Lever de Terre vu depuis l'orbite lunaire par l'orbiteur sud-coréen Danuri © KARI
Lever de Terre vu depuis l'orbite lunaire par l'orbiteur sud-coréen Danuri © KARI

Cet été, Clubic vous propose de vous intéresser au futur proche des différentes missions lunaires. De la Russie aux États-Unis, en passant par les robots et les stations, notre satellite naturel est une destination hors normes. Dans ce deuxième épisode, direction les salles de contrôle, où agences et entreprises préparent des dizaines de robots et satellites lunaires.

Ce n'est pas parce que les agences prévoient de ramener des astronautes autour et sur la Lune que les atterrisseurs, rovers et satellites perdent tout leur intérêt. Lorsqu'on parle de la Lune, toutes les technologies sont complémentaires. Et pour préparer des « installations permanentes », les robots seront indispensables. Alors, voici un petit tout d'horizon de quelques projets qui nous attendent.

Une note, toutefois, il manquera dans ce tour l'éléphant dans le magasin de porcelaine : la Chine, évidemment. Elle règne largement sur les missions robotisées lunaires depuis une décennie, tant et si bien que le programme Chang'e aura son article consacré.

La NASA mise sur les robots de son secteur privé

En 2018, sous l'impulsion de l'administration Trump, la NASA est chargée de générer vers la Lune le même élan qu'elle a su créer vers l'orbite terrestre pour y créer un fort intérêt économique privé. Elle met alors en place le projet CLPS (Commercial Lunar Payload Services), qui permet à l'agence américaine d'acheter le voyage de ses instruments et charges utiles jusqu'à la surface lunaire.

Un « service » qu'elle subventionne en payant (cher) le transport, avec la possibilité pour les entreprises sélectionnées de vendre le reste de la capacité de leurs atterrisseurs à d'autres clients, ou même de faire voler leurs propres missions développées avec les fonds. Et dans les premières années, la NASA a commandé un sacré lot d'atterrisseurs ! Avec un détail tout de même : les entreprises sélectionnées n'avaient jamais fait ça.

Vue d'artiste de l'atterrisseur Blue Ghost de Firefly Aerospace. Il devrait décoller l'hiver ou le printemps prochain © Firefly Aerospace
Vue d'artiste de l'atterrisseur Blue Ghost de Firefly Aerospace. Il devrait décoller l'hiver ou le printemps prochain © Firefly Aerospace

Ainsi, nous en avons déjà parlé, Astrobotic a raté sa première mission, puis Intuitive Machines a réussi à poser son atterrisseur IM-1 Odysseus sur le flanc. Mais dans les années à venir, ce sont au moins 7 à 9 atterrissages qui sont déjà prévus en partenariat dans le cadre CLPS. Au moins deux pour Astrobotics, deux pour Intuitive Machines et deux pour Firefly Aerospace, une pour Draper (qui utilisera un atterrisseur japonais) et des contrats déjà prévus pour envoyer des charges utiles lourdes de plus de 300 à 500 kilos.

Et si l'on sait depuis cette semaine que parmi les charges utiles, la NASA a abandonné son rover VIPER, l'un des plus ambitieux, les autres projets ne manquent pas. Des capteurs, de quoi forer et examiner le sol, de petits rovers destinés à tester la mobilité et les communications, et des moyens de mesure innovants. L'idée sous-jacente est également de faire naître un intérêt commercial pour l'aventure lunaire.

Reste aujourd'hui qu'à part des cendres, des messages, quelques œuvres d'art ou de la publicité, les manifestations d'intérêt restent discrètes. Et il n'y a pas non plus de mission robotisée vraiment emblématique avec une grande ambition. Les industriels cherchent d'abord à « débloquer » la surface lunaire, et la NASA reste prudente.

L'ESA, les Européens acteurs, pas spectateurs ?

Souvent partenaires des Américains, les Européens de l'ESA ont aussi des projets lunaires. Il y a notamment un orbiteur qui servira de mission test, le Lunar Pathfinder, véhicule de relais des signaux, qu'il s'agisse d'autres orbiteurs ou de futures missions au sol.

Mais l'Europe compte également des projets de grande envergure, en particulier Argonaut. Malheureusement, les finances de l'agence ne lui permettent pas d'envisager ce grand atterrisseur lunaire (d'une capacité d'emport de 1 800 kilos) avant 2031. Toutefois, l'ambition est bel et bien de disposer de capacités autonomes à cette date, que ce soit à son propre service ou à celui d'agences partenaires.

