Capsule, module, station, vaisseau… Les terminologies d'une mission spatiale habitée

Eric Bottlaender
Par Eric Bottlaender, Spécialiste espace.
Publié le 15 mars 2020 à 10h04
7 Soyouz 1967
Une capsule Soyouz s'approche de l'ISS.

Vos astronautes préférés viennent de quitter la Terre. Depuis des mois vous suivez leur actualité, mais... le spatial a ses codes, son vocabulaire, et vous avez du mal à vous y retrouver ?

Cet article abordera avant tout les missions habitées ; pour tout ce qui concerne les missions robotisées, un autre article est en préparation !

Capsule

C'est le véhicule spatial par excellence, utilisé par les astronautes pour quitter la Terre et revenir s'y poser. Les capsules n'offrent habituellement qu'un volume réduit, parce qu'elles ne servent que pour le transport et que ses occupants ne passent que quelques jours (maximum) à l'intérieur. Les capsules spatiales utilisent deux formats, qui sont particulièrement adaptés à leur traversée et leur freinage atmosphérique : en goutte d'eau (comme la russe Soyouz, la chinoise Shenzhou ou l'américaine Crew Dragon), ou conique (comme les capsules Apollo et Orion américaines). La prochaine génération de capsules est conçue pour être réutilisable.

La plupart des capsules aujourd'hui sont équipées de modules de service, qui sont largués et sacrifiés au cours du retour sur Terre. Ces appendices contiennent en général les moteurs de manœuvres, les réservoirs, les panneaux solaires, les batteries, bref tout ce qui permet d'assurer la mission. A leur décollage, les fusées qui transportent ces capsules (ou les véhicules eux-mêmes) sont équipées de systèmes d'éjection d'urgence...

Et pour leur retour sur Terre, toutes suivent peu ou prou le même profil de vol : une rentrée atmosphérique supportée à l'aide d'un bouclier thermique, puis le déploiement d'un ou plusieurs parachutes et l'atterrissage (sur airbags comme Starliner, rétro-propulsé comme Soyouz) ou l'amerrissage (comme Crew Dragon ou Apollo). Les petites capsules Soyouz et Shenzhou disposent en plus d'un module « orbital » qui offre un peu de place pour se dégourdir les jambes à leurs occupants, du stockage et un système de WC.

Navette approche ISS
La navette Discovery s'approche de l'ISS

Navette

Si une capsule aborde le vol spatial par le minimalisme, une navette utilise une approche différente, celle d'un avion spatial. La principale caractéristique réside donc dans le fait qu'une navette ne va pas « tomber » du ciel mais revenir se poser sur une piste aménagée (en général un peu plus longue que celle d'un aéroport classique). Deux modèles différents de navettes habitables ont volé en orbite, la russe Bourane et l'américaine STS (Space Transportation System). Seule cette dernière a fait voler des astronautes dans ses 5 exemplaires bien connus : Columbia, Challenger, Discovery, Atlantis et Endeavour.

Par nature réutilisable et manœuvrable en orbite comme dans l'air, une navette est un véhicule beaucoup plus complexe et plus lourd, mais aussi beaucoup plus capable qu'une capsule. Les navettes STS ont joué un rôle crucial pour assembler la Station Spatiale Internationale, et intervenir en orbite sur des satellites grâce à leur très large soute. La France a tenté de mettre en place un projet de navette spatiale avec l'Allemagne, puis l'ESA. Nommé Hermes, le projet n'a jamais pu aboutir.

Avion fusée

Une navette est-elle un avion-fusée ? C'est ouvert à interprétation, mais ce terme est plus utilisé aujourd'hui pour désigner un avion équipé d'un moteur fusée, comme le petit avion suborbital de Virgin Galactic dont le premier modèle (VSS Unity) est capable d'envoyer son équipage faire une parabole jusqu'à environ 90 km d'altitude.

MIR polyakov
Célèbre photo du cosmonaute Valeri Polyakov au hublot de la station MIR

Station

Se rendre en orbite, c'est bien, mais pour vivre plus d'une semaine ou deux autour de la Terre, ou bien pour mettre en place des expériences, il faut une station spatiale. De l'espace extérieur avec de grands panneaux solaires, des échangeurs thermiques, un éventuel bras robotisé... et de l'espace intérieur pour accueillir un équipage et ses expériences, voici ce qui constitue le cœur d'une station. Les capsules et navettes viennent s'y amarrer, de façon pilotée (comme les navettes STS) ou automatisée (comme Soyouz).

Depuis les toutes premières, les soviétiques Saliout et l'américaine Skylab, la technique a bien progressé, et des missions de longue durée de plus de 6 mois ont pu avoir lieu sur les deux plus grandes stations, Mir et l'ISS.

Module

Une station est rarement constituée d'un seul bloc ou cylindre auquel on vient s'amarrer, même si c'était le cas pour les premières, et les stations chinoises Tiangong-1 et 2 dans la dernière décennie. Avec plus de besoins en habitats, en pilotage, en laboratoires, en stockage... Eh bien on assemble une station spatiale constituée de plusieurs modules. Ces derniers peuvent être très spécialisés, comme le sas Quest de l'ISS qui sert aux astronautes à entrer et sortir avec leurs combinaisons extravéhiculaires, ou bien être aménagées en laboratoires qui peuvent être reconfigurés, comme le module européen Colombus (toujours sur l'ISS).

En cas de problème ou d'urgence, un module peut en général être isolé des autres grâce à des écoutilles étanches. Cela a déjà sauvé tout un équipage en 1997, lorsqu'un véhicule cargo est venu frapper le module Spektr sur la station Mir : les astronautes ont dû évacuer et cloisonner le module en quelques secondes pour éviter que toute la station ne se dépressurise.

