. Pas question de le rater : pour ce test de « défense planétaire » la NASA frappera Dimorphos à plus de 24 000 km/h ! Une étude parue le 1er juin, qui utilise un modèle de composition interne différent de ceux qui ont servi jusqu'ici aux estimations de la mission, évoque la possibilité que Dimorphos soit profondément altérée par ce contact. Ce qui ne serait pas bien grave, du moment où la NASA et l'ESA peuvent quantifier la modification d'orbite générée par la méthode de déflection par impact… De loin la plus simple à mettre en œuvre si un jour un astéroïde était détecté sur une orbite dangereuse pour la Terre et ses occupants.
Et si l'agence spatiale européenne suit de si près cette mission, c'est parce que son orbiteur HERA décollera en 2024 pour rejoindre le couple Didymos-Dimorphos en décembre 2026 et étudier les résultats du choc comme l'histoire de ce couple d'astéroïdes. La préparation va bon train.
Lucy
Lucy est encore loin des astéroïdes troyens. A vrai dire, depuis son décollage le 16 octobre dernier, elle est surtout en voyage pour revenir vers la Terre… pour une assistance gravitationnelle qui la propulsera, enfin, vers l'orbite « loin devant » Jupiter, et les astéroïdes coincés là depuis (on l'espère) quelques milliards d'années. Cette première année, à part quelques vérifications aurait donc pu rester dédiée à une hibernation et une croisière calme… Il n'en a rien été ! En effet, l'un des deux panneaux solaires rotatifs de 7m de diamètre de la mission s'était mal déplié, quelques heures après l'éjection de la sonde. Entre le 6 mai et le 16 juin, après une longue préparation, les équipes de la NASA ont tenté de réactiver progressivement le moteur et ont réussi à bloquer le panneau en position ouverte : il ne manque que 3 degrés d'ouverture sur 360… Ce qui n'aura a priori aucune influence sur la mission ou sa durée de vie. Et ça tombe bien, puisqu'en juin des astronomes ont confirmé l'existence d'une nouvelle lune autour de l'astéroïde Polymele, que Lucy survolera en septembre 2027. Sa 9e cible d'étude !
OSIRIS-REx
OSIRIS-Rex est toujours en route vers la Terre ! On l'a un peu oubliée, parce que cela fait plus d'un an qu'elle a quitté l'astéroïde Bennu… La sonde s'y était brièvement posée pour aspirer plusieurs dizaines (et probablement même plusieurs centaines) de grammes de régolithe dans son dispositif TAGSAM, avant de les placer dans sa capsule de retour. Mais cette dernière, il faut bien la ramener : le trajet se prolongera jusqu'au 24 septembre 2023. Pour autant, les équipes ne sont pas restées les bras croisés ces derniers mois, puisqu'elles préparent l'extension de mission (nommée OSIRIS-Apex). La sonde a rendez-vous avec le fameux astéroïde Apophis en avril 2029, juste après son passage à moins de 40000 km de la Terre ! Elle restera avec lui ensuite, pour l'étudier de près.
La mission « cousine » d'OSIRIS-REx, la sonde japonaise Hayabusa2, est pour sa part déjà en hibernation pour son extension de mission. Son prochain survol, celui de l'astéroïde 2001 CC21, n'est pas prévu avant 2026…
Hope
Hope est toujours en orbite autour de Mars, entre 20 000 et 43 000 km d'altitude ! La sonde des Emirats Arabes Unis, arrivée autour de la planète rouge en février 2021, poursuit sa mission et continue d'observer la climatologie de la planète rouge. La mission continue d'envoyer ses données quotidiennement au centre MBRSC, avant qu'elles soient traitées dans les laboratoires de planétologie du monde entier. Récemment, la mission a publié sur l'observation de l'augmentation des concentrations d'oxygène dans l'atmosphère. Cette dernière est due au fait que l'orbite très elliptique de Mars l'amène actuellement plus proche du Soleil (mais aussi que le cycle solaire est en phase d'augmentation d'activité), ce qui génère plus de « casse » de molécules de CO2. Ce n'est qu'un des nombreux exemples, car Hope observe également les formations de nuages martiens, la concentration d'eau dans l'atmosphère ou les aurores et leur environnement de plasma.