Le concept Argonaut progresse vers la réalité. On voit ici une vue d'artiste : il est conçu pour aider les futures bases d'astronautes © ESA

Oui, l'ESA n'a pas mis toutes ses cartes sur la conquête lunaire pour autant, elle maintiendra au long de la décennie son influence en participant à des projets au travers d'instruments et de son industrie. Notamment, l'ESA s'est déjà prononcée dans le domaine de la référence temporelle lunaire, dans le positionnement par satellite ou par des recherches sur les habitats lunaires. Arrivera un moment où ce ne sera pas anecdotique.

Une autre nation suit à peu près la même politique avec des partenariats et ses propres missions : le Japon. Malgré tout, à part la suite des missions privées Hakuto et la participation au projet Artemis avec un énorme véhicule lunaire, les missions indépendantes ne sont pas légion.

L'Inde marquée par le succès des Chandrayaan

À l'été 2023, l'Inde marquait une victoire de prestige dans sa course à l’exploration spatiale. Elle tenait, avec sa mission Chandrayaan-3, une revanche sur 2019 et l'échec de son atterrisseur Vikram, qui lui avait coûté cher, tant financièrement qu'en réputation. Mais depuis, l'agence nationale, l'ISRO, vit sur son petit nuage. Le succès médiatique incroyable de l'atterrissage, puis la diffusion des images et vidéos prises à la surface, ont marqué toute une génération d'Indiens, au point de booster cette année les candidatures dans les filières scientifiques et techniques.

La Lune va rester au menu de l'ISRO, qui prévoit déjà Chandrayaan-4 avec une assurance nouvelle. Il s'agira de se poser encore plus proche du pôle Sud et de prélever des échantillons de sol pour les rapporter en Inde, grâce à une complexe architecture de mission. Le pays a même su se trouver un allié pour participer à l'aventure, construire un rover et fournir la fusée pour transporter l'ensemble de la mission, à savoir le Japon. C'est pourquoi elle est aussi connue sous un autre nom, LUPEX, pour Lunar Polar Exploration Mission.

Pour l'Inde, c'est la photo spatiale de 2023 © ISRO

Et pour la suite ? Il faudra attendre après 2030, mais l'Inde n'a aucune envie de rester sur la touche. Après être devenue la quatrième nation à se poser avec succès sur la Lune, elle veut encore progresser.

La Russie veut encore y croire

Depuis l'invasion de l'Ukraine, le secteur spatial civil russe doit faire beaucoup avec moins de moyens. Grevée par un échec cuisant en 2023 lors d'une manœuvre de son atterrisseur Luna-25, l'agence spatiale russe promet beaucoup avec ses tentatives suivantes, en particulier l'orbiteur Luna-26, puis une autre mission pour se poser près du pôle Sud, Luna-27. Mais ces missions seront probablement en retard, et la première, attendue en 2027, montre à quel point le pays a pris du retard sur les autres agences qui se sont consacrées à l'exploration lunaire.

La Russie est désormais derrière la Chine, le Japon, l'Inde les États-Unis, la Corée du Sud… Étudier la Lune reste cependant un objectif ambitieux, même depuis l'orbite, et les scientifiques russes auront à cœur de montrer leurs capacités pour rester dans la course. Et peser, sur le long terme, sur leur partenaire chinois dont ils se sont déjà rapprochés sur le sujet lunaire.

Vue embarquée de l'atterrisseur russe Luna-25 quelques jours avant son crash © Roscosmos

Si les deux missions suivantes réussissent avant 2030, la Russie pourra sereinement prévoir Luna-28, mission bien plus ambitieuse qui comporte plusieurs volets, avec un rover très capable et un module de remontée pour rapporter des échantillons sur Terre.

Corée du Sud, Émirats arabes unis, ils ont des ambitions aussi

On l'oublie parfois, mais l'orbiteur Danuri est toujours actif autour de la Lune. Le petit véhicule sud-coréen poursuit son extension de mission et photographie notre satellite naturel, y compris avec son instrument américain capable de mesurer par réflexion le taux de glace d'eau à la surface des cratères qui ne sont jamais illuminés au pôle Sud.

Danuri a donné des envies à l'agence nationale, qui envisage à moyen terme de monter une deuxième mission d'exploration, dotée de suffisamment de moyens pour tenter de se poser. L'exploration lunaire n'est plus et ne sera peut-être jamais plus l'affaire d'une ou deux nations s'étant dotées d'un maximum de ressources comme dans les années 70.

Le rover lunaire Rashid des Émirats arabes unis (et ses caméras françaises) © MBRSC

Enfin, citons les Émirats arabes unis, qui ont été malheureux d'avoir choisi le premier vol de l'atterrisseur japonais Hakuto en 2022 pour emporter leur précieux rover lunaire Rashid. Après une erreur d'estimation d'altitude, le véhicule s'était crashé sur la face visible. Un petit véhicule « bis », remplacement de ce premier rover lunaire des Émirats, cherche actuellement un véhicule pour le conduire sur la surface. N'aura-t-il pas que l'embarras du choix ?