ISS global
L'ISS, vue par l'équipage d'une capsule Soyouz qui rentrait sur Terre

Module lunaire

Celui-ci est un peu particulier ! Le module lunaire, sobrement appelé LM ou LEM, faisait partie des missions Apollo entre 1968 et 1972. Après le décollage et une fois en route pour la Lune, la capsule Apollo attachée à son module de service faisait une manœuvre pour s'amarrer au module lunaire, qui procurait durant la mission un espace supplémentaire... Et surtout permettait à deux astronautes d'aller atterrir sur la Lune ! Le LM remontait ensuite en orbite, retrouvait la capsule Apollo pour y transférer les astronautes et les échantillons de Lune, avant d'être largué.

Le module lunaire de la mission Apollo 13 servit aussi de « radeau de sauvetage » aux trois occupants de la mission dont le module de service était gravement endommagé, et qui ne pouvaient rester dans la capsule.

Vaisseau

Bon techniquement, un vaisseau spatial se réfère à un engin spatial (habité) imaginaire, tandis qu'un véhicule désigne son équivalent réel. Dans la pratique, il y a aussi une question de... taille. En effet lorsqu'on évoque un vaisseau cela implique en général qu'un équipage soit capable de vivre dedans. Cela ne correspond donc pas dans l'imaginaire commun, à une capsule habitée.
Eric Bottlaender
Par Eric Bottlaender
Spécialiste espace

Je suis un "space writer" ! Ingénieur et spécialisé espace, j'écris et je partage ma passion de l'exploration spatiale depuis 2014 (articles, presse papier, CNES, bouquins). N'hésitez pas à me poser vos questions !

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Commentaires (6)
Fulmlmetal

Pour moi Apollo et Orion ont plutot un aspect conique que soucoupe. Soucoupe c’est quelque chose de très plat normalement.
Il est dommage qu’on voit souvent dans les médias le terme navette pour désigner une capsule, ce rappel est donc une bonne chose.
Cependant pour moi la navette est plus un engin qui fait des aller-retour réguler entre deux point (Terre-orbite), d’où son nom, sans grosse maintenance. Elle se doit donc d’etre réutilisable. La navette US a donc rempli ce role, on ne peut pas en dire autant des capsules qui sont à usage unique. Certes des Dragon sont réutilisables mais en réalité seule certaines parties le sont dont la structure et l’informatique à bord. Il y a tellement de pièces et éléments changé entre chaque vol (bouclier, carlingue, propulseur, parachute, etc) qu’on ne peut donc pas vraiment parler d’une navette.

Au niveau terminologie et technique, il aurait été bon de rappeler une faute très fréquente dans les médias. Un vaisseau spatial ne s’arrime pas à une station, il s’amarre.
Arrimer c’est la fixation d’une cargaison dans un vaisseau ou bateau.
Amarrer c’est la fixation d’un vaisseau sur un autre vaisseau ou une station ou un port.

ebottlaender

Oui j’ai changé pour mettre conique finalement, ça me paraît plus clair que soucoupe, merci pour ton retour.

Dragon, crew Dragon, Starliner, Orion et Orel sont conçus pour être réutilisés. Alors certes, pas tous leurs éléments mais la capsule elle même oui, et c’est un changement majeur. Et ça ne concerne pas que le squelette. Les navettes STS elles mêmes avaient pas mal d’éléments qui étaient changés entre chaque vol (moteurs, tuiles, etc sans parler des boosters et autres).

Fulmlmetal

Sur STS, les moteurs n’étaient pas changés à chaque fois, ils étaient juste démontés pour être révisé, ce n’est pas pareil. Ca aurait coupé une blinde de changer de moteurs à chaque fois.
Pour les tuiles, celles du dessous elles étaient controlées une par une et ils ne changeaient que celles abimées. Pour les zones blanches, à partir d’un époque ce n’était plus des tuiles mais un revêtement qui n’étaient pas changés
Quand aux boosters ils ne font pas parti de la navette, ils font parti du système de lancement. C’est comme si tu attribuais le 1er étage de la Falcon 9 à la capsule Dragon.

Bref la navette avait juste une révision et un changement de certaines pièces si nécessaire. A priori pour Dragon ca semble etre de plus gros changement comme ceux que je cite au-dessus.

ebottlaender

Les moteurs étaient régulièrement changés sur la navette, c’est (entre autres) ce qui a participé aux coûts, même si ce n’était pas systématique puisqu’effectivement ils étaient démontés et intégralement vérifiés.
Je n’ai jamais écrit que toutes les tuiles étaient changées (et heureusement)… Le démontage était assez profond entre deux vols de navette, surtout après Challenger. « Juste une révision », ça durait quand même plusieurs mois et des milliers d’heures de travail :stuck_out_tongue: C’est entre autres ce qui les a mené à leur perte.

Niverolle

« Ca aurait coupé une blinde de changer de moteurs à chaque fois. » ==> la révision devenait ruineuse autour de la dizaine de vols (comprendre que non seulement elle coûtait plus chère qu’un moteur neuf mais qu’en plus elle effaçait les gains obtenus par les réutilisations précédentes).
De toute manière, tout ce qui était à proximité des puits thermiques était forcément changé d’office (et ça fait beaucoup). C’est un peu comme pour le F22, capable en théorie de masquer sa signature thermique, sauf qu’en pratique cela ce paye par une longue indisponibilité pour maintenance chez le constructeur. Pour la navette c’était pareil, elle retournait chez le constructeur après chaque vol (donc rien avoir avec un avion de ligne).

_Troll

La soucoupe volante est plus proche de la navette ou de la capsule ?

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