ExoMars TGO
ExoMars TGO, beaucoup plus proche de la surface de Mars que la sonde Hope, poursuit aussi son examen des gaz présents en très faibles quantités (comme le méthane) dans l'atmosphère martienne. Beaucoup moins médiatisée que l'autre volet d'ExoMars, qui concerne le rover Rosalind Franklin et sa plateforme russe Kazatchok annulés sur fonds de sanctions post-invasion de l'Ukraine, TGO, elle, se poursuit. Et heureusement… Arrivée depuis 8 ans déjà autour de la planète rouge, elle apporte en plus de sa mission astrophysique des photographies d'une beauté saisissante, et un appui technique aux rovers de la NASA qui ont besoin de transmettre toujours plus de données aux centres spatiaux terrestres. Récemment, les équipes d'ExoMars TGO ont publié sur la possibilité que de grandes quantités d'eau (sous forme liquide de boues, ou de glace) se trouve sous la surface d'une des zones les plus connues de Mars, le gigantesque canyon de Valles Marineris. Et ce grâce à l'instrument russe FREND…
Il y a bien d'autres missions en orbite de Mars dont vous n'entendez pas parler très souvent. Odyssey, par exemple, ou bien MAVEN qui étudie d'évolution sur le long terme de l'atmosphère martienne, et même le Mars Reconnaissance Orbiter, bien que ce dernier continue d'émerveiller le grand public grâce à ses gigantesques panoramas détaillés de la surface de Mars, et toutes ses variations de déserts. Nous avons évoqué la fin de mission prévue de l'atterrisseur InSight, qui se rapproche inexorablement, mais il y a aussi l'orbiteur européen Mars Express qui poursuit ses observations, tout comme la sonde chinoise Tianwen-1 et même le rover Zhurong au sol, immobilisé après plusieurs kilomètres parcourus… Il devrait reprendre son périple dans les mois qui viennent, à la fin de l'hiver martien.
Juno
Juno est toujours sur son orbite très elliptique autour de Jupiter ! Le 5 juillet dernier, elle survolait la planète géante du pôle Nord au pôle Sud pour la 43e fois depuis son arrivée à l'été 2016. Une mission qui à l'origine aurait déjà dû être terminée, mais qui s'est prolongée grâce à des économies de carburant et une architecture suffisamment solide pour résister aux intenses radiations de l'environnement de Jupiter. Résultat, elle continue de capturer ses fantastiques images des tempêtes sans fin qui s'évaporent et se regénèrent dans les nuages de la géante. Ces vortex, semblables à des ouragans, s'étendent parfois sur plusieurs centaines, voire milliers de kilomètres de large. Et grâce à l'étude de Juno, on sait également qu'ils peuvent atteindre 50 kilomètres d'altitude, piliers de tempêtes cycloniques que la mission aide à comprendre et à classer.
D'ailleurs vous pouvez vous aussi aider, puisqu'il existe une branche de science participative qui fait participer les internautes dans l'identification de ces vortex (voir ici). Fin septembre 2022, les équipes de Juno vivront un grand moment, puisqu'ils préparent depuis des mois le survol de la lune Europa (ou Europe), qui sera étudiée en détail par plusieurs missions au cours de la prochaine décennie. C'est une occasion unique, même si la sonde n'est pas vraiment prévue pour ça, de capturer un maximum de données et de belles images à seulement 300 kilomètres de sa surface !
Chandrayaan-2 et Chang'E 4
Enfin, il convient de ne pas oublier deux missions qui font très peu parler d'elles, et qui pourtant sont très proches… autour et même sur la Lune ! En effet, il y a actuellement quelques sondes qui ne font plus beaucoup la Une, faute de publications régulières. D'abord, on retrouve à seulement 100 km d'altitude la sonde Chandrayaan-2. Depuis que l'Inde a vu ses espoirs de se poser sur la surface s'écraser avec l'atterrisseur Vikram en 2019, la communication sur cette mission est minimale ! Tout juste a-t-on pu s'émerveiller de quelques clichés en 3 ans d'opérations. Dont des vues à haute résolution des sites des missions Apollo. Dommage de ne pas en publier plus, ou de ne les laisser dans les répertoires qu'à destination des chercheurs, car la Lune, en particulier ses jeux d'ombres à la surface, est parfois saisissante de beauté.
La Chine communique à peine plus sur l'évolution de son petit rover Yutu-2 (et son atterrisseur Chang'E 4) sur la face cachée. On retrouve, tous les mois, quelques rapports sur la distance parcourue, à l'occasion quelques photographies et des explications succinctes sur son trajet, mais nous sommes bien loin de la communication lissée d'autres agences. Dommage, car cela fait déjà 3 ans et demi que Yutu-2 roule (à très faible allure) sur le côté de notre satellite naturel que nous ne verrons jamais. Plusieurs études sur la composition du sol et l'âge du cratère dans lequel s'est posée la mission ont toutefois déjà fait l'objet de prestigieuses publications. Que le petit rover ait survécu pour poursuivre sa route dans son 45è jour lunaire est déjà un exploit en soi !