En orbite autour de la planète rouge depuis 2006, la sonde Mars Reconnaissance Orbiter ou MRO étudie les détails de Mars et fournit un support pour les missions au sol.
Mais les images extraordinaires de son instrument HiRISE mettent aussi en valeur l'incroyable poésie de cette planète aux sables figés...
MRO, le cartographe
Après deux échecs cuisants de missions martiennes (Mars Polar Lander et Mars Climate Orbiter viennent de se crasher sur la planète rouge), la NASA est à un véritable carrefour au tournant des années 2000. L'administration est d'accord pour en finir avec les missions « petites et à faible coût » qui ont finalement comporté beaucoup d'erreurs. Mais que faire ? L'agence accepte d'abord le principe d'envoyer deux petits robots qui iront rouler plusieurs mois sur la surface, avant de valider le dossier de Mars Reconnaissance Orbiter. Le principe est simple : envoyer un véhicule imposant avec une longue durée de vie pour remplir deux objectifs.- Etudier le sol de Mars et pouvoir le cartographier à haute résolution
- Servir de relais de communication pour les véhicules au sol.
La sonde décolle le 12 août 2005 avec Atlas V, alors l'un des lanceurs les plus récents, dont la NASA vient tout juste d'autoriser l'exploitation, et rejoint Mars le 10 mars 2006, pour d'abord entamer une phase d'aérofreinage. En effet, pour économiser un maximum de carburant, MRO utilise la fine atmosphère de Mars pour freiner le véhicule et abaisser son orbite. Une manœuvre dangereuse, mais payante : les responsables de la mission ont déjà compris que la mission pourrait durer longtemps. 14 ans après, MRO, qui emportait 1,2 tonnes de carburant (sur 2,2 tonnes de masse totale) est toujours en activité.
À l'étude de Mars !
Mars Reconnaissance Orbiter embarque six instruments scientifiques. Un radiomètre qui analyse l'ensemble de l'atmosphère, un radar pour étudier le sol jusqu'à 1 km de profondeur afin d'évaluer la géologie du terrain, un spectromètre qui analyse la lumière réfléchie par la surface pour déterminer la composition majoritaire du sol et... des appareils photos. Un appareil grand angle, pour regarder Mars et se donner une idée de la météorologie globale, d'abord. Mais aussi et surtout HiRISE, qui est l'instrument principal. Un véritable télescope de 50 cm de diamètre capable de prendre des photos à très haute résolution (30 cm au sol !) depuis l'orbite. Il est si précis qu'il faut 200 000 clichés pour cartographier la surface entière de la planète rouge... Et qu'il faut un autre appareil, nommé CTX (pour « contexte »), qui prend des photos des mêmes scènes avec un moins grand zoom pour pouvoir localiser le cliché précisément.Mars à haute résolution
HiRISE pèse lourd : ses clichés en pleine résolution prennent beaucoup de place (4Go) dans la petite mémoire de la sonde... Pourtant, il apporte une nouvelle capacité aux Etats-Unis : celle de pouvoir choisir de nouveaux sites d'atterrissages pour leurs missions. En effet, avec des clichés de deux mètres de résolution, il était impossible de savoir si un petit robot n'allait pas tenter se poser dans une région aux énormes rocs, gâchant immédiatement la mission en le faisant basculer ou en l'endommageant. Avec HiRISE, les équipes de préparation ont un superbe instrument d'analyse, capable de repérer le moindre petit bloc rocheux : utile pour l'atterrissage, mais aussi pour la planification des observations scientifiques. Depuis 2007, c'est grâce à ses clichés que sont établis les cartes des trajets passés et futurs des rovers martiens.Avec MRO, Mars en direct
MRO a de nombreuses découvertes scientifiques à son actif, en plus de la cartographie précise du sol martien. On lui doit une estimation précise de la glace des pôles, la découverte que certaines régions des hautes latitudes ont de la glace juste sous la surface et en grande quantité, l'observation d'avalanches et de coulées de sable ou d'eau saumâtre (il y a débat scientifique). Avec MRO, on comprend mieux le passé de l'eau sur Mars , sa géologie et l'évolution de ses paysages. Mais avec un télescope ultra-précis, on peut aussi tenter des clichés audacieux. MRO étant déjà de service pour relayer les signaux des véhicules tentant d'atterrir vers Mars, pourquoi ne pas tourner vers eux l'objectif d'HiRISE ?L'opération est un succès. La sonde arrive à prendre une photo de la descente de Phoenix, puis de Curiosity sous parachute. Ces 14 dernières années, MRO a d'ailleurs pu capturer d'exceptionnels clichés de missions en cours, comme Curiosity dans le piémont du Mont Sharp, InSight et ses petits instruments déployés... Et même des missions que l'on croyait perdues et détruites au sol. Ce fut le cas de Beagle 2, petit atterrisseur européen arrivé sur Mars le 25 décembre 2003 : le site d'atterrissage pris en photo par l'instrument HiRISE montre qu'il s'est presque correctement déployé... Il ne manquait « que » son antenne de communication. Avec ses moyens uniques pour le moment, MRO observera l'atterrissage du rover Perseverance en 2021, mais suivra aussi les progrès de la mission chinoise Tianwen-1 et d'ExoMars 2022...
Même la poésie a une fin
Les meilleures sondes ne sont pas éternelles... Mais la NASA va tout faire pour prolonger au maximum le rôle de Mars Reconnaissance Orbiter. Entre autres parce que l'agence américaine n'a pas dans ses plans de remplacement à court terme pour faire relais entre la surface martienne et la Terre. MRO fonctionnera donc probablement jusqu'en 2025, et peut-être même plus si elle en est capable.Il restera tout de même une formidable collection de paysages martiens collectés par HiRISE. Des dunes en fer à cheval déplacées par les vents, des canyons brisés par des milliards d'années de sécheresse, des déserts où les tourbillons de sable griffent le sol comme un dessinateur au fusain...